Entrées par Camille de Salis

Les parloirs intimes des personnes détenues

TF, 03.01.2024, 7B_471/2023*

Une disposition cantonale prévoyant des critères de stabilité et de durée d’une relation pour qu’une personne détenue puisse bénéficier de parloirs intimes n’est pas contraire au droit supérieur.

Faits

Après un peu plus d’une année en détention provisoire, un détenu commence à exécuter sa peine de manière anticipée. Par la suite, il demande à pouvoir bénéficier de parloirs intimes avec son amie.

Après la condamnation de l’intéressé en appel à une peine privative de plus de quatre ans, la Direction de la prison dans laquelle il est incarcéré rejette sa demande de parloirs intimes.

La Direction du Service pénitentiaire du canton de Vaud rejette le recours formé par le condamné contre cette décision, ainsi que sa demande d’assistance judiciaire. La Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal vaudois en fait de même.

L’intéressé saisit le Tribunal fédéral, lequel est amené à se prononcer sur la conformité au droit supérieur d’une disposition cantonale prévoyant des critères de stabilité et de durée quant à la relation de la personne détenue pour qu’elle puisse bénéficier de parloirs intimes.

Droit

Aux termes de l’art. 82 al. 5 du Règlement vaudois du 16 août 2017 sur le statut des personnes condamnées exécutant une peine privative de liberté ou une mesure (RSPC/VD), pour pouvoir bénéficier d’une rencontre privée, les personnes condamnées doivent justifier d’une relation stable, antérieure à leur incarcération, avec leur partenaire.… Lire la suite

L’instruction donnée à un parent par l’autorité de protection de l’enfant

TF, 21.11.2023, 5A_375/2023*

Une instruction donnée à un parent par l’autorité de protection de l’enfant doit reposer sur les considérations concrètes du cas d’espèce, sans être fondées uniquement sur des réflexions abstraites. Elle doit par ailleurs respecter le principe de proportionnalité.

Faits

La mère d’un enfant né en 2012 détient seule l’autorité parentale sur lui. Le père a été condamné pour des infractions sexuelles graves, notamment le viol de la demi-sœur de son enfant, et se trouve en exécution de peine depuis 2015 dans un établissement pénitentiaire.

Après une première tentative de reprise de contact en 2016 par l’intermédiaire de l’autorité de protection de l’adulte et de l’enfant (ci-après : l’APEA), le père demande à nouveau une prise de contact avec son enfant. Invitée à prendre position à ce sujet par l’APEA, la mère de l’enfant fait part de son opposition ferme à de quelconques contacts entre l’enfant et son père.

Par décision du 19 octobre 2022, fondée sur l’art. 273 al. 2 CC, l’APEA enjoint à la mère de faire informer son fils sur son père par un service de psychiatrie pour enfants et adolescents, lui impartissant un délai à cet effet, dans l’optique d’une reprise de contact ultérieure.… Lire la suite

L’absence de base légale pour une compensation financière en plus de celle accordée par la CourEDH en cas de détention injustifiée

TF, 18.12.2023, 7B_800/2023*

Il manque, en droit national, une base légale pour l’octroi d’une compensation financière en raison d’une détention injustifiée, lorsque la CourEDH a déjà accordé une telle compensation.

Faits

En novembre 2009, le procureur général zurichois saisit l’Obergericht pour demander l’internement ultérieur d’un prisonnier condamné à 20 ans de peine privative de liberté dans les années 1990, sur la base de l’art. 65 al. 2 CP. La peine privative de liberté prend fin le 8 octobre 2010, à la suite de quoi l’intéressé est placé en détention pour motifs de sûreté.

Après plusieurs renvois d’affaire, dont un passage par-devant le Tribunal fédéral (arrêt 6B_404/2011 du 2 mars 2012), le Bezirkgsericht ordonne l’internement sur la base de l’art. 65 al. 2 CP en relation avec l’art. 64 al. 1 lit. b CP. L’affaire est à nouveau portée jusqu’au Tribunal fédéral, qui rejette le recours en matière pénale formé par l’intéressé (arrêt 6B_896/2014 du 16 décembre 2015).

Saisie à son tour, la CourEDH constate une violation des art. 5 ch. 1 CEDH, 7 ch. 1 CEDH et de l’art. 4 du 7Protocole additionnel (arrêt W.Lire la suite

Les doutes suffisants quant à la présomption du caractère abusif du loyer initial

TF, 29.11.2023, 4A_121/2023*

Pour écarter la présomption de fait selon laquelle un loyer initial est abusif, la bailleresse doit soulever des doutes suffisants quant à l’exactitude de cette présomption. Les éléments qui permettent de soulever ces doutes, comme ceux qui ont trait à la comparabilité des biens immobiliers proposés avec le bien litigieux, ne doivent pas être examinés avec une rigueur trop grande.

Faits

Une locataire prend à bail un appartement de deux pièces à Zurich. Le contrat prévoit un loyer mensuel net de CHF 1’060, charges en sus, tandis que le loyer précédent était de CHF 738, charges en sus. La bailleresse justifie l’augmentation du loyer par l’adaptation aux conditions usuelles de la localité et du quartier.

Le Tribunal des baux et l’Obergericht déclarent le loyer abusif. Le Tribunal fédéral annule le jugement de l’Obergericht (ATF 147 III 431, résumé in LawInside.ch/1071). Après le renvoi de l’affaire au Tribunal des baux, ce dernier déclare une nouvelle fois le loyer abusif.

L’Obergericht rejette l’appel de la bailleresse, qui saisit le Tribunal fédéral une seconde fois. Ce dernier doit déterminer si l’Obergericht a eu raison de considérer que la bailleresse n’avait pas été en mesure d’écarter la présomption du caractère abusif du loyer initial.… Lire la suite

Les newsletters et le respect de l’art. 12 lit. d LLCA

TF, 28.11.2023, 2C_1006/2022*

L’envoi indifférencié de newsletters aux clients actuels et passés d’une étude, sans leur consentement et sans tenir compte des domaines pour lesquels ils s’étaient adressés à l’étude, ne remplit pas le critère d’intérêt général prévu à l’art. 12 lit. d LLCA.

Faits

Une étude d’avocat·es et de notaires envoie à deux reprises à une société une newsletter présentant des développements législatifs et jurisprudentiels récents, sans l’avoir contactée auparavant à ce sujet. L’avocat de la société saisit l’Ordre des avocats du canton du Tessin afin de l’interroger sur la compatibilité de cette démarche avec les règles professionnelles.

À la suite de l’ouverture d’une procédure disciplinaire, l’Ordre des avocats condamne quatre avocat·es de l’étude susmentionnée à une amende disciplinaire de CHF 600 chacun·e pour violation de l’art. 12 lit. d LLCA. Saisi d’un recours, le Tribunale amministrativo tessinois annule et réforme cette décision, en ce sens que les avocat·es concerné·es ne font l’objet que d’un avertissement.

Les avocat·es exercent un recours en matière de droit public auprès du Tribunal fédéral, qui doit se prononcer sur la compatibilité des faits reprochés avec l’art. 12 lit. d LLCA.

Droit

Aux termes de l’art.Lire la suite