Articles

La renonciation à porter plainte pénale et le droit à l’information de la victime

TF, 08.08.2022, 1B_694/2021

La renonciation à porter plainte au sens de l’art. 120 CPP n’est pas définitive lorsque la personne a été induite à faire sa déclaration par une information inexacte des autorités (art. 386 al. 3 CPP p.an.). Tel est notamment le cas lorsque la victime n’a pas été informée de ses droits conformément à la LAVI (art. 305 CPP).

Faits

Le 13 février 2021, un ressortissant marocain, requérant d’asile en Suisse, arrive en état d’ébriété au Centre fédéral pour requérants d’asile (CFA) de Boudry à Neuchâtel. Deux agents de sécurité privés le placent dans un container de dégrisement, dans lequel se trouvent déjà deux autres personnes.

Peu de temps après, une altercation survient entre les trois individus. Torse nu et agité, le ressortissant marocain est placé par les agents dans un autre container qui n’a pas été préalablement chauffé. Il subit un malaise et est emmené à l’hôpital en ambulance.

Le lendemain, il est entendu en qualité de personne appelée à donner des renseignements, en présence d’un interprète. En début d’audition, la police ne l’informe pas de ses droits en qualité de victime et lui indique qu’il peut être assisté d’un avocat de son choix, à ses frais.… Lire la suite

La renonciation à l’immobilisation des loyers et fermages

ATF 145 III 495 | TF, 09.10.2019, 5A_614/2019*

Sous réserve de la volonté contraire du créancier gagiste, l’indication que « la gérance légale n’est pas requise » dans la réquisition de poursuite en réalisation du gage immobilier n’emporte pas renonciation définitive à l’immobilisation des loyers et fermages.

Faits

Une banque initie une poursuite en réalisation d’un gage immobilier contre son débiteur. Dans la réquisition de poursuite, elle indique que la « gérance légale n’est pas requise ».

Le poursuivi agit en libération de dette. La banque requiert alors l’extension du droit de gage aux loyers et fermage de l’immeuble grevé. L’office des poursuites compétent fait droit à sa demande et informe le poursuivi qu’il encaissera les loyers et fermages jusqu’à l’issue de l’action en libération de dette.

Le débiteur forme plainte contre cet avis. L’instance cantonale compétente rejette sa plainte. Cette décision est confirmée en seconde instance.

Le poursuivi forme recours devant le Tribunal fédéral. Il s’agit de déterminer si, en indiquant dans sa réquisition de poursuite que la gérance légale n’était pas requise, la créancière a définitivement renoncé à l’extension de son droit de gage aux loyers et fermages.

Droit

L’art. 806 al. 1 CC prévoit que le gage grevant un immeuble comprend les loyers ou fermages qui courent depuis le début de la poursuite en réalisation de gage jusqu’à la réalisation de celui-ci.… Lire la suite

La qualité pour agir d’une partie des créanciers cessionnaires

ATF 144 III 552 | TF, 18.09.2018, 5A_344/2018*

Lorsqu’une action n’est pas intentée par tous les créanciers cessionnaires de la masse en faillite, mais seulement par une partie d’entre eux, ceux qui agissent doivent prouver que les autres créanciers cessionnaires ont renoncé à agir dans le cadre de cette procédure. Sans cette preuve, ils ne possèdent pas la qualité pour agir.

Faits

L’Office des faillites de l’arrondissement de Lausanne cède à 29 créanciers les droits de la masse en faillite d’une société. Tous ces créanciers, sauf deux, déposent un commandement de payer à l’encontre d’une société qui forme opposition. L’un des créanciers absents avait indiqué ne pas vouloir s’associer à la démarche et l’autre n’avait donné aucune suite à son interpellation. Par la suite, la mainlevée provisoire est requise par 24 créanciers cessionnaires.

Le Tribunal de première instance du canton de Genève prononce la mainlevée, laquelle est annulée par la Cour de justice qui déclare la requête irrecevable. En effet, selon la Cour, les requérants ne disposent pas de la qualité pour agir puisqu’ils n’ont pas prouvé que les autres créanciers cessionnaires, non parties à la procédure, avaient définitivement renoncé à agir au fond (ACJC/220/2018).

Saisi par les requérants, le Tribunal fédéral doit préciser les conditions de recevabilité d’une requête en mainlevée qui n’est pas déposée par tous les créanciers cessionnaires.… Lire la suite

La renonciation à recourir au Tribunal fédéral en arbitrage et la bonne foi

ATF 143 III 55 | TF, 18.01.2017, 4A_500/2015*

Une partie ne peut pas recourir au Tribunal fédéral en invoquant l’inapplicabilité de la clause arbitrale et, en même temps, en affirmant sa validité devant le tribunal arbitral. Un tel comportement viole les règles de la bonne foi.

Faits

Une société introduit une requête en arbitrage à l’encontre d’une autre société en se fondant sur un contrat avec une clause compromissoire. Cette clause dispose que “appeals to the Swiss Federal Tribunal from the award of the arbitrator shall be excluded”.

La société défenderesse soulève l’exception d’incompétence au motif que la signature apposée sur le contrat a été contrefaite. Elle accepte toutefois tacitement la compétence de l’arbitre unique. L’arbitre rend sa sentence dans laquelle il constate que la signature a effectivement été contrefaite et rejette donc la demande.

La société demanderesse exerce un recours au Tribunal fédéral, lequel doit préciser la portée de la renonciation à recourir au Tribunal fédéral en lien avec une acceptation tacite de la compétence du tribunal arbitral.

Droit

Le Tribunal fédéral constate d’emblée que la clause de renonciation à recourir respecte les conditions prévues à l’art. 192 al. 1 LDIP, et qu’elle est donc valable.… Lire la suite

La renonciation à recourir au Tribunal fédéral en arbitrage international

ATF 143 III 589 | TF, 17.10.2017, 4A_53/2017*

Une clause d’arbitrage qui prévoit que “There shall be no appeal to any court from awards rendered hereunder” est une renonciation valable à recourir auprès du Tribunal fédéral. S’il existe une telle renonciation, la voie de la révision n’est pas non plus ouverte.

Faits

Une société acquiert 25 % du capital d’une entreprise énergétique dont un Etat est le principal actionnaire. Par la suite, la société augmente sa part dans l’entreprise et conclut deux contrats avec l’Etat afin de contrôler la gestion de celle-ci.

Ces contrats contiennent la clause compromissoire suivante : “Awards rendered in any arbitration hereunder shall be final and conclusive and judgment thereon may be entered into any court having jurisdiction for enforcement thereof. There shall be no appeal to any court from awards rendered hereunder“.

Alléguant que les contrats ont été obtenus grâce à un pot-de-vin de 10 millions d’euros, l’Etat engage une procédure d’arbitrage conformément au Règlement d’arbitrage de la Commission des Nations Unies pour le droit commercial international (CNUDCI). Il conclut à la constatation de la nullité des deux contrats.

Le Tribunal arbitral, ayant siège à Genève, rejette la demande de l’Etat.

L’Etat exerce alors un recours auprès du Tribunal fédéral et conclut à la récusation de l’arbitre qu’il a nommé.… Lire la suite