La levée du blocage d’avoirs patrimoniaux suite à la suspension de l’entraide pénale avec la Russie

TF, 07.03.2024, 1C_543/2023*

L’art. 2 let. a EIMP ne permet pas de déclarer irrecevable une demande de blocage d’avoirs dans le contexte d’une entraide internationale en matière pénale ; il ne s’agit ni d’un cas d’extradition ni d’un cas de remise de valeurs patrimoniales.

Faits

Le Ministère public de la Confédération (MPC) ouvre en 2013 une enquête à l’encontre d’un ancien vice-ministre russe. Le MPC le soupçonne de blanchiment d’argent qualifié. Il transmet spontanément une série d’informations sur l’ancien vice-ministre à son homologue russe sur la base des règles en matière d’entraide internationale en matière pénale (art. 67a EIMP), en particulier des informations concernant la structure de ses comptes bancaires, ses sociétés ainsi que l’origine et l’utilisation des avoirs qui ont transité en Suisse.

Le parquet russe formule ensuite deux demandes d’entraide judiciaire successives auxquelles le MPC donne favorablement suite. Le Tribunal pénal fédéral puis, sur recours, le Tribunal fédéral confirment l’octroi de l’entraide suite à la contestation de l’ancien vice-ministre (TF, 18.02.2015, 1C_624/2014 et TF, 12.09.2016, 1C_356/2016). En conséquence, le parquet russe obtient la documentation bancaire relative aux comptes de l’ancien vice-ministre en Suisse ainsi que le blocage de ces derniers. Le MPC classe ensuite son enquête, car le parquet russe poursuit déjà l’infraction reprochée (art.Lire la suite

L’examen du risque de récidive en cas de prolongation de la détention provisoire

TF, 05.03.2024, 7B_155/2024*

En cas de risque de récidive, qu’il soit simple ou qualifié, il convient de partir du principe d’une « proportionnalité inversée » entre la gravité de l’infraction et la probabilité de sa survenance. Ainsi, plus les actes potentiellement commis sont graves, plus la mise en danger de la sécurité d’autrui est élevée et moins les exigences en matière de risque de récidive doivent l’être. Ce raisonnement ne diffère pas en fonction de l’application du nouveau droit (art. 221 al. 1bis CPP) ou de l’ancien (art. 221 al. 1 lit. c aCPP).

Faits

Soupçonné d’avoir commis un meurtre à l’arme blanche, un prévenu est placé en détention provisoire.

Après une année, il dépose une demande de mise en liberté. Le Tribunal des mesures de contrainte la rejette et prolonge la détention provisoire au plus tard jusqu’à la mise en accusation du prévenu, en raison d’un risque qualifié de récidive. Le 8 janvier 2024, l’Obergericht zurichois rejette le recours contre cette décision, quelques jours après la mise en accusation du prévenu, désormais détenu pour des motifs de sûreté.

Le prévenu saisit le Tribunal fédéral, lequel doit se prononcer sur les conditions liées au motif de la récidive.… Lire la suite

Le calcul du délai de trois ans pour l’inscription d’une hypothèque légale de la communauté des propriétaires par étages selon l’art. 712i al. 1 CC

TF, 8.11.2023, 5A_357/2022*

Le délai de trois ans prévu à l’art. 712i al. 1 CC doit être calculé rétroactivement à partir du jour du dépôt de la requête d’inscription de l’hypothèque légale de la communauté des propriétaires par étages.

Faits

Après avoir déposé une requête d’inscription provisoire le 16 novembre 2017 et obtenu son inscription le 28 février 2019, une communauté de copropriétaires par étages intente une action en vue notamment de l’inscription définitive de l’hypothèque sur l’immeuble de l’un des copropriétaires pour la somme de CHF 24’438.49 due en raison d’un défaut de paiement des contributions aux charges depuis août 2014.

Le 4 mai 2020, le tribunal d’arrondissement compétent condamne notamment le copropriétaire par étages à payer à la communauté le montant de CHF 24’438.49 avec intérêts et ordonne l’inscription définitive de l’hypothèque légale.

Débouté en deuxième instance, le propriétaire intéressé interjette un recours en matière civile auprès du Tribunal fédéral et demande, entre autres, le rejet de la demande d’inscription définitive de l’hypothèque légale. Le Tribunal fédéral doit déterminer si le calcul du délai de trois ans prévu à l’art. 712i al. 1 CC est correct.

Droit

Conformément à l’art. 712i al. 1 CC, la communauté peut requérir l’inscription d’une hypothèque sur la part de chaque copropriétaire actuel pour garantir son droit aux contributions des trois dernières années.… Lire la suite

Contrat de prise en charge postal et preuve de l’expédition du pli 

TF, 12.12.2023, 4A_95/2023 (rendu en audience publique)

L’expéditeur qui choisit un mode de transmission postal sans délivrance par la poste d’une attestation – en l’espèce, la remise d’un pli à un coursier en vertu d’un contrat de prise en charge avec la Poste suisse – court le risque de ne pas pouvoir apporter la preuve certaine de la remise de l’envoi en temps utile. Cependant, il garde le droit de l’apporter par tout autre moyen de preuve adéquat.

Faits

Une étude, chargée de représenter une société dans une affaire civile, dépose un appel contre un arrêt de la Chambre patrimoniale du canton de Vaud rendu le 21 septembre et notifié le lendemain, soit le 22 septembre 2021.

Le mémoire d’appel énonce avoir été envoyé le vendredi 22 octobre. Le suivi de la distribution indique que le pli, envoyé en colis PostPacEconomy, a été trié au Centre colis de Daillens le lundi 25 octobre à 6h39 et est parvenu au Tribunal cantonal vaudois le mercredi 27 octobre.

L’étude d’avocat est au bénéfice d’un contrat de prise en charge avec la Poste suisse, en vertu duquel un coursier vient récupérer quotidiennement le courrier à l’étude entre 17h et 17h30. L’étude soutient que le courrier contenant le mémoire d’appel a été remis au coursier le vendredi 22 octobre.… Lire la suite

Le mécanisme de la demeure (art. 107 CO) s’applique au droit de retour anticipé du droit de superficie

TF, 12.12.2023, 5A_941/2022*

Le mécanisme de la demeure (art. 107 CO) s’applique au droit de retour anticipé du droit de superficie (art. 779 ss CC). Le créancier a ainsi l’obligation de sommer le débiteur d’exécuter ses obligations contractuelles et de lui fixer un délai de grâce avant de pouvoir exercer son droit de retour.

Faits

Une commune accorde à un exploitant une servitude personnelle de superficie pour une durée de 99 ans afin de construire et d’exploiter un hôtel-restaurant. Le contrat précise qu’en cas de dénonciation du contrat de superficie par la commune en raison d’une faute du superficiant, une commission de trois experts estime l’indemnité équitable due en échange du retour des bâtiments. En 2017, la commune dénonce le contrat de superficie ; elle agit en justice en 2018 et conclut à la radiation du droit de superficie et au paiement de l’indemnité équitable.

Le Tribunal civil de l’arrondissement de la Broye constate que la commune a valablement dénoncé le contrat ; il se déclare incompétent au surplus, renvoyant à la commission d’expert pour chiffrer l’indemnité. La 1Cour d’appel civil du Tribunal cantonal de l’État de Fribourg rejette l’appel du superficiant et confirme le jugement de première instance.… Lire la suite