L’infraction de non-restitution de permis ou de plaques de contrôle par l’administrateur d’une société

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ATF 149 IV 299 | TF, 14.08.2023, 6B_1020/2022*

L’administrateur unique d’une société inscrite sur le permis de circulation d’un véhicule peut se rendre coupable d’une infraction à l’art. 97 al. 1 lit. b LCR (non-restitution de permis ou de plaques de contrôle), bien qu’il ne soit pas le détenteur du véhicule au sens jurisprudentiel du terme. Le cercle des auteurs de l’infraction n’est pas limité au seul détenteur ou au possesseur.

Faits

L’Office de la circulation et de la navigation de l’État de Fribourg (ci-après : « OCN ») rend une décision dans laquelle il impartit un délai de dix jours à une société anonyme pour payer l’impôt des véhicules ou déposer les plaques d’une voiture. L’administrateur unique avec signature individuelle ne restitue pas les plaques du véhicule et ne s’acquitte de la dette correspondante que cinq mois plus tard.

Le Juge de police de la Broye condamne l’administrateur à une peine pécuniaire avec sursis et à une amende additionnelle pour non-restitution de permis ou de plaques de contrôle. Le Tribunal cantonal fribourgeois rejette l’appel de l’administrateur. Ce dernier exerce un recours en matière pénale auprès du Tribunal fédéral, qui doit déterminer si l’administrateur d’une société, non-détenteur du véhicule, peut se rendre coupable de l’infraction de non-restitution de permis ou de plaques de contrôle.

Droit

Le recourant fait valoir qu’il n’est pas le détenteur dudit véhicule. Le détenteur serait en effet l’ayant droit économique de la société figurant sur les papiers du véhicule.

Selon l’art. 97 al. 1 lit. b LCR, est puni d’une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d’une peine pécuniaire quiconque ne restitue pas, malgré une sommation de l’autorité, un permis ou des plaques de contrôle qui ne sont plus valables ou ont fait l’objet d’une décision de retrait. L’art. 107 al. 3 de l’ordonnance réglant l’admission  des personnes et des véhicules à la circulation routière (ci-après : “OAC”) précise que les permis de circulation et les plaques dont le retrait a été décidé seront réclamés à leurs détenteurs, auxquels on fixera un bref délai, à l’expiration duquel la police saisira les permis de circulation ou les plaques.

La qualité de détenteur se détermine selon les circonstances de fait (art. 78 al. 1 OAC). Est notamment considéré comme détenteur celui qui possède effectivement et durablement le pouvoir de disposer du véhicule et qui l’utilise ou le fait utiliser à ses frais ou dans son propre intérêt. Comme la jurisprudence l’a également établi, la qualité de détenteur au sens de la LCR ne se confond pas nécessairement avec la qualité de propriétaire du véhicule ou de personne inscrite dans le permis de circulation. Toutefois, selon l’art. 78 al. 2 OAC, l’autorité n’examine la qualité de détenteur qu’en cas de doute sur la personne du détenteur.

Selon l’autorité inférieure, en sa qualité d’administrateur unique de la société inscrite comme détentrice du véhicule, il incombait au recourant de prendre les mesures nécessaires à ce que le nom du détenteur effectif et responsable du véhicule soit communiqué à l’autorité d’immatriculation (cf. art. 78 al. 2 OAC). Le recourant avait eu de nombreuses occasions d’exiger la restitution des plaques de la part du détenteur du véhicule, ou simplement de requérir ses coordonnées pour que la décision de l’OCN puisse être exécutée. Par ailleurs, ce n’était pas la première fois que l’administrateur était confronté à cette situation. L’autorité inférieure a donc retenu qu’il avait accepté de participer à la réalisation de l’infraction.

Contrairement à l’argumentation du recourant, le Tribunal fédéral souligne que l’art. 97 al. 1 LCR ne limite pas la qualité d’auteur de l’infraction au « détenteur » au sens de l’art. 78 al. 1 OAC et de la jurisprudence topique. En effet, à l’inverse d’autres dispositions de la LCR prévoyant expressément que le détenteur est punissable, l’art. 97 al. 1 lit. b LCR dispose que « quiconque », sommé par l’autorité de rendre un permis ou des plaques, peut être punissable.

Par ailleurs, la ratio legis de l’art. 97 al. 1 lit. b LCR s’oppose à l’argumentation du recourant. Ce dernier soutient que celui qui est faussement inscrit comme détenteur (au sens jurisprudentiel) sur le permis de circulation ne pourrait pas se rendre coupable de l’infraction en question. Cependant, le véritable détenteur ne pourrait pas non plus être poursuivi, puisque sa condamnation nécessite que la décision lui ait été valablement notifiée, ce que l’autorité ne pourrait pas garantir, faute de disposer d’informations sur ce détenteur. À suivre ce raisonnement, dans un tel cas, personne ne pourrait se rendre coupable de l’infraction de l’art. 97 al. 1 lit. b LCR.

En l’espèce, l’autorité n’avait aucune raison de douter de la qualité de détentrice de la société inscrite sur le permis de circulation du véhicule (cf. art. 78 al. 2 OAC), dans la mesure où le recourant, administrateur unique et alors qu’il avait déjà reçu par le passé des décisions similaires, n’avait jamais auparavant indiqué que la société n’était pas la détentrice du véhicule. Il avait par ailleurs pris les mesures possibles afin que le véritable détenteur ne soit pas inquiété, et que la décision de l’OCN ne soit pas respectée. Il s’est ainsi rendu coupable, en qualité d’auteur direct, de l’infraction à l’art. 97 al. 1 lit. b LCR.

Partant, le Tribunal fédéral rejette le recours.

Proposition de citation : Camille de Salis, L’infraction de non-restitution de permis ou de plaques de contrôle par l’administrateur d’une société, in : https://www.lawinside.ch/1353/