L’autorité compétente en matière d’indemnisation pour conditions de détention illicites

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ATF 149 IV 266 | TF, 22.05.2023, 6B_900/2022*

L’autorité de jugement est compétente pour statuer sur l’indemnisation pour conditions de détention illicites (art. 431 al. 1 CPP) lorsque celles-ci résultent de l’exécution, à titre de mesure de substitution à la détention provisoire (art. 237 CPP), d’une peine privative de liberté prononcée dans le cadre d’une précédente condamnation.

Faits

Un individu est soupçonné d’avoir gravement blessé l’ex-concubin de sa compagne lors d’une dispute, en lui donnant divers coups de couteau dans le haut du corps. La victime survit à ses blessures après cinq jours d’hospitalisation.

Lors de son interpellation, le prévenu est au bénéfice d’une libération conditionnelle. À titre de mesure de substitution à la détention provisoire (art. 237 CPP), il est replacé en exécution de peine, cette dernière résultant d’une précédente condamnation.

À l’issue de la procédure, le prévenu est condamné à cinq ans de peine privative de liberté par le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de l’Est vaudois, puis par la Cour d’appel du Tribunal cantonal vaudois pour tentative de meurtre et contravention à la LStup. En outre, la Cour d’appel condamne le prévenu à payer un montant de CHF 10’000 à titre de tort moral à la victime et confirme la réduction de peine de 29 jours accordée en première instance du fait du caractère illicite de sa détention (art. 431 al. 1 CPP).

Saisi d’un recours du prévenu contre l’arrêt de la Cour d’appel, le Tribunal fédéral doit déterminer l’autorité compétente en matière d’indemnisation pour conditions de détention illicites, lorsque celles-ci résultent de l’exécution, à titre de mesure de substitution, d’une peine privative de liberté prononcée lors d’une précédente condamnation.

Droit

Le Tribunal fédéral commence par rappeler que la base légale permettant une indemnisation pour conditions de détention illicites, et ainsi l’autorité compétente à cet effet, varient en fonction du moment où la demande d’indemnisation est déposée.

Dans le cadre d’une procédure pénale avant jugement, l’indemnisation peut être fondée sur l’art. 431 al. 1 CPP, auquel cas l’autorité de jugement est compétente. En revanche, l’indemnisation de conditions de détention illicites après jugement relève du droit cantonal régissant la responsabilité de l’État, tout comme la compétence de l’autorité amenée à se prononcer.

En l’espèce, il s’agit de déterminer si l’exécution dans des conditions de détention illicites, à titre de mesure de substitution, d’une peine privative de liberté résultant d’une précédente condamnation, relève du droit fédéral ou du droit cantonal.

Cette question est délicate, étant donné que la détention illicite a certes eu lieu durant la procédure pénale, mais concerne la peine fixée dans le cadre d’une autre procédure pénale ayant quant à elle pris fin.

Selon le Tribunal fédéral, ni l’art. 431 al. 1 CPP, ni le reste du CPP ne fournissent de réponse claire à cette question. Toutefois, un certain nombre d’éléments plaident en faveur d’une indemnisation sur la base de l’art. 431 al. 1 CPP et ainsi, de la compétence de l’autorité de première instance.

Premièrement, même si la détention illicite subie découle d’un précédent jugement, elle a été ordonnée à titre de mesure de substitution dans le cadre de la procédure pénale actuelle. Ainsi, l’autorité de jugement pouvait techniquement se prononcer sur l’éventuelle indemnité.

Deuxièmement, les principes d’économie de procédure et de coordination commandent de rendre une seule décision à la fin de la procédure sur la question des indemnités.

Troisièmement, une indemnisation sur la base de l’art. 431 al. 1 CPP présente l’avantage de pouvoir octroyer une indemnité sous la forme d’une réduction de peine, alors que seule une réparation financière est en principe possible sous l’angle du droit cantonal de la responsabilité de l’État.

Enfin, selon la jurisprudence, les mesures de substitution, comme la détention avant jugement, doivent être imputées sur la peine, par application analogique de l’art. 51 CP. Par conséquent, tant les mesures de substitution (indépendamment de leur nature) que les différentes formes de détention avant jugement peuvent donner droit à une indemnité sur la base de l’art. 431 al. 1 CPP.

Il en résulte que l’autorité de première instance était compétente pour octroyer une réduction de peine à titre d’indemnisation pour conditions de détention illicites (art. 431 al. 1 CPP). La Cour d’appel n’a donc pas violé le droit fédéral en confirmant cette réduction de peine.

Partant, le Tribunal fédéral rejette le recours du prévenu.

Proposition de citation : Ariane Legler, L’autorité compétente en matière d’indemnisation pour conditions de détention illicites, in : https://www.lawinside.ch/1342/