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La poursuite en Suisse de la succession soumise au droit anglais

ATF 145 III 205 | TF, 10.05.2019, 5A_488/2018*

Le personal representative (administrator) de droit anglais s’apparente à l’exécuteur testamentaire de droit suisse et non au liquidateur officiel de la succession. Partant, la désignation d’un personal representative ne fait pas obstacle à la poursuite individuelle du défunt selon l’art. 49 LP.

Faits

Le Tribunal de première instance de Genève ordonne le séquestre des avoirs bancaires suisses d’un résident britannique. Ce dernier décède en cours de procédure de validation du séquestre.

La High Court of Justice compétente en Grande-Bretagne fait savoir que l’administration de la succession est dévolue ex lege au représentant personnel (personal representative) du défunt. Le Tribunal de première instance de Genève reconnaît et déclare exécutoire cette décision.

Le représentant personnel du défunt demande à l’office des poursuites de constater la caducité du séquestre et de lever celui-ci, au motif que sa désignation est analogue à celle d’un liquidateur officiel et que la succession ne peut dès lors plus faire l’objet d’une poursuite individuelle. L’office rejette cette requête et maintient le séquestre. Le représentant forme une plainte (art. 17 LP) contre cette décision, sans succès.

Il recourt auprès du Tribunal fédéral, qui doit déterminer si la qualité de personal representative de droit anglais correspond à celle du liquidateur officiel de droit suisse, auquel cas la succession ne pourrait plus faire l’objet d’une poursuite individuelle (art.Lire la suite

La responsabilité de l’exécuteur testamentaire à l’égard du légataire

ATF 144 III 217 | TF, 22.02.2018, 5A_363/2017*

Le seul devoir de l’exécuteur testamentaire envers le légataire est de délivrer le legs. Ainsi, un légataire ne dispose pas d’une prétention en responsabilité à l’encontre d’un exécuteur testamentaire qui se serait versé des honoraires excessifs, dès lors que l’éventuel dommage subi par le légataire ne découle pas d’une violation du devoir de délivrer le legs, mais de la violation de l’obligation de diligence et de fidélité de l’exécuteur testamentaire, obligation dont le légataire n’est pas directement bénéficiaire. Le fait que le legs consiste en une quote-part de la masse successorale n’y change rien.

Faits

Un légataire d’une succession est au bénéfice d’un legs consistant en une quote-part d’un vingtième du total du montant net de la masse successorale. Un avocat-notaire agit comme exécuteur testamentaire de la succession. Selon son décompte, la fortune successorale est d’environ 54 millions de francs. Il délivre ainsi environ 2.7 millions de francs au légataire en exécution du legs. Il se verse aussi 600’000 francs d’honoraires pour son travail en tant qu’exécuteur testamentaire.

Le légataire ouvre une action en justice à l’encontre de l’exécuteur testamentaire pour contester le montant de ses honoraires qu’il estime excessif. L’action du légataire est rejetée en première et en deuxième instance.… Lire la suite

Le droit d’être entendu des héritiers dans la procédure d’inventaire (CC 580 ss)

ATF 144 III 313 | TF, 17.07.2018, 5A_791/2017*

Une fois l’inventaire clôturé, un délai d’un mois est imparti aux héritiers pour consulter l’inventaire et pour déclarer notamment s’ils acceptent ou répudient la succession (cf. art. 584 al. 1 CC et art. 587 al. 1 CC cum art. 588 al. 1 CC). En particulier, les héritiers ne sont pas en droit de présenter à ce stade une requête en modification de l’inventaire et de demander le report du délai pour déclarer s’ils acceptent ou répudient la succession. Ainsi, aucune violation de leur droit d’être entendu ne peut être retenue du fait que l’autorité n’entre pas en matière sur de telles requêtes.

Faits

Dans une succession, les héritiers sollicitent au Préfet de Bienne l’établissement d’un inventaire des biens de leur père défunt (cf. art. 580 ss CC). Le notaire chargé d’établir l’inventaire modifie celui-ci après différentes requêtes des héritiers. Une fois l’inventaire clôturé, le notaire communique celui-ci au Préfet.

Les héritiers sollicitent alors du Préfet la rectification de l’inventaire. Ils demandent également qu’aucun délai pour déclarer s’ils acceptent ou répudient la succession ne leur soit imparti avant que l’inventaire soit rectifié.

Le Préfet n’entre pas en matière sur la demande en rectification des héritiers et leur imparti un délai d’un mois pour déclarer s’ils acceptent ou répudient la succession (cf.… Lire la suite

L’importation des oeuvres d’Alberto Giacometti par ses héritiers est soumise à la TVA

ATF 144 II 293 | TF, 03.08.2018, 2C_721/2016*

Les oeuvres d’Alberto Giacometti importées en Suisse par ses héritiers sont soumises à la TVA. Ces oeuvres ne peuvent pas être qualifiées tels des effets de succession dont l’importation est franche d’impôt, à défaut d’avoir été utilisées par le défunt pour un usage personnel. Enfin, l’exonération d’impôt à l’importation prévue pour l’artiste lui-même ne saurait être transmise aux héritiers de celui-ci.

Faits

L’artiste Alberto Giacometti est décédé. La succession est constituée d’œuvres créées par le défunt. Ces œuvres, situées en France, sont dévolues aux héritiers qui sont notamment domiciliés en Suisse.

Les héritiers souhaitent importer les œuvres en Suisse. Ils présentent à l’Administration fédérale des douanes (Administration) une requête d’importation des œuvres en franchise comme effet de la succession. L’Administration refuse d’admettre l’importation des œuvres en franchise de TVA et impose celles-ci à l’importation (7.6 % de leur valeur estimée). Le Tribunal administratif fédéral confirme cette décision.

Les héritiers forment un recours en matière de droit public au Tribunal fédéral qui doit se prononcer sur l’importation des œuvres en franchise de TVA.

Droit

En matière de TVA, sont franches d’impôt les importations prévues à l’art. 53 LTVA. En l’espèce, le Tribunal fédéral passe en particulier deux hypothèses en revue qui pourraient entrer en ligne de compte concernant l’importation en franchise des oeuvres.… Lire la suite

L’héritage des pertes résultant de l’exercice d’une activité indépendante

ATF 144 II 352 | TF, 28.06.2018, 2C_986/2017*

Les pertes résultant de l’exercice d’une activité indépendante sont liées au contribuable et à son statut d’indépendant et non pas directement à l’entreprise qu’il exploite. Le report des pertes n’est par conséquent pas transmissible à l’héritier qui poursuit l’activité ayant généré ces pertes.

Faits

Un héritier unique poursuit, en raison individuelle, l’activité indépendante de son père décédé. L’héritier reprend les comptes commerciaux de celui-ci et fait valoir des pertes accumulées par le père en déduction de ses revenus actuels.

Les instances cantonales refusent de reporter les pertes subies par le père dans l’exercice de l’activité indépendante de l’héritier, considérants que la faculté de reporter de telles pertes ne peut être héritée.

L’héritier forme un recours en matière de droit public au Tribunal fédéral. Celui-ci doit trancher si les pertes reportables peuvent être héritées.

Droit

Un contribuable exerçant une activité lucrative indépendante peut déduire les frais justifiés par l’usage commercial, dont font partie les pertes effectives (art. 27 al. 2 let. b LIFD).

Le Tribunal fédéral rappelle que les pertes sont déductibles aussi longtemps que le contribuable exerce l’activité les ayant engendrées ou s’il en poursuit une autre à la suite de la précédente.… Lire la suite