Entrées par Célian Hirsch

Pas de transparence pour l’or importé en Suisse

TF, 15.11.2023, 1C_272/2022*

Le secret fiscal constitue une lex specialis au principe de la transparence.

Faits

L’ONG Société pour les peuples menacés demande, conformément à la Loi sur la transparence (LTrans), à l’Office fédéral de la douane et de la sécurité des frontières (OFDF) l’accès à des statistiques détaillées sur les importations d’or effectuées par les principaux importateurs suisses, pour la période de 2014 à 2017. Face à l’opposition des importateurs invoquant en particulier le secret fiscal, l’OFDF rejette initialement cette demande.

Saisi par l’ONG, le PFPDT recommande la divulgation des informations car le secret fiscal ne s’appliquerait pas et l’intérêt public à la transparence prévaudrait. L’OFDF suit cette recommandation, ce qui amène quatre sociétés importatrices à recourir contre la décision.

Le Tribunal administratif fédéral admet leurs recours ; il considère le secret fiscal comme une lex specialis au principe de la transparence (cf. cdbf.ch/1232).

Saisi par l’ONG, le Tribunal fédéral doit clarifier la relation entre le principe de transparence et le secret fiscal.

Droit

Le but de la LTrans est de renverser le principe du secret de l’administration au profit de la transparence. Cela étant, l’art. 4 let. a LTrans réserve les dispositions spéciales d’autres lois fédérales qui déclarent certaines informations secrètes.… Lire la suite

Un licenciement fondé sur les données GPS conforme à la CEDH ?

CourEDH, Florindo De Almeida Vasconcelos Gramaxo c. Portugal, 13.12.2022, n°26968/16

L’art. 8 CEDH est respecté lorsque l’employeur se fonde sur les données d’un GPS pour licencier un employé qui indiquait de faux kilométrages parcourus avec sa voiture de fonction, alors qu’il savait que sa voiture contenait un GPS.

Fait

Un employé utilise un véhicule de fonction pour effectuer des visites auprès des clients de son employeur. Il peut également utiliser la voiture à titre privé, mais doit indiquer les kilomètres parcourus afin de rembourser son employeur.

En 2012, l’employeur décide d’installer des GPS dans ses véhicules. Il en informe les employés et précise ses buts, notamment vérifier les kilomètres parcourus.

Le GPS installé dans la voiture de l’employé connaît des problèmes. L’employeur installe alors un second GPS dans le véhicule, sans en informer l’employé.

Il est ensuite reproché à l’employé d’avoir manipulé le premier GPS et d’avoir majoré le nombre de kilomètres parcourus à titre professionnel afin d’y diluer les kilomètres parcourus à titre privé pour ne pas devoir rembourser l’employeur. Ainsi, le GPS installé par l’employeur dans un deuxième temps indique toujours des chiffres supérieurs au GPS installé précédemment. Sur cette base, l’employeur prononce le licenciement de l’employé.… Lire la suite

Quelle action contre la banque lors de transactions non autorisées ?

ATF 149 III 105 | TF, 13.09.2022, 4A_407/2021*

Le client qui conteste avoir autorisé des transactions doit déposer une action en dommages-intérêts, et non en exécution, sauf si la transaction non autorisée provient d’un défaut de légitimation.

Faits

Un chargé de relation, responsable du desk turc d’une banque, procède à des transactions (opérations Forex, investissements, virements…) sur les comptes de plusieurs clients, sans avoir reçu d’ordres au préalable. Afin de dissimuler ces transactions non autorisées, l’employé remet aux clients uniquement des résumés qu’il a lui-même préparés, et non des documents officiels de la banque.

Lorsque le chargé disparaît en Turquie, la fraude est découverte. Plusieurs clients actionnent la banque afin d’obtenir le remboursement des montants débités sans droit (cf. TF, 17.02.2020, 4A_126/2019 commenté in cdbf.ch/1112 et ACJC/548/2021). Dans le cas qui nous intéresse, le client a listé douze transactions qu’il n’avait pas ordonnées, totalisant EUR 4’550’958,30.

Le client saisit le Tribunal de première instance genevois d’une demande en paiement. Il agit à titre principal en exécution du contrat, réclamant la restitution de ses avoirs, et, à titre subsidiaire, en responsabilité pour inexécution du contrat, exigeant la réparation de son préjudice.

Après une procédure de près de dix ans, le Tribunal condamne la banque, en application des règles de la gestion d’affaires sans mandat (art.Lire la suite

L’AFC ne doit pas informer les tiers en application de la LPD

ATF 148 II 349 | TF, 21.12.2021, 2C_825/2019*

Le devoir d’informer les tiers prévu par la Loi sur l’assistance administrative fiscale éteint le devoir d’informer général prévu par la LPD (art. 18a al. 4 let. a LPD).

Fait

En 2017, le Préposé fédéral à la protection des données et à la transparence (PFPDT) apprend que l’AFC aurait transmis les noms de centaines de personnes à l’Internal Revenue Service des États-Unis (IRS), sans les informer préalablement.

Saisi par le Préposé, le Département fédéral des finances (DFF) confirme la pratique de l’AFC, à savoir ne pas systématiquement informer les tiers.

Sur recours, le Tribunal administratif fédéral considère au contraire, en application de la Loi sur l’assistance administrative fiscale (LAAF), que les tiers doivent être informés (A-5715/2018, résumé in LawInside.ch/817).

L’AFC saisit le Tribunal fédéral, qui doit déterminer si cette autorité doit informer les personnes non directement visées par la demande d’assistance (les tiers) qu’elle va transmettre leurs informations à l’autorité requérante.

Le Tribunal fédéral suspend la procédure jusqu’au rendu de sa décision publiée à l’ATF 146 I 172 (commenté in LawInside.ch/949/).

Droit

Le Tribunal fédéral commence par rappeler sa jurisprudence développée dans l’ATF 146 I 172 (commenté in LawInside.ch/949/).… Lire la suite

La publication automatique d’une sanction respecte-t-elle la Constitution ?

ATF 148 I 226 | TF, 07.08.2022, 2D_8/2021*

La publication automatique d’une sanction en matière de marchés publics dans le journal officiel cantonal viole l’art. 13 al. 2 Cst.

Faits

Le Conseil d’État du Tessin exclut une société tessinoise de l’attribution des marchés publics. En effet, la société aurait effectué de la sous-traitance en chaîne alors que cela était strictement interdit. Le Conseil d’État décide que sa décision d’exclusion sera publiée sur le site Internet de l’autorité cantonale compétente pour la durée de l’exclusion ainsi que dans la Feuille officielle cantonale.

La société conteste devant le Tribunale amministrativo tessinois en particulier la publication de la sanction, sans succès.

Saisi du litige, le Tribunal fédéral doit examiner si la publication de la sanction respecte le droit à l’autodétermination informationnelle garanti par l’art. 13 al. 2 Cst.

Droit

L’art. 13 al. 2 Cst. prévoit que “toute personne a le droit d’être protégée contre l’emploi abusif des données qui la concernent”.

Malgré ce texte restreint, la jurisprudence reconnait que le droit à l’autodétermination informationnelle protège contre la divulgation et la diffusion de données personnelles. Pour les personnes morales, ce droit garantit la protection de leur entreprise, de leurs communications et de leurs données ainsi que de leur réputation.… Lire la suite