Articles

La constatation de l’atteinte à la personnalité dans un média en ligne (2/2) : les personnes de l’histoire contemporaine

ATF 147 III 185TF, 18.02.2021, 5A_247/2020*

Le seul fait qu’une personne soit considérée comme une “personne relative de l’histoire contemporaine” ne confère pas nécessairement un intérêt digne de protection de la presse à l’identifier au moyen d’une photo. Ainsi, l’intérêt de la presse à informer le grand public doit être mis en balance avec le droit à la vie privée de l’individu.

Faits

Le 20 octobre 2013, un article paraît sur le portail en ligne Blick (détenu par Ringier SA) avec le titre suivant :

“C.B. [nom complet dans l’article] de Rafz ZH. Ce Suisse aide le culte de la torture des enfants” (traduction libre).

Le sous-titre se lit comme suit :

“La justice allemande enquête sur « Les Douze Tribus ». La secte torture des enfants – avec le soutien de la Suisse” (traduction libre).

Une photo a été insérée, montrant C.B. de manière identifiable au centre. Par la suite, le nom complet de C.B. a été supprimé et remplacé par ses initiales. Au jour de l’action, l’article est encore disponible sous cette forme sur internet (la photo n’ayant été pixellisée qu’à la suite de l’arrêt de l’Obergericht).

Le 8 novembre 2017, C.B. dépose une demande auprès du Bezirksgericht de Zofingue, en concluant à l’effacement de toutes les données relatives à sa personne dans la publication du 20 octobre 2013 ainsi qu’à la “constatation de l’illicéité”.… Lire la suite

La réparation du préjudice causé à un avocat par un article de presse

TF, 22.8.2019, 5A_562/2018

L’existence d’un intérêt public à la publication d’un article n’implique pas qu’il soit licite de révéler l’identité de la personne concernée.

Les actions en dommages-intérêts et en réparation du tort moral de l’art. 28a al. 3 CC sont indépendantes par rapport à l’action de l’art. 28a al. 1 CC. Dès lors, la réparation du préjudice fondée sur cette norme ne nécessite pas la formulation d’une conclusion en cessation ou en constatation de l’atteinte, même implicite.  

Faits

En décembre 2012, un journal tessinois fait paraître un article, ensuite repris par d’autres médias, selon lequel un avocat du canton se trouverait dans la tourmente après avoir été mêlé à la conclusion d’un « contrat suspect ». En février 2013, le même journal relaie un communiqué du ministère public selon lequel les soupçons visant l’avocat se sont en définitive révélés sans fondement.

L’avocat ouvre action contre diverses personnes physiques et morales impliquées dans la publication de décembre 2012 pour tenter d’obtenir une réparation de son préjudice.

Ses prétentions ayant été rejetées par les instances cantonales, l’avocat recourt devant le Tribunal fédéral, qui examine l’existence d’une atteinte illicite à la personnalité du recourant.

Droit

Aux termes de l’art.Lire la suite

Le père biologique peut-il faire constater sa paternité en présence du père juridique ?

ATF 144 III 1| TF, 18.12.2017, 5A_332/2017*

En cas d’inaction du père juridique marié à la mère de l’enfant, le père biologique ne dispose d’aucun moyen pour faire constater juridiquement son lien de filiation. Cette situation ne porte pas atteinte à sa personnalité, ni en ce qui concerne l’absence d’une action lui permettant de contester la présomption de paternité du mari (art. 256 al. 1 CC), ni en ce qui concerne le fait que celui-ci refuse de contester sa paternité. 

Faits

Une mère accouche d’un enfant. En vertu de la présomption de paternité qui vaut pendant le mariage, son époux est inscrit à l’état civil comme étant le père juridique de l’enfant. Il est toutefois incontesté que le père biologique est un tiers.

Ce tiers demande aux époux de faire reconnaître qu’il est le père biologique de l’enfant, ce qu’ils refusent. Le père biologique intente alors une action contre les conjoints tendant à faire constater que l’inaction des époux concernant la paternité de l’enfant porte atteinte à sa personnalité. Il demande en outre, d’une part, que l’époux de la mère soit condamné à contester sa paternité juridique et, d’autre part, que sa paternité soit constatée.

Les deux instances cantonales rejettent cette demande.… Lire la suite

L’interdiction de qualifier un discours politique de “racisme verbal” et la liberté d’expression (CourEDH)

CourEDH, 09.01.2018, Affaire GRA Stiftung gegen Rassismus und Antisemitismus c. Suisse, requête no 18597/13

La Suisse a violé la liberté d’expression (art. 10 CEDH) de la Fondation contre le racisme et l’antisémitisme en lui ordonnant de retirer de son site internet une publication qualifiant de “racisme verbal” les propos tenus par un président de section cantonale d’un parti politique lors d’un discours de campagne, estimant en substance qu’il était temps d’arrêter l’expansion de l’Islam, que la culture de référence suisse, basée sur le Christianisme, ne pouvait pas se permettre d’être remplacée par d’autres cultures et que, dans ce contexte, un signe symbolique comme l’interdiction des minarets représenterait une expression de la préservation de l’identité suisse.

Faits

En 2009, après une manifestation publique organisée dans le cadre de la campagne sur l’initiative contre la construction des minarets, les Jeunes UDC publient sur leur site internet un rapport indiquant notamment ce qui suit : à l’occasion de son discours, le président des Jeunes UDC de Thurgovie a souligné qu’il était temps d’arrêter l’expansion de l’Islam. Il a ajouté que la culture de référence suisse (schweizerische Leitkultur), basée sur le Christianisme, ne pouvait pas se permettre d’être remplacée par d’autres cultures.… Lire la suite

La modification d’une villa et les droits d’auteur de l’architecte

ATF 142 III 387 | TF, 19.04.2016, 4A_675/2015*

Faits

Un propriétaire confie à un architecte la tâche de réaliser une villa sur mesure, qui dispose de plusieurs particularités, dont une terrasse qui représente un espace extérieur couvert prolongeant un espace intérieur. Cette construction a fait l’objet de plusieurs publications dans des magazines spécialisés.

Quelques années après la construction, le propriétaire décide de fermer et de transformer la terrasse, en raison du fait qu’elle n’offre pas de protection contre les intempéries. A cet effet, il sollicite l’octroi d’un permis de construire. L’architecte fait opposition au projet de transformation. L’opposition est écartée et les recours de l’architecte sont déclarés irrecevables. Le Tribunal fédéral confirme ces décisions.

L’architecte actionne le propriétaire devant la Cour civile du Tribunal cantonal, concluant à ce qu’il soit “protégé en sa qualité d’auteur de l’œuvre” et à ce qu’il soit fait interdiction au propriétaire de transformer la villa. La Cour civile admet les conclusions de l’architecte.

Le propriétaire exerce un recours en matière civile au Tribunal fédéral qui doit déterminer les droits d’un architecte sur son projet immobilier.

Droit

Dans un premier temps, le Tribunal fédéral analyse la question de savoir si la construction architecturale est protégée par le droit d’auteur (art.Lire la suite