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L’instruction donnée à un parent par l’autorité de protection de l’enfant

TF, 21.11.2023, 5A_375/2023*

Une instruction donnée à un parent par l’autorité de protection de l’enfant doit reposer sur les considérations concrètes du cas d’espèce, sans être fondées uniquement sur des réflexions abstraites. Elle doit par ailleurs respecter le principe de proportionnalité.

Faits

La mère d’un enfant né en 2012 détient seule l’autorité parentale sur lui. Le père a été condamné pour des infractions sexuelles graves, notamment le viol de la demi-sœur de son enfant, et se trouve en exécution de peine depuis 2015 dans un établissement pénitentiaire.

Après une première tentative de reprise de contact en 2016 par l’intermédiaire de l’autorité de protection de l’adulte et de l’enfant (ci-après : l’APEA), le père demande à nouveau une prise de contact avec son enfant. Invitée à prendre position à ce sujet par l’APEA, la mère de l’enfant fait part de son opposition ferme à de quelconques contacts entre l’enfant et son père.

Par décision du 19 octobre 2022, fondée sur l’art. 273 al. 2 CC, l’APEA enjoint à la mère de faire informer son fils sur son père par un service de psychiatrie pour enfants et adolescents, lui impartissant un délai à cet effet, dans l’optique d’une reprise de contact ultérieure.… Lire la suite

La condamnation pour incitation à la violation des devoirs militaires (art. 276 ch. 1 CP) et la liberté d’expression : le cas de la Grève du Climat

TPF, 03.07.2023, SK.2023.4

La Cour des affaires pénales du Tribunal pénal fédéral acquitte trois militants climatiques prévenus de provocation et d’incitation à la violation des devoirs militaires (art. 276 ch. 1 CP) après leur appel à la grève militaire. Une condamnation en raison de leurs propos, pacifiques et détachés de toute déprédation, serait disproportionnée et constituerait une violation de la liberté d’expression consacrée par la CEDH et la Constitution.

Faits

Le 11 mai 2020, un article au nom de la Grève du Climat est publié sur internet depuis le territoire suisse. Intitulé « L’Armée, je boycotte », il comprend notamment les passages suivants : « La Grève du Climat appelle à faire grève militaire. Par éthique, morale, responsabilité écologique et sociale, nous ne consentons pas à payer la taxe, ni à aller au service militaire » et « Si vous êtes appelé au service militaire, n’y allez pas ». L’article indique également que la Grève du Climat s’engage à tenter de soutenir les personnes qui recevraient des ordonnances pénales et autres répressions en lien avec cette action.

Un Conseiller national dépose une dénonciation contre inconnu auprès du Ministère public de la Confédération (MPC) pour provocation et incitation à la violation des devoirs militaires (art.Lire la suite

L’interdiction des chauffages électriques et la garantie de la propriété

ATF 149 I 49 | TF, 23.03.2023, 1C_37/2022*

Une norme cantonale prévoyant l’interdiction des chauffages et des chauffe-eau électriques dès 2030 est compatible avec la garantie de la propriété (art. 26 Cst).

Faits

Le 28 novembre 2021, les électeurs et électrices du canton de Zurich acceptent, à une majorité de 62 %, la modification de la loi cantonale sur l’énergie adoptée en avril 2021 par le Grand Conseil zurichois. Cette modification avait pour objectif l’adaptation de la loi au Modèle de prescriptions énergétiques des cantons (MoPEC), adopté par la Conférence des directeurs cantonaux en 2015.

En particulier, la modification de la loi comprend une interdiction des chauffages et des chauffe-eau électriques dès 2030, assortie de dispositions pénales pour les contrevenant·es.

Deux particuliers exercent un recours de droit public contre cet acte normatif cantonal auprès du Tribunal fédéral, qui doit déterminer si l’interdiction des chauffages et chauffe-eaux électriques dès 2030 est compatible avec la garantie de la propriété (art. 26 Cst).

Droit

Lorsque la compatibilité d’un acte normatif cantonal avec le droit supérieur est en cause, l’élément déterminant est de savoir s’il est possible d’effectuer une interprétation conforme du premier par rapport au second. Le Tribunal fédéral n’annule une norme cantonale que si elle se soustrait à toute interprétation conforme au droit supérieur.… Lire la suite

Affaire Petrobras : proportionnalité de la confiscation et compatibilité avec l’accord de coopération (1/2)

ATF 147 IV 479 | TF, 01.06.2021, 6B_379/2020*

Pour confisquer des valeurs patrimoniales (art. 70 al. 1 CP) découlant d’un contrat conclu par corruption, le juge doit établir que, sans les pots-de-vin, les parties n’auraient pas conclu ce contrat. Le fait que l’intermédiaire ou ses sociétés ai(en)t fourni des prestations légales en sus d’actes de corruption ne s’oppose pas à la confiscation.

Le montant de la confiscation se détermine selon le principe du profit net (Nettoprinzip). Le seul fait que la corruption ait influencé l’appréciation d’un fonctionnaire ne permet pas de confisquer l’entier du profit net. Il convient d’estimer le montant à confisquer (art. 70 al. 5 CP) en se fondant sur l’ensemble des circonstances, conformément au principe de proportionnalité (art. 36 al. 3 Cst.).

Le prononcé d’une créance compensatrice, en plus de l’amende prévue dans un accord de coopération conclu entre la personne visée et les autorités étrangères dont le but est de restituer les gains, soulève des questions de compatibilité avec le principe de la bonne foi (art. 3 al. 2 lit. a CPP et art. 9 Cst.).

Faits

Deux sociétés, détenues par le même homme (ci-après : l’intermédiaire), négocient pour deux autres sociétés l’attribution de contrats relatifs à des navires de forage avec la société semi-étatique brésilienne Petrobras.… Lire la suite

L’expulsion d’un ressortissant étranger viole-t-elle son droit à la vie privée ? (CourEDH)

CourEDH, 08.12.2020, Affaire M.M. c. Suisse, Requête no 59006/18

L’interprétation donnée par le Tribunal fédéral à la clause de rigueur (art. 66a al. 2 CP) permet a priori d’appliquer les règles sur l’expulsion « obligatoire » des étrangers (art. 66a CP) de façon conforme à l’art. 8 CEDH. En l’occurrence, avant de prononcer l’expulsion d’un ressortissant étranger ayant passé toute sa vie en Suisse en vertu de l’art. 66a al. 1 let. h CP, les juridictions internes ont procédé à un examen rigoureux de la situation personnelle du ressortissant et des intérêts en jeu. Les arguments étant très solides, le ressortissant étranger ne peut se plaindre de la violation de sa vie privée telle que protégée par l’art. 8 CEDH.

Faits

Le Tribunal de police des Montagnes et du Val-de-Ruz condamne un ressortissant espagnol pour avoir commis des actes d’ordre sexuel sur un enfant et consommé des stupéfiants. Il n’ordonne toutefois pas l’expulsion de ce dernier. Ledit ressortissant, qui bénéficie d’une autorisation d’établissement, est né et a toujours résidé en Suisse. Il n’y entretient aucune relation sociale ou familière particulière et n’est titulaire d’aucune formation professionnelle. Durant son enfance, ce ressortissant a passé des vacances dans son pays d’origine.… Lire la suite