Articles

Principe in dubio pro duriore et expertise de crédibilité d’un·e enfant

TF, 24.10.2023, 7B_28/2023

Il n’y a pas de violation du principe in dubio pro duriore lorsque le classement (art. 319 al. 1 lit. a CPP) intervient à la suite d’une enquête approfondie ne révélant aucun moyen de preuve objectif, y compris une expertise de crédibilité d’une enfant supposément victime de violences sexuelles de la part de son père.

Faits

À la suite d’un divorce, la garde d’une enfant est attribuée à sa mère, tandis que son père dispose d’un droit de visite. Dès le divorce, l’exercice du droit de visite représente une source de conflit entre les parents.

Cinq ans après le divorce, la mère dépose une plainte pénale contre le père, pour de prétendus actes d’ordre sexuel commis sur leur fille, alors âgée de sept ans. D’autres accusations s’y ajoutent ensuite : viols multiples, contraintes sexuelles multiples, pornographie et menaces, toujours au détriment de l’enfant.

À la suite du classement de la procédure par le Ministère public soleurois, la mère saisit l’Obergericht, sans succès. Elle exerce ensuite un recours en matière pénale auprès du Tribunal fédéral, lequel doit examiner si l’instance précédente a pu nier sans arbitraire l’existence de soupçons suffisants, ce qui justifierait un classement (art.Lire la suite

Gestation pour autrui à l’étranger et filiation (2/2) : l’établissement de la filiation face au principe ‘mater semper certa est’

ATF 148 III 245 | TF, 07.02.22, 5A_545/2020*

Lorsque, en cas de gestation pour autrui (GPA) à l’étranger, la filiation de l’enfant avec les parents d’intention est analysée sous l’angle du droit suissele principe ‘mater semper certa est’ (art. 252 al. 1 CC) est applicable nonobstant la présence d’un lien génétique entre la mère d’intention et l’enfant né par GPA. Par conséquent, la mère porteuse est la mère juridique de l’enfant né par GPA de par la loi. Alors que le contrat de GPA peut constituer une reconnaissance d’enfant valable du père d’intention génétiquement lié à l’enfant, ce n’est pas le cas en ce qui concerne la mère d’intention génétiquement liée à l’enfant. La voie de l’adoption des enfants de son conjoint (art. 264c ss CC) en vue de l’établissement d’un lien de filiation lui est toutefois en principe ouverte.

Faits 

Un couple marié composé d’une ressortissante suisse et turque et d’un ressortissant turc conclut un contrat de gestation pour autrui (GPA) avec une femme géorgienne. En 2019, la mère porteuse donne naissance à des jumeaux issus d’un don de sperme de l’époux ainsi que d’un don d’ovule de l’épouse. En d’autres termes, chaque parent d’intention a un lien génétique avec les jumeaux.… Lire la suite

Précision de la notion de mariage ayant exercé un impact déterminant sur la vie d’un couple

ATF 148 III 161 | TF, 25.03.2022, 5A_568/2021*

La naissance d’un enfant durant le mariage n’est plus une circonstance déterminante à elle-seule pour admettre que le mariage a exercé un impact décisif sur la vie d’un couple. Ceci vaut également pour une situation de dépendance économique d’un époux vis-à-vis de l’autre, à tout le moins lorsque cette situation découle de décisions commerciales et n’est pas une conséquence directe ou nécessaire du mariage.

Faits

En 2009, après plusieurs années de vie commune, un couple se marie. De cette union naît un enfant. L’épouse poursuit son activité professionnelle comme consultante et travaille principalement pour le groupe d’entreprises de son mari. En 2012, les époux se séparent et décident de divorcer. Ils rompent également leurs relations commerciales.

En 2020, le Bezirksgericht de Zurich prononce le divorce des époux et règles les effets accessoires du divorce. En particulier, l’ex-époux est condamné au paiement d’une contribution d’entretien en faveur de son ex-épouse.

Sur appel des deux époux, l’Obergericht du canton de Zurich admet qu’une contribution d’entretien est due. Cependant, il réévalue le montant dû à l’ex-épouse à ce titre.

L’ex-époux interjette un recours au Tribunal fédéral à l’encontre de cette décision. Ce dernier doit déterminer l’étendue de l’obligation d’entretien de l’ex-époux.… Lire la suite

La protection de la liberté et de l’intégrité sexuelles des enfants

ATF 146 IV 153TF, 09.04.2020, 6B_1265/2019*

Lorsqu’un adulte entreprend des actes d’ordre sexuel avec une enfant de huit ans et demi, avec laquelle il se trouve dans une relation de confiance particulière, le tout dans un climat de secret, il crée une pression psychique et, partant, une situation de fait coercitive dans laquelle sa victime n’a pas d’issue. Il se rend ainsi coupable non seulement d’actes d’ordre sexuel avec des enfants (art. 187 CP) mais également de contrainte sexuelle (art. 189 CP) et, en l’espèce, de viol (art. 190 CP).

Faits

Un homme est accusé d’avoir abusé sexuellement de la fille de son ancienne compagne, née en 2005, sur une période allant d’automne 2013 à fin septembre 2015. Il est condamné par le Tribunal de district de Pfäffikon, puis par le Tribunal cantonal du canton de Zurich, pour s’être rendu coupable, à de multiples reprises, de viol, contrainte sexuelle, actes d’ordre sexuel avec des enfants, pornographie et représentation de la violence.

Le prévenu forme un recours en matière pénale auprès du Tribunal fédéral. Ce dernier est appelé à préciser la notion de situation de fait coercitive, au sens des art.Lire la suite

La notion d’infanticide et l’influence de l’état puerpéral (art. 116 CP)

L’art. 116 CP présume de manière irréfragable (fiction) que la responsabilité de la mère est diminuée durant l’accouchement ainsi que durant un certain temps après, tant que dure l’état puerpéral. Il n’est en revanche pas nécessaire de démontrer l’influence de l’état puerpéral sur la commission de l’acte, la preuve à rapporter reposant uniquement sur la subsistance de cet état.

Faits

Deux heures et demie après avoir accouché, une mère tue son nouveau-né. Celle-ci est condamnée à deux ans de privation de liberté avec sursis pour infanticide (art. 116 CP). Le Ministère public du canton du Valais interjette recours auprès du Tribunal cantonal valaisan, lequel confirme toutefois le jugement de première instance.

Le Ministère public saisit alors le Tribunal fédéral et demande à ce qu’une peine privative de liberté de 10 ans soit prononcée pour assassinat (art. 112 CP), se fondant sur une expertise psychiatrique. A teneur de cette dernière, l’état puerpéral dans lequel se trouvait la mère au moment des faits n’aurait pas eu d’influence sur l’acte.

Le Tribunal fédéral doit ainsi trancher si, lorsqu’une mère tue son enfant peu après avoir accouché et qu’elle se trouve encore dans l’état puerpéral, celui-ci doit avoir eu une influence sur la commission des faits pour qu’un infanticide selon l’art.Lire la suite