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La responsabilité du meurtrier sous l’influence de drogues

ATF 147 IV 409 | TF, 24.06.2021, 6B_257/2020 et 6B_298/2020*

Le principe in dubio pro reo ne s’applique ni à l’administration ni à l’admissibilité des preuves mais uniquement à leur appréciation, dans la mesure où un doute raisonnable subsiste à l’issue de la procédure probatoire. Lorsque les rapports d’expertise relatifs à l’état psychique d’un·e auteur·e sous l’influence de drogues se fondent sur un état de fait différent de celui connu des autorités pénales, il convient d’administrer des preuves supplémentaires. Le tribunal qui s’en abstient et considère les déclarations des experts comme admissibles au motif qu’elles sont favorables au prévenu méconnaît la portée du principe in dubio pro reo et viole la maxime inquisitoire. Ce faisant, il verse dans l’arbitraire.

Faits

Deux amis consomment d’importantes quantités de drogues (cocaïne et kétamine notamment) lors d’une soirée en ville de Zurich. Une violente bagarre éclate entre eux et l’un des deux (le défendeur) inflige à l’autre de graves blessures, entraînant finalement sa mort.  L’ancienne fiancée du prévenu, entendue dans le cadre de l’enquête, déclare que celui-ci l’avait contrainte à avoir des rapports sexuels avec lui dans une chambre d’hôtel à Londres quelques mois auparavant. La victime est interrogée à plusieurs reprises dans le cadre de l’enquête pour le meurtre précitée, mais elle ne porte plainte qu’une année plus tard.… Lire la suite

La notion d’infanticide et l’influence de l’état puerpéral (art. 116 CP)

L’art. 116 CP présume de manière irréfragable (fiction) que la responsabilité de la mère est diminuée durant l’accouchement ainsi que durant un certain temps après, tant que dure l’état puerpéral. Il n’est en revanche pas nécessaire de démontrer l’influence de l’état puerpéral sur la commission de l’acte, la preuve à rapporter reposant uniquement sur la subsistance de cet état.

Faits

Deux heures et demie après avoir accouché, une mère tue son nouveau-né. Celle-ci est condamnée à deux ans de privation de liberté avec sursis pour infanticide (art. 116 CP). Le Ministère public du canton du Valais interjette recours auprès du Tribunal cantonal valaisan, lequel confirme toutefois le jugement de première instance.

Le Ministère public saisit alors le Tribunal fédéral et demande à ce qu’une peine privative de liberté de 10 ans soit prononcée pour assassinat (art. 112 CP), se fondant sur une expertise psychiatrique. A teneur de cette dernière, l’état puerpéral dans lequel se trouvait la mère au moment des faits n’aurait pas eu d’influence sur l’acte.

Le Tribunal fédéral doit ainsi trancher si, lorsqu’une mère tue son enfant peu après avoir accouché et qu’elle se trouve encore dans l’état puerpéral, celui-ci doit avoir eu une influence sur la commission des faits pour qu’un infanticide selon l’art.Lire la suite

Le meurtre passionnel et la légitime défense excessive

ATF 142 IV 14TF, 26.11.15, 6B_454/2015*

Faits

Une personne tue une autre personne lors d’une altercation. Le Tribunal de première instance condamne le prévenu à 4 ans de prison pour meurtre commis en légitime défense excessive (art. 111 CP en relation avec l’art. 16 al. 1 CP). Sur recours du prévenu, le Tribunal cantonal le condamne à 30 mois de peine privative de liberté. Le prévenu saisit le Tribunal fédéral et reproche au Tribunal cantonal de ne pas avoir examiné s’il s’était plutôt rendu coupable de meurtre passionnel commis en légitime défense excessive.

Droit

Dans une ancienne jurisprudence, le Tribunal fédéral avait estimé qu’un auteur pouvait commettre un meurtre passionnel en état de légitime défense excessive (ATF 102 IV 228). En revanche, la doctrine majoritaire considère que si l’émotion violente, condition imposée par le meurtre passionnel, provient d’une attaque d’un tiers, l’auteur doit être condamné pour meurtre commis en état de légitime défense excessive. Partant, un tel état de fait exclurait le meurtre passionnel.

Le Tribunal fédéral se rattache à cette opinion et effectue un revirement de jurisprudence. A cette fin, il rappelle le principe de l’interdiction de la double prise en considération des mêmes éléments (Doppelverwertungsverbot).… Lire la suite

Les frais de procédure d’un prévenu d’assassinat

ATF 141 IV 465

Faits

Un prévenu alcoolisé frappe à maintes reprises sa compagne avec un couteau jusqu’à sa mort. Leur enfant commun est touché plusieurs fois par le couteau lors de l’incident.

Le Berzirksgericht Kreuzlingen condamne le prévenu à une peine privative de liberté de 15 ans pour meurtre et tentative de meurtre. Les frais de procédure, qui s’élèvent à 150’000 francs, sont mis à charge du prévenu. Sur appel joint du ministère public, l’Obergericht du canton de Thurgovie condamne le prévenu pour assassinat et tentative de meurtre à une peine privative de liberté de 18 ans.

Le prévenu interjette un recours en matière pénale auprès du Tribunal fédéral qui doit notamment se prononcer sur la répartition des frais de procédure.

Droit

Parmi les frais de procédure mis à charge du prévenu, 135’000 francs font partie de frais engendrés par l’instruction. Le Tribunal fédéral considère que l’instance précédente a réparti ces frais sans motivation suffisante, car de nombreux débours individuels qui se trouvent sur la liste des frais du ministère public ne peuvent être qualifiés sans autre analyse de frais de procédure au sens de l’art. 422 CPP.

Quant aux frais engendrés par la détention provisoire et celle pour motifs de sûreté, le Tribunal fédéral considère, en interprétant la genèse des art.Lire la suite