Entrées par Tobias Sievert

La récusation du procureur traitant le prévenu de menteur patenté

TF, 05.01.2016, 1B_430/2015

Faits

Le Procureur Bertrand Bühler instruit une enquête contre un prévenu pour “avoir déposé une plainte mensongère à l’encontre d’un tiers”. Lors d’une audience, le prévenu demande la récusation du procureur au motif que celui-ci lui aurait déclaré qu’il est un “menteur patenté”. L’instance cantonale rejette la demande de récusation.

Le prévenu forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral qui doit se prononcer sur la question de savoir si le fait de traiter un prévenu de “menteur patenté” est un motif de récusation.

Droit

Un magistrat doit se récuser lorsque des motifs sont de nature à le rendre suspect de prévention (art. 56 let. f CPP). Une apparence de prévention suffit.

Le procureur est tenu à une certaine impartialité dans l’instruction. Il est assujetti à un devoir de réserve et doit instruire tant à charge qu’à décharge du prévenu. Au stade de l’instruction, le procureur agit en tant que direction de la procédure (art. 61 CPP) et n’est pas encore une partie au sens de l’art. 104 al. 1 let. c CPP. Dans l’exercice de cette fonction, les déclarations du procureur ne doivent pas laisser penser que son appréciation quant à la culpabilité du prévenu serait définitivement arrêtée (art.Lire la suite

L’allocation pour impotent en cas de départ pour l’étranger

ATF 142 V 2 | TF, 17.12.2015, 9C_381/2015*

Faits

Un assuré au bénéfice d’une allocation pour impotent interpelle la Caisse de compensation afin de connaître ce qu’il adviendrait de ses prestations en cas de départ de la Suisse pour un Etat membre de l’Union européenne. La Caisse de compensation constate qu’en cas de départ pour l’étranger, les prestations que l’assuré touche actuellement ne seraient plus versées. Cette décision est confirmée par la juridiction cantonale.

Le Tribunal fédéral doit se prononcer sur le droit de l’assuré à l’obtention d’une allocation pour impotent en cas de départ pour l’étranger au regard de l’ALCP.

Droit

Sous le titre “Levée des clauses de résidence”, l’art. 7 du règlement (CE) 883/2004, applicable par renvoi de l’ALCP, consacre le principe de l’exportation des prestations en espèces de la sécurité sociale. Cette disposition prévoit que les prestations en espèces prévues par le droit d’un Etat membre ne peuvent être supprimées du fait que le bénéficiaire réside dans un autre Etat membre, à moins que le droit européen n’en dispose autrement.

L’art. 70 du règlement (CE) 883/2004 prévoit une exception au principe de l’exportation des prestations sociales. Cette disposition vise les prestations spéciales à caractère non contributif qui relèvent à la fois de la législation en matière de sécurité sociale et d’une assistance sociale.… Lire la suite

L’interdiction de pénétrer une région et la proportionnalité (art. 74 LEtr)

ATF 142 II 1

Faits

Un délinquant étranger qui séjourne illégalement en Suisse commet plusieurs infractions. A la suite de celles-ci, l’office des migrations de Zurich rend une décision qui interdit au délinquant de pénétrer la région zurichoise.

Sur recours du délinquant, le tribunal administratif de Zurich annule la décision au motif qu’elle ne serait pas apte à éviter la commission de nouvelles infractions, car le délinquant pourrait toujours commettre des actes délictueux ailleurs, ceux-ci n’étant pas spécifiquement liés à la région zurichoise.

Le Secrétariat d’Etat aux migrations forme un recours au Tribunal fédéral qui doit déterminer si l’interdiction de pénétrer le territoire est apte à garantir la sécurité publique, bien que la mesure n’empêche pas au délinquant de commettre des infractions dans une autre région que celle de Zurich.

Droit

Selon l’art. 74 al. 1 let. a LEtr, l’autorité cantonale peut enjoindre à un étranger de ne pas pénétrer dans une région déterminée, notamment lorsqu’il n’est pas titulaire d’une autorisation de séjour et trouble ou menace la sécurité et l’ordre public.

Cette mesure doit respecter le principe de la proportionnalité. En particulier, elle doit être apte à atteindre l’objectif poursuivi. L’office des migrations a ordonné cette mesure dans le but d’éviter que le délinquant ne commette de nouvelles infractions sur le territoire zurichois.… Lire la suite

La légitimation active de la masse dans une action en responsabilité

ATF 142 III 23 | TF, 10.12.2015, 4A_425/2015*

Faits

En manque de liquidités, Swissair demande un sursis concordataire qui débouche sur l’adoption d’un concordat par abandon d’actifs. Avant l’introduction de la procédure concordataire, le conseil d’administration de Swissair effectue le paiement de plusieurs créances en faveur de tiers.

En lien avec ces paiements, les liquidateurs forment une action en responsabilité contre le conseil d’administration auprès du tribunal de commerce de Zurich qui refuse de leur reconnaître la qualité pour agir en réparation d’un dommage subi par les créanciers. Les liquidateurs saisissent le Tribunal fédéral qui doit se déterminer sur la qualité pour agir de la masse concordataire lorsque le dommage est supporté par les créanciers, et non par la société.

Droit

Dans la liquidation concordataire, la masse peut, par l’intermédiaire de ses liquidateurs, former une action en responsabilité pour le dommage qui se manifeste auprès de la société lorsque le conseil d’administration agit de manière contraire à ses devoirs (art. 757 al. 1 CO et art. 325 LP).

En l’occurrence, le paiement des créances litigieuses par le conseil d’administration diminue dans une même mesure les actifs et les passifs de Swissair. L’opération n’affecte donc pas le patrimoine de la société qui reste inchangé.… Lire la suite

L’ordre de démonter une pompe à chaleur et la protection contre le bruit

ATF 141 II 476 | TF, 18.11.2015, 1C_82/2015*

Faits

Un propriétaire obtient une autorisation de construire un immeuble qui prévoit un emplacement intérieur pour une pompe à chaleur. Une fois la parcelle bâtie, il s’est avéré que la pompe à chaleur est installée à l’extérieur du bâtiment et que celle-ci est bruyante.

La commune ordonne la démolition de l’installation. Cette décision est confirmée par les instances cantonales qui considèrent que, bien que les valeurs de planification soient respectées, la mise en place de l’installation n’est pas conforme au principe de prévention et contraire au permis de construire octroyé.

Le propriétaire forme un recours en matière de droit public au Tribunal fédéral qui doit se prononcer sur la question de savoir si, d’une part, l’installation est conforme au droit de l’environnement et, d’autre part, si l’ordre de démolir est proportionné.

Droit

Au plan cantonal, lorsqu’un projet est exécuté contrairement à l’autorisation de construire, l’autorité doit examiner si le projet peut éventuellement être autorisé (art. 51 al. 4. let. b de la loi cantonale valaisanne sur les constructions). Dans cet examen, il s’agit d’analyser si le projet est conforme aux exigences du droit de l’environnement.

La pompe à chaleur est une installation fixe nouvelle dont l’exploitation produit du bruit (art.Lire la suite