Entrées par Simone Schürch

Le droit pour un couple de prévenus de se rendre visite

ATF 143 I 241 | TF, 18.04.2017, 1B_34/2017*

Faits

Deux prévenus se trouvent en détention provisoire respectivement sous le régime de l’exécution anticipée de la peine pour plusieurs cambriolages qu’ils auraient commis ensemble. Ayant été concubins pendant plus de 15 ans, ils font chacun valoir le droit de se rendre visite au moins une fois par mois, étant précisé qu’ils se trouvent dans deux établissements pénitentiaires différents. Ces demandes sont rejetées par les deux instances cantonales.

Sur recours des deux prévenus, le Tribunal fédéral doit déterminer si ces derniers sont en droit de se rendre visite régulièrement malgré leur détention à deux endroits différents.

Droit

Les recourants se prévalent d’une violation de leur droit à la liberté personnelle (art. 10 Cst.) et à leur vie privée et familiale (art. 13 Cst.), ainsi que d’une violation de l’art. 235 al. 1 CPP.

Une restriction des droits fondamentaux des prévenus étant en jeu, l’art. 36 Cst. constitue le point de départ de l’analyse du Tribunal fédéral. L’art. 235 al. 1 CPP concrétise la portée de cette disposition et prévoit que la liberté des prévenus en détention ne peut être restreinte que dans la mesure requise par le but de la détention et par le respect de l’ordre et de la sécurité dans l’établissement.… Lire la suite

La perpetuatio fori en matière de protection de l’adulte

ATF 143 III 237 | TF, 23.03.2017, 5A_151/2017*

Faits

L’autorité de protection de l’adulte et de l’enfant de Thun ouvre une procédure à l’encontre d’un homme âgé de 97 ans dont la capacité de discernement serait atteinte. En cours de procédure, celui-ci déménage en Espagne.

Ses enfants demandent à l’autorité de protection de retirer à leur père à titre provisionnel l’exercice des droits civils ainsi que d’établir un inventaire de ses biens. Dans un second temps, ils demandent également que leur père soit placé dans une institution fermée.

Se déclarant compétente rationae loci, l’autorité rejette les demandes et invite l’homme à collaborer à l’établissement des faits. Sur recours, ce dernier soulève l’incompétence de l’autorité pour la poursuite de la procédure. Débouté, il saisit le Tribunal fédéral lequel est appelé à déterminer si l’autorité de protection demeure compétente (perpetuatio fori) malgré le changement de domicile de la personne concernée en cours de procédure.

Droit

La compétence des autorités de protection de l’adulte dans les affaires à caractère international est réglée par la Convention de la Haye du 13 janvier 2000 sur la protection internationale des adultes (CLaH 2000). L’art. 5 al. 2 de cette convention dispose qu’en cas de changement de résidence habituelle de l’adulte dans un autre Etat contractant, sont compétentes les autorités de l’Etat de la nouvelle résidence habituelle.… Lire la suite

Les semelles rouges Louboutin sont-elles une marque ?

ATF 143 III 127 – TF, 07.02.2017, 4A_363/2016*

Faits

Le styliste français Christian Louboutin est titulaire d’un enregistrement international pour les semelles rouges des chaussures qu’il produit (ce qu’on définit comme étant une « marque de position »). L’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (OMPI) notifie l’enregistrement à l’Institut Fédéral de la Propriété Intellectuelle (IPI) pour qu’il étende la protection de la marque à la Suisse. Ce dernier refuse d’étendre la protection de la marque au motif que la couleur rouge des semelles serait un élément purement décoratif sans caractère distinctif.

Le prononcé de l’IPI étant confirmé par le Tribunal administratif fédéral, Christian Louboutin agit devant le Tribunal fédéral en demandant la protection de l’enregistrement international en Suisse. Se pose ainsi la question de savoir si les semelles rouges du styliste français constituent un caractère distinctif de ses chaussures à talon.

Droit

Les motifs de refus d’enregistrer ou d’étendre la protection d’une marque sont régis par la Convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle. L’art. 6quinquies let. b ch. 2 de cette convention prévoit que l’enregistrement d’une marque peut être refusé lorsque cette dernière est dépourvue de tout caractère distinctif ou qu’elle fait partie du domaine public.… Lire la suite

Le recours contre la décision indépendante de confiscation

ATF 143 IV 85 | TF, 16.02.2017, 6B_537/2016*

Faits

Suite à la condamnation d’une personne en Italie, le Ministère public de la Confédération (MPC) prononce la confiscation de ses avoirs auprès d’une banque en Suisse. Sur opposition de la personne concernée, la cour pénale du Tribunal pénal fédéral (TPF), puis sur recours la cour des plaintes du même tribunal confirment la confiscation des avoirs.

Saisi par la personne concernée d’un recours en matière pénale, le Tribunal fédéral doit déterminer si cette voie de recours est ouverte contre les décisions de la cour des plaintes du TPF rendues dans le cadre d’une procédure de confiscation indépendante (cf. art 376 ss CPP).

Droit

D’après l’art. 79 LTF, le recours en matière pénale au Tribunal fédéral est irrecevable contre les décisions de la cour des plaintes du TPF, sauf si elles portent sur des mesures de contrainte.

La notion de mesures de contrainte au sens de cette disposition comprend les mesures à caractère incident adoptées dans le cadre d’une procédure pénale, telles que l’arrestation, la mise en détention, le séquestre et la perquisition. Ainsi, une décision de confiscation rendue en application des art. 376 ss CPP, par nature finale et indépendante, sort du champ d’application de cette disposition.… Lire la suite

Un contrat de crédit-cadre peut-il constituer une société simple ?

TF, 13.12.2016, 4A_251/2016, 4A_265/2016

Faits

Deux sociétés souhaitent acquérir un parc immobilier et fonder une société d’investissement à capital variable (SICAV). Elles se tournent vers une banque pour le financement. La banque reconnaît l’importance stratégique du projet et se dit prête à assurer sa prise en charge “par un groupe de projet bénéficiant des meilleures compétences de [son] organisation”. Elle décide ainsi d’octroyer le crédit et les parties signent à cet effet un contrat-cadre concernant les crédits sur gage immobilier portant sur un montant de 111 millions de francs. Outre la fourniture de plusieurs garanties, le contrat prévoit que la banque fonctionnera comme directeur de fond et dépositaire. La banque amène même un investisseur supplémentaire qui participe au projet.

Par la suite, un litige surgit en lien avec les sûretés à fournir par les emprunteurs et la banque se refuse d’accorder la deuxième tranche du crédit et résilie le contrat de prêt avec effet immédiat. Les sociétés demandent alors à avoir accès à l’ensemble des documents en lien avec les sûretés, ce que la banque refuse. Les sociétés actionnent la banque en reddition de compte en invoquant en particulier l’art. 541 CO régissant le droit de tout associé d’être informé sur la marche des affaires sociales.… Lire la suite