La condamnation pénale d’un politicien pour discrimination et incitation à la haine (art. 261bis CP)

TF, 24.04.2024, 6B_1477/2022*

En utilisant les termes « hommes d’origine africaine » et « réfugiés africains », le recourant a désigné à la fois une ethnie et une race au sens de l’art. 261bis CP.

Faits

En marges de la votation sur le mariage pour tous, un politicien publie un message sur son profil Facebook, avant de le supprimer le lendemain. En substance il y affirme que notre culture est condamnée si nous permettons que, dans un avenir proche, «  des réfugiés africains (en majorité des hommes) puissent eux aussi adopter des petites filles  » dans le but d’accomplir avec elles des actes sexuels.

Lorsqu’il s’explique sur cette publication par le biais d’un deuxième message sur son profil Facebook, il écrit que les plus jeunes filles sont souvent harcelées sexuellement par des «  hommes d’origine africaine  ». Dans un troisième message publié sur son profil Facebook, il renchérit en écrivant que la votation sur le mariage pour tous est une étape vers d’autres exigences concernant les adoptions d’enfants par des «  couples contre-nature  ».

Le Bezirksgericht de Zofingen condamne le politicien à une peine pécuniaire avec sursis pour violation de l’art. 261bis ch. 4 CP. L’Obergericht du canton d’Argovie confirme cette condamnation.

Lire la suite

La non-applicabilité de l’art. 124a LEI à l’infraction de rupture de ban (art. 291 CP)

TF, 05.06.2024, 6B_66/2024*

L’art. 124a LEI ne déploie pas son régime à l’égard de l’infraction de rupture de ban (art. 291 CP) ; la jurisprudence relative à la Directive sur le retour (2008/115/CE) s’applique à celle-ci.

Faits

En 2020, la Cour de Justice genevoise condamne un prévenu d’origine étrangère ; elle prononce une expulsion du territoire suisse pour une durée de huit ans. En 2023, le Tribunal de police de la République et canton de Genève condamne le même prévenu pour rupture de ban (art. 291 CP, c’est-à-dire la transgression de l’interdiction de séjourner sur le territoire suisse) ainsi que consommation de stupéfiants (art. 19a LStup) ; en effet, il a continué à séjourner en Suisse malgré la décision d’expulsion judiciaire à son encontre. Il écope de 180 jours-amende en lien avec la rupture de ban ainsi que CHF 300 d’amende pour la violation de l’art. 19a LStup.

Sur appel, la Cour de Justice genevoise réforme le jugement du Tribunal de police. Elle condamne le prévenu à six mois de peine privative de liberté à la place des jours-amende. Le prévenu forme alors un recours en matière pénale au Tribunal fédéral, lequel est amené à se prononcer sur la portée de la Directive sur le retour (2008/115/CE) avec l’infraction de rupture de ban.… Lire la suite

Les dispositions applicables en matière de bruit excessif causé par un véhicule à moteur

TF, 21.03.2024, 6B_1143/2023*

Le bruit excessif causé par la conduite d’un véhicule à moteur est spécifiquement sanctionné par une amende en vertu des art. 90 al. 1 et 42 al. 1 LCR. Ainsi, les cantons et communes ne peuvent pas édicter des prescriptions complémentaires instituant des contraventions pour bruit excessif.

Faits 

Un conducteur circule au guidon de son motocycle à un régime élevé à petite vitesse, sur la roue arrière, sans être porteur du permis de conduire. Sa conduite provoque du bruit, respectivement trouble l’ordre et la tranquillité publics.

La Préfecture du district du Jura-Nord vaudois rend une ordonnance pénale à l’encontre du conducteur, à laquelle ce dernier s’oppose. Statuant sur cette opposition, le Tribunal de police de l’arrondissement de la Broye et du Nord vaudois reconnaît le précité coupable de violation simple des règles de la circulation routière, de conduite d’un véhicule sans être porteur du permis de conduire et de contravention au règlement général de police communale (RGP) de la commune où s’est produite l’infraction. Le Tribunal le condamne au paiement d’une amende de CHF 400.

Cette amende de CHF 400 se compose de CHF 280 pour les violations simples des règles de la circulation routière (soit pour avoir circulé sur la roue arrière, à un régime élevé en petite vitesse), de CHF 20 pour avoir conduit un véhicule sans être porteur du permis de conduire et de CHF 100 pour avoir porté atteinte à l’ordre, à la tranquillité, à la sécurité et au repos publics en violation du règlement général de police de la commune précitée (RGP).… Lire la suite

Les crédits COVID-19 et l’escroquerie (art. 146 CP)

TF, 11.03.2024, 6B_271/2022*

Dans le cas particulier des « crédits COVID-19 », leur obtention illicite sur la base de la fourniture de fausses informations constitue une escroquerie au sens de l’art. 146 CP.

Faits

Par le biais de formulaires de demandes de « crédits COVID-19 » et en s’appuyant sur des factures fictives et des faux bilans, deux personnes parviennent, au nom de plusieurs sociétés, à obtenir indûment ces crédits de la part de banques.

La Corte delle assise criminali les déclare tous deux coupables d’escroquerie et de faux dans les titres. Sur appel, la Corte di appello e di revisione penale acquitte les deux prévenus des chefs d’escroquerie en relation avec les crédits COVID-19 perçus pour une partie des sociétés en cause et de faux dans les titres en relation avec l’une des factures produites.

Par la voie d’un recours en matière pénale, le Ministère public tessinois saisit le Tribunal fédéral, lequel doit se prononcer en particulier sur l’escroquerie en lien avec les crédits COVID-19.

Droit

Le Tribunal fédéral commence par rappeler le contexte général entourant les crédits COVID-19. Dans le cadre des mesures prises pour protéger la population, lesquelles avaient entraîné la fermeture d’établissements accessibles au public, le Conseil fédéral avait également adopté l’ordonnance du 25 mars 2020 sur l’octroi de crédits et de cautionnements solidaires à la suite du coronavirus (« OCaS-COVID-19 »).… Lire la suite

Le contrôle de vitesse par véhicule-suiveur en tant que moyen de preuve

TF, 17.05.2024, 6B_1065/2023*

En cas de contrôle de vitesse réalisé au moyen d’un véhicule-suiveur par simple comparaison avec son propre compteur, l’autorité dispose dun libre pouvoir d’appréciation des preuves afin de déterminer si la distance de mesure est suffisante. Un dépassement de vitesse de plus de 50 % doit être qualifié de « massif » au sens de lart. 7 al. 3 OOCCR-OFROU.

Faits

Un conducteur circule au volant de son véhicule. Une patrouille de police en voiture banalisée le suit et mesure sa vitesse par comparaison avec son propre compteur. Le véhicule suivi atteint une vitesse de 135 km/h, puis une vitesse de 145 km/h (vitesses constatées sur le compteur du véhicule de police) alors que la vitesse autorisée était de 80 km/h sur le tronçon concerné. Les agents de police mesurent cette vitesse constante sur une distance d’environ 200 mètres. Après déduction de la marge de sécurité, l’autorité retient une vitesse finale de 122 km/h, soit un dépassement de vitesse de 42 km/h sur un tronçon de 200 mètres.

Par jugement rendu sur opposition à l’ordonnance pénale, le Tribunal régional Jura bernois-Seeland reconnait le conducteur coupable de violation grave des règles de la circulation routière (art.Lire la suite