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La prescription lors d’un dommage différé (arrêt 1/2)

ATF 146 III 14 | TF, 06.11.2019, 4A_299/2013*

Le dies a quo du délai de prescription absolue applicable en matière contractuelle et délictuelle correspond au moment du fait dommageable, sans égard au moment où les effets dommageables découlant de celui-ci se produisent. En matière d’exposition à l’amiante, il convient de déterminer le moment où la victime a été exposée à l’amiante ainsi que le moment où, selon l’état des connaissances de l’époque, l’employeur aurait dû prendre des mesures pour protéger l’employé (violation du devoir contractuel/faute).

Faits

Entre 1961 et fin janvier 1998, pendant son activité auprès de BLS SA, un employé est exposé à la poussière de l’amiante. Un cancer de la plèvre lui est diagnostiqué en 2003 et, par la suite, il décède des conséquences de cette maladie en 2004.

BLS signe une renonciation à la prescription chaque année entre 2004 et 2008.

En 2010, les deux enfants de l’employé et la veuve ouvrent action partielle à l’encontre de BLS afin d’obtenir des dommages-intérêts et une indemnité. BLS conclut au rejet de la demande et intente une action reconventionnelle en constatation négative. L’action principale étant rejetée et l’action reconventionnelle admise par les deux instances cantonales, les demandeurs saisissent le Tribunal fédéral qui est appelé en particulier à préciser le moment auquel le délai de prescription absolue commence à courir en cas de dommage différé.… Lire la suite

La prescription de l’obligation de communiquer (art. 37 cum art. 9 LBA)

ATF 144 IV 391TF, 07.08.2018, 6B_1453/2017*

L’obligation de communiquer au sens de l’art. 9 LBA perdure aussi longtemps que les autorités pénales n’ont pas connaissance du sort des valeurs pouvant être liées au blanchiment d’argent, soit tant que celles-ci peuvent encore leur échapper.

Faits

Le 4 juin 2010, un administrateur d’une société dépose une plainte pénale en raison d’une fraude dont il aurait été victime en lien avec une transaction bancaire. Dix jours plus tard, une procédure pénale est ouverte.

Le 25 juillet 2016, l’administrateur dépose une nouvelle plainte pénale. Celle-ci est dirigée contre diverses personnes responsables au sein de la banque et porte notamment sur des soupçons de violation de l’obligation de communiquer au sens de l’art. 37 LBA. La plainte est transmise au Département fédéral des finances, lequel ouvre, le 10 février 2017, une procédure de droit pénal administratif. Suite à l’opposition de la banque contre le mandat de répression, le DFF la condamne le 19 juin 2017 pour violation de l’obligation de communiquer au sens de l’art. 37 al. 2 LBA.

La banque demande d’être jugée par un tribunal. Le Tribunal pénal fédéral classe la procédure en raison de la prescription de l’action pénale.… Lire la suite

La représentation de l’hoirie en cas d’urgence

ATF 144 III 277 | TF, 03.05.2018, 5A_643/2017*

Alors que le principe de l’unanimité est assoupli lorsqu’il y a lieu de sauvegarder des intérêts juridiquement protégés contre l’un des héritiers, une dérogation ne se justifie pas lorsqu’il s’agit d’actes juridiques conclus entre la communauté héréditaire et un héritier. Par ailleurs, il y a exception au principe de l’indivision dans les cas urgents, chaque héritier étant alors habilité à agir comme représentant de la communauté. Les actes exécutés durant une situation d’urgence ne sont pas soumis à la ratification des cohéritiers.

Faits

Un avocat, agissant comme représentant d’une hoirie composée de trois personnes, adresse à l’Office des poursuites du district de Lausanne des réquisitions de poursuite contre deux individus, dont un membre de l’hoirie. Comme cause de l’obligation, les réquisitions mentionnent des baux à loyer et une interruption de prescription.

L’Office notifie alors des commandements de payer aux poursuivis, lesquels forment opposition. Ils indiquent en outre que l’avocat ne serait pas habilité à représenter l’hoirie.

Interpellé par l’Office, l’avocat révèle que ni lui, ni sa cliente, l’une des membres de l’hoirie, ne disposent de procuration leur permettant de représenter la communauté héréditaire. Il indique toutefois que sa mandante agit en tant que représentante de l’hoirie, ce afin d’interrompre le délai de prescription relatif à une créance de loyer dont serait titulaire la succession.… Lire la suite

L’interruption de la prescription pénale en cas de qualification juridique différente des faits par l’autorité de recours

ATF 143 IV 450 | TF, 30.11.2017, 6B_275/2017*

La prescription de l’action pénale cesse de courir dès qu’un jugement de première instance est rendu (art. 97 al. 3 CP). Elle ne se rapporte pas à la qualification juridique de l’infraction, mais aux faits délictueux à la base de l’infraction. Si le premier juge retient une qualification juridique erronée et que celle-ci est annulée par l’autorité de recours, la prescription ne recommence plus à courir ; la seconde instance peut retenir une autre qualification juridique des faits sans se voir opposer la prescription. 

Faits

En 2013, le Tribunal de police genevois reconnaît un prévenu coupable de diffamation. Les faits constitutifs de l’infraction datent de 2010. Une procédure de recours s’ensuit auprès de la Chambre pénale d’appel et de révision de la Cour de justice genevoise (« Chambre pénale  »), puis auprès du Tribunal fédéral, qui renvoie la cause à la Chambre pénale. En 2017, la Chambre pénale annule le jugement de première instance et reconnaît le prévenu coupable d’injure.

Le prévenu forme un recours en matière pénale devant le Tribunal fédéral. Il considère que l’infraction d’injure est prescrite. Selon lui, la procédure pénale ouverte à son encontre ne portait que sur la diffamation, de sorte que le jugement de première instance n’a pas mis fin à la prescription pour l’infraction d’injure.… Lire la suite

La prescription de l’obligation de restituer les rétrocessions

ATF 143 III 348 | TF, 16.06.2017, 4A_508/2016*

Faits

En 1994-1995, une association mandate une société de courtage afin de développer et organiser un concept d’assurance pour ses membres. La société de courtage conclut alors divers contrats d’assurance pour l’association. Le 4 mars 2005, l’association apprend que la société de courtage a perçu des commissions occultes des sociétés d’assurance et conteste immédiatement leur légitimité. Après des pourparlers infructueux, l’association résilie le contrat avec la société de courtage le 19 août 2005.

Entre 2006 et 2007, l’association dépose une quinzaine de réquisitions de poursuite à l’encontre de la société de courtage, puis ouvre action le 1er juin 2007. Sur appel déposé par la société de courtage, la Cour de justice considère que les rétrocessions sont soumises à un délai de prescription de dix ans courant dès la fin du mandat.

La société de courtage exerce un recours auprès du Tribunal fédéral qui doit statuer sur le délai de prescription applicable aux rétrocessions ainsi que sur son point de départ.

Droit

L’art. 400 al. 1 CO prévoit que le mandataire est tenu, à la demande du mandant, de lui rendre en tout temps compte de sa gestion et de lui restituer tout ce qu’il a reçu de ce chef, à quelque titre que ce soit.… Lire la suite