L’étude d’impact pour un projet de parc éolien au stade de la planification d’affectation

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TF, 12.02.2024, 1C_458/2022

Des investigations complètes concernant l’impact qu’un projet pourrait avoir sur plusieurs espèces d’oiseaux et sur la protection des eaux doivent être effectuées au stade du plan d’affectation déjà et non au stade du permis de construire. En effet, les résultats de ces investigations peuvent remettre en question des éléments qui ont une influence sur la pesée des intérêts qui doit être effectuée au stade de la planification d’affectation.

Faits

Trois communes vaudoises mettent à l’enquête publique un plan partiel d’affectation intercommunal (ci-après : PPA) pour réaliser collectivement le parc éolien « Bel Coster », à proximité de la frontière française. Pour ce projet, un rapport d’impact sur l’environnement a également été établi. Au terme de l’enquête publique, les communes lèvent les oppositions et adoptent le PPA, ainsi qu’un règlement.

La Direction générale de l’environnement du canton de Vaud autorise les défrichements et le projet routier liés au PPA. A son tour, le Département cantonal compétent approuve le PPA et le projet routier.

Plusieurs particuliers, associations et fondations, telles que « Helvetia Nostra », saisissent la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal vaudois (ci-après : la Cour cantonale) d’un recours contre les décisions communales et cantonales précitées. Cette dernière rejette le recours.

Les intéressés interjettent alors un recours en matière public au Tribunal fédéral qui doit déterminer si l’étude d’impact sur l’environnement qui a été effectuée est suffisamment complète et exhaustive au stade de la planification d’affectation.

Droit

Les recourants soutiennent que l’étude d’impact sur l’environnement (ci-après : EIE) est incomplète à la lumière des exigences des art. 10a et 10b LPE, s’agissant des effets du projet sur certaines espèces d’oiseaux et sur la protection des eaux. Cela affecterait la pesée des intérêts qui doit être effectuée lors de l’établissement du plan partiel d’affectation.

Le Tribunal fédéral commence par rappeler que, conformément à l’art. 3 OAT, les autorités doivent effectuer à une pesée des intérêts complète lors de l’approbation d’un plan d’affectation, et ainsi, également lors d’une planification d’affectation spéciale. Elles doivent prendre en considération tous les intérêts déterminants concernés, les principes généraux et les éléments concrets du cas d’espèce.

Le Tribunal fédéral poursuit en relevant que, selon l’art. 10a LPE, avant de prendre une décision, l’autorité doit examiner la compatibilité du projet avec les dispositions en matière d’environnement en effectuant une EIE.

Les EIE sont effectuées dans le cadre de procédures données (« procédure décisive ») prévues par le droit fédéral. Lorsque ce dernier ne détermine pas la procédure décisive, les cantons doivent prévoir une procédure permettant d’aboutir à une EIE exhaustive (art. 5 al. 3 OEIE). Tel est le cas pour certaines installations d’exploitation de l’énergie éolienne. Dans les cas où les cantons prévoient l’établissement d’un plan d’affectation spécial, cette procédure est considérée comme la procédure décisive, à condition qu’elle permette de procéder à une EIE exhaustive. Les caractéristiques du projet soumis à une étude d’impact doivent être déterminés avec une précision suffisante afin que l’autorité puisse examiner si le projet répond aux prescriptions fédérales sur la protection de l’environnement.

L’art. 3 al. 2 RVOEIE nuance quelque peu ces considérations : le droit cantonal peut prévoir des EIE par étapes, par exemple lorsqu’un plan d’affectation spécial n’est pas suffisamment détaillé pour permettre une appréciation exhaustive du projet. Toutefois, chaque étape doit permettre à l’autorité compétente d’obtenir toutes les informations dont elle a besoin pour se prononcer au terme de l’étape en question. Cela signifie que le plan d’affectation spécial doit régler les questions déterminantes, telles que l’implantation, lesquelles ne pourront en principe plus être revues dans la phase ultérieure de l’autorisation de construire.

La question de savoir dans quelle mesure les questions de protection de l’environnement doivent être résolues lors de l’adoption d’un plan d’affectation dépend du degré de précision dudit plan. Si les effets concrets du projet peuvent être saisis dès le départ, le principe de coordination (art. 25a LAT) exige qu’une pesée complète des intérêts soit effectuée dès le stade du plan d’affectation et que la garantie que les dispositions fédérales soient respectées soit donnée. Si les mesures, telles que les mesures de protection (art. 18 al. 1bis et 1ter LPN), ne sont fixées définitivement que dans le cadre de l’autorisation de construire, les mesures nécessaires doivent déjà apparaître comme assurées au moment de l’adoption du plan.

Concernant les plans d’affectation spéciaux consacrés à l’implantation du parc éolien, ils doivent notamment indiquer le nombre et l’emplacement des éoliennes, la production attendue du parc et les défrichements. Néanmoins, certains aspects techniques peuvent être renvoyés à la procédure d’autorisation de construire.

Fort de ces considérations théoriques, le Tribunal fédéral débute l’analyse des atteintes causées par le parc éolien in casu.

S’agissant des risques de projection de glace, les recourants estiment que ces risques doivent être limités au stade du PPA. Le Tribunal fédéral constate que, selon la jurisprudence, les mesures de sécurisation des sentiers pédestres peuvent être déterminées au stade du permis de construire. Une détermination générale du risque dans le PPA, comme c’est le cas en l’espèce, est suffisante.

S’agissant de la protection de la faune, la Cour cantonale a considéré, pour certaines espèces, que l’impact du projet avait été correctement évalué et que les mesures complémentaires ou de compensation étaient suffisantes. Concernant d’autres espèces, telles que la bécasse des bois, elle a jugé que le dossier devait être complété. Elle a considéré qu’il était possible d’effectuer ces recherches dans le cadre de la procédure de permis de construire, lors de l’élaboration de la deuxième étape de l’étude d’impact.

L’Office fédéral de l’environnement (ci-après : OFEV) estime pour sa part que, concernant la distance entre les éoliennes et les sites de nidification et aires de croule de diverses espèces d’oiseaux, les investigations complémentaires doivent être effectuées au stade du plan d’affectation déjà car le résultat de ces investigations pourraient imposer une modification de l’implantation de l’une ou l’autre des éoliennes.

Le Tribunal fédéral confirme que, pour certaines espèces, les constatations effectuées et les mesures prévues apparaissent suffisantes. En revanche, il se joint à l’avis de l’OFEV s’agissant de certaines autres espèces. La Cour cantonale s’est référée à la pratique de l’EIE par étapes. Comme mentionné, cette pratique est admissible sous réserve de plusieurs exigences. En l’espèce, la protection de l’avifaune doit faire l’objet d’investigations aussi complètes que possible au stade de la planification d’affectation car le résultat de ces investigations pourrait conduire à un redimensionnement du parc dans son ensemble. Cela pourrait également avoir une influence sur la pesée des intérêts qui doit être effectuée au stade de la planification d’affectation.

Le Tribunal fédéral applique le même raisonnement aux investigations relatives à la protection de eaux.

Partant, le Tribunal fédéral admet le recours et annule l’approbation du plan partiel d’affectation et du projet routier, ainsi que les autorisations de défrichement.

Proposition de citation : Margaux Collaud, L’étude d’impact pour un projet de parc éolien au stade de la planification d’affectation, in : www.lawinside.ch/1437/