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Le sort des avoirs bloqués en Suisse dans le cadre de l’entraide judiciaire internationale en matière pénale avec la Russie

TF, 30.01.2023, 1C_477/2022*

En raison du contexte actuel de la guerre en Ukraine, l’entraide judiciaire avec la Russie doit être suspendue (et non refusée) lorsque les autorités suisses – en exécution d’une demande d’entraide russe – ont provisoirement saisi des avoirs bancaires (art. 18 EIMP). Une telle saisie doit être maintenue durant la suspension.  

Faits

Le 27 janvier 2020, dans le cadre d’une instruction dirigée contre deux frères soupçonnés de détournements au préjudice d’une banque russe, les autorités russes adressent une demande d’entraide à la Suisse. À des fins de confiscation ultérieure, elles requièrent le blocage d’un compte détenu par une société en Suisse et dont les fonds sont supposés provenir des détournements précités.

Le 18 juin 2020, en exécution de cette demande, le Ministère public genevois (MP/GE) ordonne la saisie conservatoire de ces fonds (art. 18 EIMP).

Suite à une demande d’entraide complémentaire de la Russie, le MP/GE rend une ordonnance de clôture partielle le 9 avril 2021, dans laquelle il ordonne la transmission de la documentation bancaire relative à plusieurs comptes détenus par la société précitée. Celle-ci recourt contre l’ordonnance auprès de la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral (TPF).

Entre-temps, en février 2022, la Russie entreprend une intervention militaire à l’encontre de l’Ukraine.… Lire la suite

Suspension d’une procédure d’assistance administrative en matière fiscale avec la Russie

TF, 31.05.2022, 2C_219/2022

En raison du contexte actuel de la guerre en Ukraine, il se justifie de suspendre une procédure d’assistance administrative internationale en matière fiscale initiée par une demande russe. Après quatre mois, la situation devra néanmoins être réexaminée.

Faits

En 2018, la Russie adresse une demande d’assistance administrative en matière fiscale à l’Administration fédérale des contributions (AFC) sur la base de l’art. 25a de la Convention de double imposition entre la Suisse et la Russie (CDI CH-RU).

La Russie souhaite obtenir des renseignements sur les comptes bancaires suisses de plusieurs sociétés chypriotes afin d’identifier les véritables bénéficiaires économiques de ces sociétés et le cas échéant de réévaluer l’impôt à la source prélevé par les autorités fiscales russes, suite au versement de dividendes par une société russe à ces sociétés.

En 2019, l’AFC accorde l’assistance administrative à l’autorité compétente russe. Les sociétés chypriotes forment un recours contre cette décision auprès du Tribunal administratif fédéral, qui le rejette et confirme l’octroi de l’assistance administrative.

Les sociétés chypriotes recourent contre l’arrêt du TAF auprès du Tribunal fédéral et exigent la suspension de la procédure. Le Tribunal fédéral doit déterminer si une suspension de la procédure d’assistance administrative en matière fiscale avec la Russie s’avère nécessaire compte tenu de la guerre actuelle en Ukraine.Lire la suite

L’effet de l’annotation d’une restriction du droit d’aliéner sur la procédure d’exécution forcée d’un immeuble

ATF 148 III 109 | TF, 02.02.2022, 5A_491/2021*

Conformément à l’art. 960 al. 2 CC, l’annotation provisoire d’une restriction du droit d’aliéner un immeuble est opposable aux créanciers du propriétaire. Ceci vaut également dans le cadre de toute procédure ultérieure d’exécution forcée.

Faits

En 1996, un fiduciaire acquiert un immeuble pour le compte de son fiduciant.

Après avoir mis le fiduciaire en demeure de lui transférer la propriété de l’immeuble, le fiduciant saisit le Tribunal de première instance de Genève d’une action en constatation de son droit. Celle-ci est assortie d’une requête de mesures superprovisionnelles tendant à l’annotation provisoire d’une restriction du droit d’aliéner l’immeuble. Par ordonnance, le Tribunal de première instance fait droit à cette requête. L’annotation provisoire est inscrite au registre foncier en 2010.

En 2012, une société requiert le séquestre de l’immeuble acquis à titre fiduciaire. Le séquestre est ordonné et exécuté le même jour et ultérieurement transformé en saisie définitive.

Le fiduciant forme alors une action en revendication (cf. art. 275 LP cum art. 107 LP) à l’encontre du fiduciaire et de la société auprès du Tribunal de première instance de Genève. Ce dernier ordonne toutefois la suspension de la procédure de revendication dans l’attente de l’issue de la procédure en constatation de droit.… Lire la suite

La communication de l’état des charges durant une période de suspension

ATF 148 III 46TF, 19.01.2022, 5A_672/2020*

Tout acte de poursuite effectué durant une période de suspension au sens de l’art. 62 LP est nul de plein droit.

Faits

En 2018, une banque introduit une poursuite en réalisation de gage à l’encontre de la copropriétaire d’un bien immobilier sis dans le canton de Genève. Peu de temps après, la banque requiert la réalisation de l’objet du gage.

Dans ce contexte, l’Office des poursuites du canton de Genève publie dans la Feuille officielle du commerce (FOSC) ainsi que dans la Feuille d’avis officielle (FAO) un avis indiquant que les conditions de la vente aux enchères et l’état des charges seront déposés auprès de l’office à compter du 19 mars 2020.

Dans l’intervalle, le Conseil fédéral décrète une suspension générale des poursuites au sens de l’art. 62 LP en raison de la pandémie de coronavirus. Cette suspension affecte tout le territoire suisse et déploie ses effets du 19 mars 2020 à 7h00 au 4 avril 2020 à 24h00.

Nonobstant l’ordonnance susmentionnée, l’Office des poursuites du canton de Genève communique à la poursuivie l’état des charges en date du 19 mars 2020 et attire son attention sur le fait que les charges seront réputées reconnues sauf contestation dans les 10 jours auprès de l’office.… Lire la suite

L’effet anticipé de la zone réservée (art. 27 LAT)

TF, 09.07.2021, 1C_358/2020

Une commune est en droit d’entreprendre des démarches en matière de planification en réponse à un projet de construction spécifique, notamment en adoptant une zone réservée (art. 27 al. 1 LAT). Savoir si la zone réservée s’oppose à la délivrance du permis de construire suppose une pesée des intérêts privés et publics concernés.

Faits

Une société demande un permis de construire pour stocker et exploiter des minéraux sur une parcelle située sur le territoire de la commune de Stans. La parcelle est colloquée en zone industrielle. Après le dépôt de cette demande, la commune adopte une zone réservée (art. 27 al. 1 LAT) couvrant l’ensemble du territoire de la zone industrielle. La commune envisage en effet de modifier l’affectation de la zone.

La société conteste l’adoption de la zone réservée. Sans succès devant les autorités cantonales, la société forme un recours en matière de droit public au Tribunal fédéral. Celui-ci doit se prononcer quant aux effets de la zone réservée sur la demande de permis de construire formulée antérieurement.

Droit

Le Tribunal fédéral rappelle notamment que selon l’art. 27 al. 1 LAT, si l’adaptation d’un plan d’affectation s’impose, l’autorité peut prévoir des zones réservées dans des territoires exactement délimités.… Lire la suite