L’indépendance et la composition des Commissions de recours communales

TF, 19.09.23, 9C_266/2023*

Le défaut d’indépendance institutionnelle d’une Commission de recours communale composée de membres du conseil communal implique que cette dernière ne revêt pas la qualité de tribunal au sens de l’art. 30 Cst. L’exercice de “doubles fonctions” comme membre du parlement et membre d’une autorité judiciaire est en principe prohibé, du moins lorsque ces fonctions concernent le même niveau de structure étatique.

Faits

La commune d’Aigle notifie deux décisions de taxes de raccordement à une société propriétaire de deux parcelles sur son territoire. La société conteste les décisions auprès de la Commission communale de recours en matière de taxes et d’impôts communaux (la Commission).

La Commission engage alors un avocat à titre de mandataire externe afin de traiter le recours, qui s’avère complexe. Elle notifie cette décision à la commune, à qui il incombe par ailleurs de rémunérer le mandataire ; en revanche, elle ne notifie pas ces éléments à la société. Cette dernière en prend connaissance lorsqu’elle consulte le dossier et demande alors la récusation de l’avocat mandaté par la commune. La Commission rejette la demande. La Cour de Droit administratif et public du Tribunal cantonal du canton de Vaud rejette le recours de la société.

La société forme alors recours en matière de droit public au Tribunal fédéral, qui est amené à se prononcer sur les exigences d’impartialité que doit remplir une Commission communale de recours.… Lire la suite

L’interdiction de sous-apparentement entre listes de différents partis politiques (art. 31 al. 1bis LDP)

TF, 25.08.2023, 1C_399/2023*

En vertu de l’interprétation historique et téléologique de l’art. 31 al. 1bis LDP, les sous-apparentements entre listes de partis différents sont interdits. Cette interdiction vise à protéger la transparence des élections et ne viole pas l’art. 34 al. 2 Cst.

Faits

Dans le contexte de l’élection pour le renouvellement du Conseil national, le parti le Centre Neuchâtel et le Parti évangélique (PEV) Neuchâtel adressent une demande d’autorisation de constitution de sous-apparentements entre les listes de leurs partis. Les listes s’intituleraient « Alliance du Centre – Le Centre » et « Alliance du Centre – PEV ». Ce sous-apparentement interviendrait dans le cadre d’un plus large apparentement comprenant aussi le parti Vert’libéral neuchâtelois.

La Chancellerie d’État du canton de Neuchâtel rejette la demande au motif que les sous-apparentements entre différents partis sont interdits conformément à une circulaire du Conseil fédéral aux gouvernements cantonaux concernant les élections pour le renouvellement intégral du Conseil national. Sur recours, le Conseil d’État du canton de Neuchâtel confirme la décision.

Les partis interjettent alors un recours en matière de droit public au Tribunal fédéral qui doit principalement déterminer si l’interdiction de sous-apparentement entre listes de partis différents est conforme à l’art. 31 al.Lire la suite

La modification d’une jonction autoroutière : procédure d’autorisation de construire ou d’approbation des plans ?

TF, 25.04.2023, 1C_787/2021, 1C_9/2022*

Un projet de construction qui implique des modifications substantielles d’une jonction autoroutière et la construction d’un pont doit suivre la procédure fédérale d’approbation des plans (art. 26 LRN). Il ne saurait faire l’objet d’une autorisation cantonale, respectivement communale, au sens de l’art. 44 LRN.

Faits

Le centre commercial Seedamm-Center se situe sur le territoire de la commune de Freienbach, dans le canton de Schwytz, aux abords de l’autoroute N03 entre Zurich et Coire. Pour améliorer la desserte du centre commercial, il est prévu de créer un accès direct au centre depuis l’autoroute N03, à la hauteur de la jonction de Pfäffikon, par le biais d’un pont. Cette construction implique un déplacement des voies de l’autoroute sur le plan vertical et le plan horizontal à l’emplacement de la jonction de Pfäffikon. Elle nécessite également de créer les accès depuis les deux voies au nouveau pont qui doit relier l’autoroute au centre commercial.

La commune de Freienbach, avec l’aval du département du développement territorial du canton de Schwytz et de l’Office fédéral des routes (OFROU), accorde l’autorisation de construire sur le fondement de l’art. 44 LRN. Avant le début des travaux, une autorisation et une convention d’exploitation devront le cas échéant encore être accordées par l’OFROU.… Lire la suite

Le sort des conventions hydroélectriques portant sur le même débit d’eau

TF, 30.08.2023, 2C_953/2021*

Deux concessions qui portent sur l’utilisation du même débit d’eau ne s’absorbent pas nécessairement à l’expiration de l’une ; les droits concédés peuvent également retourner à l’autorité concédante. Pour déterminer les conséquences de l’expiration de l’une des concessions, il convient d’interpréter celles-ci.

Faits

En 1917, le Conseil fédéral octroie par concession aux CFF le droit d’utiliser les eaux de deux rivières qui coulent sur le territoire de plusieurs communes valaisannes. La concession leur confère le droit d’utiliser toutes les forces hydrauliques pour une durée de cinquante années ainsi que de construire un barrage. En 1967, le Conseil fédéral prolonge cette concession de 50 ans, jusqu’en 2017.

Dans les années 1950, la Suisse et la France conviennent de construire le barrage d’Emosson sur le plateau de Barberine. Cet ouvrage a la fonction de capter les eaux des vallées environnantes, submergeant au passage le barrage construit par les CFF. En 1966, une entreprise obtient le droit d’exploiter ce second barrage par concession jusqu’en 2055. L’accord exclut néanmoins les débits d’eaux qui correspondent aux volumes octroyés aux CFF par la concession de 1917.

En 2018, l’entreprise requiert une décision à l’Office fédéral de l’environnement (OFEN). Elle désire connaître l’étendue des droits qui résulte de la concession.… Lire la suite

Visa humanitaire pour ressortissant·e·s afghan·e·s : une appréciation individualisée du danger est nécessaire (art. 4 al. 2 OEV)

TAF, 11.08.2023, F-601/2022

(i) Un visa humanitaire peut être octroyé lorsque la personne requérante est exposée à un danger grave, concret et individuel qui la touche plus que d’autres personnes en cas de retour dans son pays d’origine. L’autorité doit procéder à une appréciation individualisée et pas seulement standardisée. Elle examine les indices de persécution concrète, comme la réception de menaces concrètes et individuelles.

(ii) Lorsque la personne requérante se trouve dans un autre Etat que son Etat d’origine, l’autorité doit analyser le risque potentiel de renvoi forcé vers son pays d’origine. L’autorité doit instruire l’affaire de manière individualisée.  

Faits

Plusieurs ressortissant·e·s afghan·e·s, une mère et ses enfants mineurs, sollicitent du Secrétariat d’État aux migrations (ci-après : SEM) qu’il rende un préavis sur leurs chances d’obtenir des visas humanitaires. Ils et elle expliquent être en danger en raison de leur appartenance au groupe ethnique des Hazaras en Afghanistan. Le mari de la requérante était secrètement responsable du parti Harakat, parti en opposition directe avec le parti Wahdat, majoritaire dans le village des requérant·e·s. Le conflit qui oppose les deux partis a pris une tournure violente. Le mari et la fille de la requérante ont été abattus en pleine rue.… Lire la suite