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La poursuite autonome pour les frais de la procédure de mainlevée

ATF 149 III 210| TF, 24.11.2022, 5A_433/2022*

Un créancier peut intenter une seconde poursuite portant uniquement sur les frais de poursuite accordés par une première décision de mainlevée. La première décision de mainlevée vaut alors titre de mainlevée définitive dans la seconde poursuite. Néanmoins, si le créancier a retiré sa première poursuite ou l’a laissée se périmer, une poursuite autonome subséquente portant sur les frais accordés par la première décision de mainlevée est vouée à l’échec.

Faits

Une épouse fait notifier à son conjoint un commandement de payer en exécution d’une décision de mesures protectrices de l’union conjugale. A la suite du prononcé de la mainlevée définitive de l’opposition, le conjoint est astreint à lui verser une indemnité de dépens et une partie des frais judiciaires. Faute pour l’épouse d’avoir requis la continuation de la poursuite, celle-ci s’est périmée.

Trois ans plus tard, l’épouse fait notifier un nouveau commandement de payer portant notamment sur le paiement des frais judiciaires et de l’indemnité de dépens accordés au cours de la précédente procédure de mainlevée. Le Tribunal cantonal prononce la mainlevée définitive de l’opposition formée contre ce second commandement de payer. Contre cet arrêt, le conjoint intente un recours en matière civile auprès du Tribunal fédéral.… Lire la suite

Désistement d’action et mainlevée définitive

ATF 148 III 30TF, 22.10.2021, 5A_383/2020*

Le retrait d’une action en constatation négative de droit (art. 88 CPC) ne constitue pas un titre de mainlevée définitive au sens de l’art. 80 LP.

Faits

Une société forme opposition à deux commandements de payer notifiés à son encontre. Par la suite, elle introduit deux actions auprès du Handelsgericht du canton de St-Gall tendant à faire constater qu’elle n’est pas débitrice des prétentions déduites en poursuite. Dans le courant de la procédure, la société retire ses deux actions et l’affaire est rayée du rôle.

Ultérieurement, le poursuivant requiert le Bezirksgericht de Lenzburg (AG) de prononcer la mainlevée définitive des oppositions. Celui-ci n’entre pas en matière sur la requête. L’Obergericht du canton d’Argovie rejette le recours formé par le poursuivant à l’encontre de cette décision.

Saisi par le poursuivant d’un recours en matière civile, le Tribunal fédéral doit décider si le retrait d’une action en constatation négative de droit constitue un titre de mainlevée définitive au sens de l’art. 80 LP.

Droit

Selon l’art. 80 al. 1 LP, le créancier qui est au bénéfice d’un jugement exécutoire peut requérir la mainlevée définitive de l’opposition.… Lire la suite

Les restaurants auront-ils droit à une réduction de loyer suite à la pandémie de Covid-19 ?

Bezirksgericht de Zurich, EB201177-L / U, 23.04.2021 

Lorsqu’une prestation contractuelle n’a pas été fournie conformément à ce que prévoyait le contrat de bail, celui-ci ne peut plus constituer un titre de mainlevée approprié pour les loyers échus, même si le·la bailleur·resse a rempli ses obligations contractuelles.

Par ailleurs, il n’est pas exclu qu’un·e restaurateur·rice lésé·e par la pandémie ait droit à une réduction de loyer sur la base de la clausula rebus sic stantibus (changement de circonstances exceptionnel).

Faits

Une personne exploite un bar-restaurant dans des locaux qu’elle loue en ville de Zurich. Elle ne verse pas l’entier de son loyer pour la période de mars à juillet 2020. La bailleresse initie une poursuite à son encontre. La locataire forme opposition, arguant que la bailleresse n’a pas délivré la prestation requise. La bailleresse forme une requête de mainlevée auprès du Bezirksgericht de Zurich sur la base du contrat de bail.

Droit

Un contrat de bail signé par le·la locataire permet en principe au créancier de requérir la mainlevée provisoire (art. 82 LP) pour les loyers échus et les frais annexes correspondants. La mainlevée doit toutefois être refusée lorsque le·la locataire fait valoir que l’autre partie n’a pas rempli ses obligations conformément au contrat et que les contestations ne sont pas manifestement infondées.… Lire la suite

L’entrée en force d’un jugement cantonal attaqué devant le Tribunal fédéral

ATF 146 III 284 | TF, 03.06.2020, 5A_714/2019*

Dès lors que le recours en matière civile au Tribunal fédéral constitue un moyen de droit extraordinaire, le jugement cantonal contesté entre en force et reste exécutoire aussi longtemps que le Tribunal fédéral n’en a pas prononcé l’effet suspensif.  

Faits

Par jugement de mesures protectrices de l’union conjugale du 8 février 2013, le Zivilgericht de Bâle-Ville ordonne à un époux de verser CHF 20’000 de contribution d’entretien à son épouse. En octobre 2017, le même tribunal prononce le divorce du couple et constate que les époux ne se doivent plus aucune contribution d’entretien post-divorce, ce qui est confirmé par l’instance supérieure en juillet 2018. En septembre 2018, l’ex-épouse fait recours contre cette décision au Tribunal fédéral.

Concurremment, elle fait notifier fin août 2018 un commandement de payer à son ex-époux afin de recouvrer des contributions d’entretien non payées pour le mois d’août 2018. Le commandement de payer mentionne le jugement du mois de février 2013 comme titre de créance. L’ex-époux fait opposition. L’ex-épouse demande la mainlevée définitive de l’opposition, refusée en 2019 par le Zivilgericht mais octroyée par l’Appellationsgericht. Ce dernier considère que le jugement de juillet 2018 n’est pas entré en force, dès lors que l’ex-épouse a fait recours contre celui-ci au Tribunal fédéral.… Lire la suite

Les exigences probatoires en matière de mainlevée

ATF 145 III 160 | TF, 01.04.2019, 5A_740/2018*

Le seul moyen de preuve recevable en procédure de mainlevée s’agissant de l’existence d’un titre de mainlevée est le titre lui-même. Le titre doit valoir reconnaissance de dette et démontrer la réalisation des trois identités (soit 1/ identité de la prétention mise en poursuite et la dette reconnue, 2/ identité du poursuivant et du créancier, et 3/ identité du poursuivi et du débiteur). Le degré de preuve requis est celui de la preuve stricte.

Faits

Dans le cadre de prêts hypothécaires, la société empruntrice remet à sa créancière plusieurs cédules hypothécaires au porteur.

Par la suite, la débitrice fait défaut. La prêteuse agit en réalisation du gage immobilier. Le commandement de payer fait référence aux cédules hypothécaires remises, y compris une cédule de 2010 et une cédule de 2007. L’empruntrice forme opposition.

La créancière agit en mainlevée provisoire et produit notamment à l’appui de sa demande deux cédules de 2013 « remplaçant les cédules de 2010 et 2007 ».

Lors de l’audience, la débitrice fait valoir que les cédules hypothécaires référencées dans le commandement de payer et celles produites dans la procédure de mainlevée ne correspondent pas. À ce propos, la créancière explique que la débitrice lui a remis dans un premier temps une cédule de 2010 et une cédule de 2007 grevant un certain bien-fonds.… Lire la suite