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Beeler c. Suisse et rente de veuf : la demande de révision au TF sans objet

TF, 8.01.24, 9F_20/2022*

Dans l’affaire des inégalités de rente entre veufs et veuves pour laquelle la CourEDH a condamné la Suisse (CourEDH [GC], arrêt Beeler c. Suisse du 11.10.22, requête n° 78630/12), la demande de révision de l’arrêt du Tribunal fédéral de 2012 (TF, 4.05.12, 9C_617/2011) par le veuf concerné est devenue sans objet puisque la Confédération s’est déclarée disposée à lui verser les rentes dont il n’avait pas pu bénéficier.

Faits

En 2010, la caisse de compensation d’Appenzell Rhodes-Extérieures cesse de verser une rente de veuf à un individu de 57 ans dont la plus jeune fille a atteint l’âge de 18 ans (art. 24 al. 2 LAVS). Cette décision est confirmée par le tribunal cantonal et par le Tribunal fédéral (TF, 4.05.12, 9C_617/2011).

Le veuf privé de sa rente porte l’affaire auprès de la CourEDH, laquelle confirme l’existence d’une discrimination des veufs par rapport aux veuves – dont la rente ne s’éteint pas de la même manière – et d’une violation de l’art. 14 cum art. 8 CEDH (cf. CourEDH, arrêt B. c. Suisse du 20.10.2020, requête n° 78630/12 résumé in LawInside.ch/999 et confirmé par CourEDH [GC], arrêt Beeler c.Lire la suite

L’absence de base légale pour une compensation financière en plus de celle accordée par la CourEDH en cas de détention injustifiée

TF, 18.12.2023, 7B_800/2023*

Il manque, en droit national, une base légale pour l’octroi d’une compensation financière en raison d’une détention injustifiée, lorsque la CourEDH a déjà accordé une telle compensation.

Faits

En novembre 2009, le procureur général zurichois saisit l’Obergericht pour demander l’internement ultérieur d’un prisonnier condamné à 20 ans de peine privative de liberté dans les années 1990, sur la base de l’art. 65 al. 2 CP. La peine privative de liberté prend fin le 8 octobre 2010, à la suite de quoi l’intéressé est placé en détention pour motifs de sûreté.

Après plusieurs renvois d’affaire, dont un passage par-devant le Tribunal fédéral (arrêt 6B_404/2011 du 2 mars 2012), le Bezirkgsericht ordonne l’internement sur la base de l’art. 65 al. 2 CP en relation avec l’art. 64 al. 1 lit. b CP. L’affaire est à nouveau portée jusqu’au Tribunal fédéral, qui rejette le recours en matière pénale formé par l’intéressé (arrêt 6B_896/2014 du 16 décembre 2015).

Saisie à son tour, la CourEDH constate une violation des art. 5 ch. 1 CEDH, 7 ch. 1 CEDH et de l’art. 4 du 7Protocole additionnel (arrêt W.Lire la suite

Les travaux couverts par l’hypothèque légale des artisans et entrepreneurs

TF, 06.04.23, 5A_689/2022*

L’élargissement du champ d’application de l’art. 837 al. 1 ch. 3 CC (hypothèque légale des artisans et entrepreneurs) suite à la révision du CC entrée en vigueur en 2012 est à interpréter de manière restrictive, contrairement à ce qui prévalait dans l’obiter dictum de ATF 136 III 6, c. 6. Le législateur a souhaité étendre la couverture de manière ponctuelle à certains types de travaux qui, sans être intégrés à l’ouvrage global en tant que tel, participent au processus global de construction et sont indispensables à celui-ci. En ce qui concerne le simple transport de matériaux, celui-ci ne bénéficie pas de l’hypothèque, sauf si les matériaux forment une unité avec d’autres travaux qui, eux, donnent lieu à l’hypothèque.

Faits

Une société propriétaire d’une parcelle à Genève confie à une entreprise générale de construction l’exécution de trois villas. À la demande de l’entreprise générale, une entreprise sous-traitante intervient à plusieurs reprises sur le chantier entre mai 2016 et octobre 2017, pour du transport de matériaux et de déblais, des travaux de creuse et de remblayage, ainsi que des travaux sur une rampe d’accès, en exécution de plusieurs contrats successifs.

En 2018, l’entreprise générale est dissoute par jugement de faillite.… Lire la suite

La récusation d’un-e arbitre dans une procédure de révision et l’étendue du devoir de curiosité sur internet

ATF 147 III 65 | TF, 22.12.2020, 4A_318/2020*

La découverte, postérieurement à l’expiration du délai de recours contre une sentence arbitrale internationale, d’un motif exigeant la récusation d’un-e arbitre peut donner lieu au dépôt, devant le Tribunal fédéral, d’une demande de révision.

Le seul fait qu’une information soit accessible librement sur internet ne signifie pas ipso facto que la partie, qui n’en aurait pas eu connaissance nonobstant ses recherches, aurait nécessairement failli à son devoir de curiosité.

Faits

Le 4 septembre 2018, le nageur chinois Sun Yang, notamment médaillé olympique à plusieurs reprises, fait l’objet d’un contrôle antidopage hors compétition. Considérant que les personnes chargées de procéder au contrôle ne sont pas en possession des documents les y autorisant, il refuse que le test soit mené à son terme.

Dénoncé pour violation des règles antidopage, la Commission antidopage de la Fédération Internationale de Natation (FINA) le blanchit le 3 janvier 2019. Le 14 février 2019, l’Agence Mondiale Antidopage adresse au Tribunal Arbitral du Sport (TAS) une déclaration d’appel, dans laquelle elle requière la suspension de l’athlète pour une durée de huit ans. Le 1er mai 2019, le TAS informe les parties de la formation du Tribunal, lequel est présidé par Franco Frattini, juge à Rome.… Lire la suite

Le défaut de traduction d’une ordonnance pénale en tant que motif de nullité absolue

ATF 145 IV 197TF, 24.04.2019, 6B_517/2018*

Le défaut de traduction d’une ordonnance pénale condamnant une personne de langue étrangère et analphabète ne constitue pas un motif de nullité absolue lorsque le condamné ne requiert pas la traduction de l’ordonnance et ne se renseigne pas au sujet de son contenu.

Faits

Une personne est condamnée à trois reprises, respectivement en 2014, en 2015 et en 2016, par ordonnance pénale pour avoir séjourné illégalement en Suisse. Ces prononcés ne font pas l’objet d’une traduction malgré le fait que le condamné ne maîtrise pas l’allemand et est analphabète.

En 2017, le condamné introduit une demande de révision tendant à faire annuler les trois ordonnances pénales. L’Obergericht zurichois rejette la demande de révision concernant les condamnations de 2014 et 2015, mais annule celle de 2016 en renvoyant la cause au ministère public pour nouvelle décision.

Le condamné saisit le Tribunal fédéral qui doit en particulier déterminer si les trois ordonnances sont nulles de plein droit du fait qu’elles n’ont pas été traduites.

Droit

Dans son principal grief, le recourant fait valoir la nullité des trois ordonnances prononcées à son encontre, au motif que celles-ci ne lui auraient pas été traduites et que, de ce fait, il n’aurait pas pu comprendre les enjeux de ces condamnations et donc se défendre de façon efficace (art.Lire la suite