La détention provisoire excessive (art. 212 al. 3 CPP)

ATF 145 IV 179TF, 11.04.19, 1B_116/2019*

La durée d’une détention provisoire ou pour des motifs de sûreté ne doit pas dépasser ou être très proche de la durée de la peine prévisible. Le fait que la durée de la détention préventive dépasse le trois quarts de la peine prévisible ne permet pas encore de retenir que cette durée est très proche de la peine prévisible. Il faut bien plus examiner l’ensemble des circonstances du cas concret.

Faits

Un étranger est arrêté à la douane avec d’importantes quantités de drogue et placé en détention provisoire. Les juges de première instance le condamnent notamment pour violation grave de la LStup à une peine privative de liberté de 32 mois, sous déduction de la durée de la détention provisoire déjà purgée. Le Tribunal de première instance maintient également la détention pour des motifs de sûreté et prononce une expulsion du territoire suisse pendant 5 ans.

Le prévenu dépose un appel contre ce jugement et demande en parallèle sa libération de la détention pour des motifs de sûreté en raison du fait que la durée actuelle de la détention risque de dépasser la durée de la peine prévisible (détention excessive, Überhaft).… Lire la suite

L’action en dommages-intérêts du locataire après une contestation de résiliation infructueuse

ATF 145 III 143 | TF, 19.02.19, 4A_563/2017*

Un locataire ne peut pas intenter une action en dommages-intérêts contre le bailleur en invoquant une résiliation abusive (avec pour motif un prétendu besoin propre), alors qu’il a déjà contesté sans succès la résiliation selon l’art. 271 s. CO

Faits

Un bailleur et une locataire concluent un contrat de bail de durée indéterminée portant sur la location d’un appartement à Zurich.

En janvier 2013, le bailleur résilie le contrat de bail au moyen du formulaire officiel, sans indiquer de motifs. Peu après, un motif de résiliation – soit le besoin propre (Eigenbedarf) est communiqué à la locataire. Il est ensuite encore précisé à la locataire que c’est le fils du bailleur qui souhaite loger dans l’appartement avec sa famille.

La locataire conteste la résiliation devant les autorités de conciliation du district de Zurich. Selon la locataire, alors même que le motif de résiliation avancé serait le besoin propre, le réel motif serait le souhait de louer l’appartement à un prix plus élevé. Suite à l’échec de la conciliation, le bailleur ouvre action devant le Tribunal des baux de Zurich. Celui-ci constate par jugement que la résiliation n’est pas abusive et prolonge le bail de quelques mois.… Lire la suite

Légitimation passive de la PPE : actio negatoria et action possessoire

ATF 145 III 121 | TF, 11.12.2018, 5A_340/2017*

Lorsque l’immeuble de base est à l’origine d’un trouble à la propriété et/ou à la possession d’un des propriétaires d’étage, ce dernier doit dans un premier temps solliciter une décision de l’assemblée des copropriétaires. Ce n’est qu’ensuite d’une décision négative de l’assemblée qu’il peut ouvrir action en cessation de l’atteinte (art. 641 CC) et/ou action possessoire (art. 928 CC). Ces actions doivent être dirigées à l’encontre des autres propriétaires d’étages, la communauté des propriétaires d’étages n’ayant pas la légitimation passive.

Faits

Des puits de lumière traversent le toit d’une propriété par étages. Un pont surplombe les puits de lumière. Ce pont est notamment emprunté par des techniciens pour accéder au “cylindre technique” du bâtiment. Le pont était initialement situé au-dessus de l’appartement no. 5.0. Par la suite, il est déplacé au-dessus de l’appartement 2.2.

L’assemblée des propriétaires d’étages décide de laisser le pont à son nouvel emplacement de façon permanente. Cette décision de l’assemblée des propriétaires d’étages est contestée en justice (art. 712m al. 2 cum art. 75 CC). A la date du présent arrêt, la procédure en contestation de cette décision est toujours pendante.

Séparément, les propriétaires de l’appartement 2.2 agissent en justice contre la communauté des propriétaires d’étage afin que le pont soit remis à l’endroit initial.… Lire la suite

Le droit d’être entendu sur la capacité d’un avocat d’agir au Tribunal fédéral (CourEDH)

CEDH, 22.01.2019, Affaire Rivera Vazquez et Celleja Delsordo c. Suisse, requête no. 65048/13

Le Tribunal fédéral porte une atteinte injustifiée au droit à un procès équitable (art. 6 par. 1 CEDH) lorsque, sans entendre au préalable les recourants ni leur laisser l’occasion de remédier à une éventuelle irrégularité, il refuse d’office de leur octroyer des dépens au motif que l’avocat qui les avait jusqu’alors défendus au nom de l’ASLOCA n’a pas la capacité de les représenter.

Faits

Après avoir en vain épuisé les instances cantonales pour obtenir une fixation du loyer initial en étant représentés par l’Association genevoise des locataires (ASLOCA) agissant sous la signature d’un avocat employé de l’association, des locataires forment un recours en matière civile au Tribunal fédéral. Ils sont représentés par le même avocat agissant cette fois-ci en qualité d’avocat inscrit au registre cantonal.

Le Tribunal fédéral admet partiellement le recours, mais refuse d’octroyer aux locataires une indemnité de partie pour leurs frais d’avocat, au motif qu’ils ne sont pas valablement représentés (ATF 139 III 249). En substance, il retient que l’avocat ne respecte pas l’exigence d’indépendance fixée par l’art. 8 al. 1 let. d LLCA, car il ne peut conseiller ses clients dans un sens différent de celui voulu par l’ASLOCA.… Lire la suite

Le conflit d’intérêts en cas de changement d’étude d’un collaborateur

ATF 145 IV 218TF, 14.03.2019, 1B_510/2018*

La connaissance par un collaborateur en raison de son précédent emploi d’un dossier traité par le nouvel employeur constitue l’élément déterminant pour retenir la réalisation d’un conflit d’intérêts concret, lequel doit être évité.

Faits

Deux avocats du département judiciaire d’une étude genevoise défendent une société. En 2015, cette société dépose dans le canton de Vaud une plainte pénale contre un ancien employé de la société, lequel décide de se faire défendre par une autre étude genevoise. Au moment du dépôt de la plainte pénale, il se trouve que cette seconde étude genevoise confie en partie le dossier du prévenu à une collaboratrice qui le rencontre à tout le moins à une occasion. Or en 2017, la collaboratrice rejoint comme employée le département “droit du travail” de l’étude genevoise qui défend la société.

En 2017, le prévenu décide de changer d’avocat et informe le Ministère public que Me Etienne Campiche le représente dorénavant. En 2018, le prévenu requiert que le Ministère public vaudois interdise aux deux avocats de la plaignante de la représenter motifs pris que la collaboratrice qui a rejoint leur étude en 2017 avait eu accès au dossier lorsqu’elle travaillait chez son précédent employeur.… Lire la suite