Les conditions de la procédure écrite d’appel selon l’art. 406 al. 2 CPP

ATF 147 IV 127 | TF, 28.10.2020, 6B_973/2019*

La procédure d’appel écrite à laquelle consentent les parties (art. 406 al. 2 CPP) requiert notamment que la présence du prévenu aux débats d’appel ne soit pas indispensable (art. 406 al. 2 lit. a CPP). Cette condition n’est pas remplie lorsque la juridiction d’appel entend rejeter l’état de fait retenu par l’instance précédente et condamner une recourante acquittée précédemment. La juridiction d’appel ne peut par conséquent pas traiter ce cas de figure sous forme écrite.

Faits

Le Ministère public de Rheinfelden-Laufenburg condamne une femme pour multiples dommages à la propriété (art. 144 CP) à une peine pécuniaire avec sursis ainsi qu’à une amende. En se fondant essentiellement sur l’extrait d’une caméra de surveillance privée, il lui reproche d’avoir endommagé le vernis de deux voitures parquées dans un garage.

Statuant sur opposition de la prévenue, le Tribunal d’arrondissement de Rheinfelden acquitte toutefois cette dernière en application du principe in dubio pro reo. Le Ministère public fait alors appel au Tribunal cantonal argovien, qui demande aux parties si elles acceptent que l’appel soit traité en procédure écrite (art. 406 al. 2 CPP) et non en procédure orale (art. Lire la suite

Roi sans carrosse : l’application du droit promulgué par un gouvernement dépourvu de pouvoir effectif

ATF 147 IV 361 | TF, 19.01.2021, 1B_396/2020, 1B_459/2020*

Au sens de la LDIP, le droit étranger vise le droit effectivement appliqué par une autorité jouissant d’un pouvoir inhérent à l’exercice de la souveraineté. L’avocat suisse désigné par une compagnie nationale étrangère, dont le conseil d’administration ad hoc a été nommé par un gouvernement de transition qui ne contrôle pas effectivement les institutions du pays, ne représente donc pas valablement la société.

Faits

Dans le cadre d’une vaste affaire de corruption, une compagnie pétrolière appartenant à l’État vénézuélien dépose une plainte pénale à Genève et désigne un avocat comme représentant.

En mars 2019, le Ministère public genevois est informé que, dans le contexte de la lutte pour le pouvoir entre Nicolás Maduro et Juan Guaidó, un nouveau conseil d’administration de la compagnie pétrolière a été nommé par l’Assemblée nationale du Venezuela présidée par Juan Guaidó.

Quelques mois plus tard, un second avocat informe le Ministère public qu’il représente désormais la société dans la procédure pénale. Il se prévaut d’une résolution du nouveau conseil d’administration, qui révoque également le mandat du précédent avocat.

Le Ministère public ordonne la transmission au premier avocat d’une copie numérotée du dossier et refuse de reconnaître la validité de la constitution du second avocat, qui recourt en son nom et en celui de la compagnie pétrolière devant la chambre pénale de recours, qui le déboute (arrêt ACPR/467/2020 du 3 juillet 2020), puis devant le Tribunal fédéral.… Lire la suite

La récusation d’un-e arbitre dans une procédure de révision et l’étendue du devoir de curiosité sur internet

ATF 147 III 65 | TF, 22.12.2020, 4A_318/2020*

La découverte, postérieurement à l’expiration du délai de recours contre une sentence arbitrale internationale, d’un motif exigeant la récusation d’un-e arbitre peut donner lieu au dépôt, devant le Tribunal fédéral, d’une demande de révision.

Le seul fait qu’une information soit accessible librement sur internet ne signifie pas ipso facto que la partie, qui n’en aurait pas eu connaissance nonobstant ses recherches, aurait nécessairement failli à son devoir de curiosité.

Faits

Le 4 septembre 2018, le nageur chinois Sun Yang, notamment médaillé olympique à plusieurs reprises, fait l’objet d’un contrôle antidopage hors compétition. Considérant que les personnes chargées de procéder au contrôle ne sont pas en possession des documents les y autorisant, il refuse que le test soit mené à son terme.

Dénoncé pour violation des règles antidopage, la Commission antidopage de la Fédération Internationale de Natation (FINA) le blanchit le 3 janvier 2019. Le 14 février 2019, l’Agence Mondiale Antidopage adresse au Tribunal Arbitral du Sport (TAS) une déclaration d’appel, dans laquelle elle requière la suspension de l’athlète pour une durée de huit ans. Le 1er mai 2019, le TAS informe les parties de la formation du Tribunal, lequel est présidé par Franco Frattini, juge à Rome.… Lire la suite

L’interdiction générale de la mendicité viole l’art. 8 CEDH (CourEDH)

CourEDH, 19.01.2021, Affaire Lăcătuş c. Suisse, requête n° 14065/15

Le fait d’infliger une amende à une personne extrêmement vulnérable pour avoir mendié de manière inoffensive, puis de convertir cette amende en une peine privative de liberté de cinq jours, viole l’art. 8 CEDH.

Faits

Une ressortissante roumaine appartenant à la communauté rom est condamnée par ordonnances pénales au paiement d’amendes pour avoir demandé l’aumône sur la voie publique à Genève. Suite à ses oppositions, le tribunal de police la condamne pour mendicité à une amende de CHF 500, assortie d’une peine privative de liberté de cinq jours en cas de non-paiement.

Tant l’appel de la requérante que son recours auprès du Tribunal fédéral (TF, 10.9.2014, 6B_530/2014) ayant été rejetés, elle porte la cause devant la CourEDH. Celle-ci est amenée à examiner la conformité à la CEDH de l’art. 11A de la Loi pénale genevoise (LPG), dont l’al. 1 punit la mendicité de l’amende.

Peu après l’introduction de sa requête, la prévenue est placée en détention durant cinq jours pour non-paiement de l’amende.

Droit

La Cour examine le grief tiré de la violation de l’art. 8 CEDH qui garantit notamment le respect de la vie privée.… Lire la suite

« Die spinnt ! » n’est pas une atteinte à l’honneur

ATF 147 IV 47 | TF, 17.12.2020, 6B_582/2020*

L’expression germanophone « Die spinnt ! » (« Elle débloque ! ») ne peut être qualifiée de diffamatoire en soi. Elle ne porte pas non plus atteinte à l’honneur de la personne concernée dans le contexte d’espèce (prononcée au cours d’une assemblée de copropriétaires).  

Par ailleurs, s’agissant d’un délit poursuivi sur plainte, la partie plaignante est tenue de prendre en charge les frais procéduraux et d’indemniser la prévenue suite à la clôture de la procédure.

Faits

Au cours d’une médiation entre copropriétaires et propriétaires par étage, l’une des personnes présentes (la prévenue) dit d’une autre (la plaignante) qu’« elle débloque » (« Die spinnt ! »). L’intéressée porte plainte pour atteinte à l’honneur. Suite au classement de la procédure par le Ministère public, elle recourt auprès du Tribunal cantonal de Schwyz, qui rejette le recours, met les frais procéduraux à la charge de la plaignante et l’enjoint d’indemniser la prévenue pour la procédure de recours.

La plaignante forme alors un recours en matière pénale auprès du Tribunal fédéral, qui est appelé à déterminer si l’expression en question constitue une atteinte à l’honneur au sens des art. 173 ss CP et si la recourante est tenue de supporter les frais susmentionnés.… Lire la suite