L’acte de contrainte et l’abus d’autorité

ATF 149 IV 128 | TF, 30.01.2023, 6B_101/2022*

Le préjudice exigé par l’art. 312 CP (abus d’autorité) peut résider dans l’acte de contrainte lui-même. Indépendamment de la poursuite d’un but légitime, les membres d’autorités ou les fonctionnaires qui usent sciemment et volontairement d’une contrainte excessive, notamment par le biais de mauvais traitements physiques, s’accommodent pour le moins d’un préjudice pour la personne concernée.

Faits

Lors d’un contrôle dans une boîte de nuit grisonne, une altercation a lieu entre deux agents de police et le gérant des lieux. L’un des agents fait usage d’un spray au poivre contre le gérant à l’intérieur du local.

Le Regionalgericht de Plessur acquitte l’agent des accusations d’abus d’autorité (art. 312 CP) et de lésions corporelles simples (art. 123 CP). Sur appel, le Kantonsgericht déclare l’agent coupable d’abus d’autorité et le condamne à une peine pécuniaire ainsi qu’à une amende. L’agent exerce un recours en matière pénale auprès du Tribunal fédéral, lequel doit se prononcer sur l’élément subjectif de l’infraction d’abus d’autorité.

Droit

L’agent fait valoir une violation de la maxime d’accusation (art. 9 CPP). L’abus d’autorité au sens de l’art. 312 CP requiert que les membres de l’autorité ou les fonctionnaires concerné·es aient agi « dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un avantage illicite, ou dans le dessein de nuire à autrui ».… Lire la suite

Les nouvelles dispositions en matière de LCR en cas de dépassement par la droite et l’application de la lex mitior

ATF 148 IV 374 | TF, 01.06.22, 6B_231/2022*

Le nouveau droit de la LCR autorise plus généreusement le dépassement par la droite. Un tel dépassement reste toutefois en principe interdit et, tant en application de l’ancien droit que du nouveau droit, cette manœuvre peut être considérée comme une violation grave des règles de la circulation routière au sens de l’art. 90 al. 2 LCR. En conséquence, il n’y a pas de place pour l’application de la lex mitior.

 Faits 

En 2019, un homme conduisant une voiture sur la voie de gauche de l’autoroute s’engage sur la voie de droite environ 1 km avant une sortie d’autoroute, puis dépasse quatre véhicules par la droite sur une distance d’environ 1.3 km à une vitesse comprise en 100 et 120 km/h, avant de se rabattre sur la voie de gauche. L’individu est condamné en première instance pour violation grave des règles de la circulation (art. 90 al. 2 LCR).

Ayant vu ses recours rejetés par le Tribunal d’arrondissement de Werdenberg-Sarganserland puis par le Tribunal cantonal de Saint-Gall en octobre 2021, l’individu forme un recours auprès du Tribunal fédéral. Il estime que sa manœuvre n’est plus punissable selon les nouvelles règles de la circulation entrées en vigueur le 1er janvier 2021.Lire la suite

Le séjour préalable en milieu ouvert n’est pas une condition impérative à l’octroi du travail externe

ATF 148 IV 292 | TF, 08.06.22, 6B_78/2022*

Le séjour préalable en milieu ouvert n’est pas une condition impérative à l’octroi du travail externe (art. 77a CP). En conséquence, un condamné qui n’a pas encore débuté l’exécution de sa peine peut se prévaloir de sa détention avant jugement pour demander que sa peine privative de liberté soit exécutée sous la forme de travail externe. 

Faits

En 2019, un homme est condamné pour escroquerie par métier, gestion déloyale aggravée, gestion fautive, faux dans les titres et soustraction d’objets mis sous main de l’autorité à une peine privative de liberté de cinq ans et demi, sous déduction de la détention provisoire déjà subie.

En 2021, l’Office d’exécution des peines vaudois (OEP) convoque le condamné pour qu’il exécute sa peine en régime de détention ordinaire dès 2022. Le précité requiert de pouvoir exécuter le solde de sa peine sous le régime du travail et logement externes (art. 77a CP).

Considérant qu’un tel régime ne peut être octroyé qu’au condamné ayant déjà débuté l’exécution de sa peine, respectivement que le séjour préalable en milieu ouvert est une condition impérative de l’octroi d’un tel régime, l’Office d’exécution des peines vaudois (OEP), puis le Tribunal cantonal sur recours, refusent la demande du condamné.… Lire la suite

La condamnation d’un callcenter pour violation de la LCD

ATF 149 IV 1 | TF, 16.11.2022, 6B_978/2020*

Il appartient à l’exploitant d’un callcenter de vérifier la présence d’un blocage de publicité dans l’annuaire téléphonique. La confusion de bases de données téléphoniques relève d’un dol éventuel et non pas de la négligence en raison de la violation de diligence grave qu’elle constitue. La notion de relation commerciale est à interpréter de manière restrictive ; concernant des biens de consommation à durée de vie restreinte, la relation commerciale est rompue lorsque le client ne manifeste pas d’intérêt pendant une longue durée.

Faits

Une entreprise de télémarketing opère des centres d’appels téléphoniques (callcenter) à des fins de marketing et publicité. Le Secrétariat d’État à l’économie (SECO) a reçu près de 50 plaintes concernant les appels provenant de l’un des centres d’appels de la société. Entre fin 2012 et 2014, le Ministère public bernois a dénombré 27 appels passés envers des particuliers qui avaient pourtant spécifié une renonciation à la publicité au moyen d’un astérisque dans l’annuaire téléphonique.

Le Ministère public bernois reproche au directeur du conseil d’administration de la société des infractions à la LCD pour méthodes de publicité et de vente déloyales. Les agissements des employés de l’entreprise lui sont imputables au sens de l’art.Lire la suite

L’emploi contre la volonté du détenu de sa rémunération pour couvrir ses frais médicaux et d’autres frais (art. 83 al. 2 et 380 al. 2 CP)

ATF 148 IV 346 | TF, 02.08.2022, 6B_820/2021*

Il n’est pas contraire aux art. 83 al. 2 CP et 380 al. 2 CP d’employer la rémunération d’un détenu de façon ciblée contre sa volonté à d’autres fins que de l’épargne ou du disponible. Un tel emploi doit néanmoins être prévu par une base légale et respecter le principe de la proportionnalité. Tel est le cas des règles intercantonales (art. 6 et 7 de la décision de la Conférence latine des autorités cantonales compétentes en matière d’exécution des peines et des mesures relative à la rémunération des détenus) et cantonales (art. 59-61 RSPC/VD) à teneur desquelles 20 % de la rémunération du détenu est affectée à un compte réservé qui sert notamment au paiement de frais médicaux. Le prélèvement sur le compte disponible du détenu d’un montant correspondant aux frais de transfert provoqué par son comportement intentionnel est également admissible.

Faits

En avril 2019, un détenu du Pénitencier de Bochuz, au sein des Etablissements de la Plaine de l’Orbe (EPO), est transféré sur ordre de l’Office vaudois d’exécution des peines dans un autre établissement pénitentiaire hors du canton. L’autorité motive cette décision par l’absence de collaboration persistante du détenu avec les intervenant-es assurant sa prise en charge, son absence de respect des règlements et directives ainsi que son attitude condescendante et manipulatrice.… Lire la suite