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Le versement d’aides financières aux cantons pour les requérants d’asile

TF, 21.23.2023, 2C_694/2022*

Le Secrétariat d’Etat aux migrations (SEM) ne peut pas refuser de verser des indemnités forfaitaires à un canton ayant manqué à ses obligations en matière de renvoi au sens de l’art. 89b LAsi, ni en réclamer le remboursement lorsque le canton concerné démontre avoir été empêché de remplir son devoir pour des raisons techniques ou lorsqu’il peut invoquer des motifs excusables à son manquement qui font qu’il est objectivement impossible de lui reprocher un manque de diligence et d’avoir voulu se soustraire fautivement à ses obligations.  

Faits

Par décision du 25 octobre 2016, le Secrétariat d’Etat aux migrations (SEM) refuse d’entrer en matière sur la demande d’asile d’un ressortissant érythréen. Il ordonne simultanément son transfert vers l’Italie en application de l’Accord « Dublin ». Le SEM précise notamment dans cette décision que la relation que l’intéressé entretient avec une requérante d’asile de la même origine vivant en Suisse n’est pas assez étroite et effective pour qu’il puisse bénéficier du droit à la garantie de la vie familiale et voir sa demande d’asile traitée par la Suisse. Cette décision entre en force le 5 novembre 2016.  

Quelques jours plus tard, le Service cantonal des migrations neuchâtelois mène un entretien avec l’intéressé en vue de son renvoi.Lire la suite

Visa humanitaire pour ressortissant·e·s afghan·e·s : une appréciation individualisée du danger est nécessaire (art. 4 al. 2 OEV)

TAF, 11.08.2023, F-601/2022

(i) Un visa humanitaire peut être octroyé lorsque la personne requérante est exposée à un danger grave, concret et individuel qui la touche plus que d’autres personnes en cas de retour dans son pays d’origine. L’autorité doit procéder à une appréciation individualisée et pas seulement standardisée. Elle examine les indices de persécution concrète, comme la réception de menaces concrètes et individuelles.

(ii) Lorsque la personne requérante se trouve dans un autre Etat que son Etat d’origine, l’autorité doit analyser le risque potentiel de renvoi forcé vers son pays d’origine. L’autorité doit instruire l’affaire de manière individualisée.  

Faits

Plusieurs ressortissant·e·s afghan·e·s, une mère et ses enfants mineurs, sollicitent du Secrétariat d’État aux migrations (ci-après : SEM) qu’il rende un préavis sur leurs chances d’obtenir des visas humanitaires. Ils et elle expliquent être en danger en raison de leur appartenance au groupe ethnique des Hazaras en Afghanistan. Le mari de la requérante était secrètement responsable du parti Harakat, parti en opposition directe avec le parti Wahdat, majoritaire dans le village des requérant·e·s. Le conflit qui oppose les deux partis a pris une tournure violente. Le mari et la fille de la requérante ont été abattus en pleine rue.… Lire la suite

Regroupement familial de réfugié·es au bénéfice de l’admission provisoire et aide sociale (art. 85 al. 7 LEI) : une appréciation individualisée est nécessaire (CourEDH)

CourEDH, 04.07.2023, Affaire B.F. et autres c. Suisse, requêtes nos 13258/18, 15500/18, 57303/18 et 9078/20

Peu importe son statut en droit suisse (permis B ou F), une personne réfugiée ne devrait pas être tenue à l’impossible pour obtenir le regroupement familial. Lorsqu’elle est et reste incapable de satisfaire aux exigences relatives à son revenu bien qu’elle ait fait tout ce qui était raisonnablement exigible pour devenir financièrement indépendante, appliquer sans aucune flexibilité l’exigence d’indépendance de l’aide sociale pourrait, le temps passant, conduire à une séparation permanente de la famille, contraire à l’art. 8 CEDH si l’ensemble des circonstances doit conduire à reconnaître une obligation de l’Etat d’autoriser le regroupement familial.

Faits

Trois ressortissantes érythréennes ainsi qu’un ressortissant chinois d’origine tibétaine séjournent en Suisse. Elles et il revêtent la qualité de réfugié·es au sens de la Convention de Genève relative au statut des réfugiés (Convention de Genève), mais sont au bénéfice d’une admission provisoire (permis F – réfugié·es, obtenu entre 2008 et 2012) car, aux yeux des autorités suisses, le risque de mauvais traitements auxquels elles et il sont exposés est apparu après le départ de leur pays et du fait de leurs propres actions (art. 3 al.Lire la suite

Aucun droit au séjour fondé sur le droit au respect de la vie privée (art. 8 CEDH) après l’extinction de l’autorisation (art. 61 al. 2 LEI)

ATF 149 I 66 | TF, 23.06.2022, 2C_528/2021*

Lorsqu’un ressortissant étranger au bénéfice d’une autorisation de séjour quitte la Suisse pour une durée de plus de six mois, son titre de séjour s’éteint automatiquement (art. 61 al. 2 LEI). Il ne peut alors faire valoir de droit au séjour tiré de la protection de la vie privée (art. 8 par. 1 CEDH), et ce même s’il a séjourné en Suisse durant de nombreuses années.

Faits

Le 16 mars 2010, l’Office fédéral des migrations (actuellement : Secrétariat d’État aux migrations) admet à titre provisoire un ressortissant somalien. À partir de mai 2016, ce dernier bénéfice d’une autorisation de séjour, sa situation étant considérée comme un cas individuel d’une extrême gravité.

Fin 2019, dit Office apprend que l’intéressé s’est rendu du 1er septembre 2018 au 29 avril 2019 en Somalie, pour rendre visite à son épouse et à sa famille. Par décision du 26 mai 2020, cette autorité constate que l’autorisation de séjour du ressortissant a pris fin conformément à l’art. 61 al. 2 LEI. Aussi, elle décide de ne pas réoctroyer ou prolonger l’autorisation de ce ressortissant et lui ordonne de quitter la Suisse d’ici août 2020.… Lire la suite

Naturalisation : un certificat de maturité suffit-il à prouver le niveau de langue requis ?

ATF 148 I 271 | TF, 08.03.2022, 1D_4/2021*

Dans le cadre d’une procédure de naturalisation, le requérant peut prouver de bonnes connaissances de langue au moyen d’un certificat de maturité suisse.

Faits

Une ressortissante camerounaise de langue maternelle française dépose une demande de naturalisation auprès de la commune de Thoune. On lui demande dans ce contexte de prouver des connaissances suffisantes en allemand par le biais d’un certificat d’une école de langue reconnue. L’intéressée fournit son certificat de maturité suisse sur lequel figure la note de quatre (soit la moyenne) en allemand langue étrangère.

Le Conseil communal de Thoune n’entre pas en matière sur la demande de naturalisation, arguant que la requérante n’a pas présenté le certificat d’une école de langue reconnue. Cette dernière fait alors recours jusqu’au Tribunal fédéral. Celui-ci doit déterminer si le certificat de maturité est propre à attester du niveau de langue requis dans une procédure de naturalisation.

Droit

Aux termes de l’art. 38 al. 2 Cst., la Confédération édicte des dispositions minimales sur la naturalisation des étrangers par les cantons. Pour la naturalisation ordinaire, un requérant doit ainsi notamment démontrer une intégration réussie (art. 11 LN). Celle-ci se manifeste en particulier par une aptitude à communiquer au quotidien dans une langue nationale, à l’oral et à l’écrit (art.Lire la suite