L’interprétation d’une élection de for et la qualité de créancier pour consulter les rapports de gestion et de révision

TF, 03.08.2023, 4A_559/2022*

L’étendue d’une élection de for doit être déterminée, en l’absence d’élection de droit réglant spécifiquement son interprétation, selon le droit applicable au contrat dans son ensemble.

Le requérant d’une demande de consultation des rapports de gestion et de révision au sens de l’art. 958e al. 2 CO doit démontrer sa qualité de créancier au degré de la vraisemblance prépondérante.

Faits

En 2011, une société d’assurance péruvienne conclut un contrat d’assurance avec une société de distribution d’énergie au Pérou. Afin de couvrir le risque assuré, la société d’assurance péruvienne conclut également un contrat de réassurance avec une société suisse. Le contrat de réassurance comprend une élection de for et une élection de droit désignant les tribunaux péruviens, respectivement le droit péruvien.

En 2014, la société d’assurance péruvienne est condamnée par sentence arbitrale au paiement de USD 14’000’000 à la société de distribution d’énergie. Dans la mesure où le risque de réassurance s’est réalisé, la société péruvienne exige une indemnisation de la société suisse de réassurance qui conteste l’étendue de sa prétention. La société d’assurance péruvienne ouvre alors action au Pérou pour une partie de sa prétention. En parallèle, elle saisit le Handelsgericht du canton de Zurich d’une demande de consultation des derniers rapports de gestion et de révision de la société suisse de réassurance.… Lire la suite

Qualité pour agir du créancier cessionnaire admis provisoirement à l’état de collocation et relation entre action en restitution et action en responsabilité

ATF 149 III 422 TF, 30.05.2023, 4A_465/2022 ; 4A_467/2022*

Un créancier dont la créance a été admise provisoirement à l’état de collocation peut se voir céder des prétentions de la masse en faillite et agir dans une procédure en cette qualité. La cession doit alors être assortie d’une condition résolutoire pour le cas où la créance est définitivement écartée de l’état de collocation.

L’action en restitution (art. 678 CO) et l’action en responsabilité (art. 754 ss CO) sont en relation de concurrence (Anspruchkonkurrenz). Lorsque plusieurs personnes sont responsables à ce titre, elles répondent selon les règles de la solidarité imparfaite (art. 51 al. 2 CO).

Faits

À l’issue d’une procédure d’arbitrage, une société entame des poursuites à l’encontre de la société reconnue débitrice. La société poursuivante obtient la mainlevée pour un montant de CHF 5.8 millions. S’ensuit l’ouverture de la faillite de la société débitrice.

Agissant en tant que créancier cessionnaire, la société poursuivante ouvre (i) une action en restitution à l’encontre de la société actionnaire de la société débitrice ainsi qu’une (ii) action en responsabilité à l’encontre du président du conseil d’administration et directeur unique de cette même société et de la société débitrice, ainsi qu’à l’encontre de l’organe de révision de la société débitrice.… Lire la suite

La qualification en droit suisse d’une Parental Guarantee

ATF 149 III 71TF, 23.11.2022, 4A_120/2022*

Le tiers non partie au contrat et au bénéfice d’une stipulation pour autrui parfaite peut se voir imposer des conditions d’exercice de la créance dont il dispose, notamment une élection de for et de compétence. Le contrat qui oblige un tiers à exécuter une obligation en nature ne peut résulter en un cautionnement, même si le bénéficiaire finit par introduire une action tendant au paiement d’une somme.

Faits

Un groupe offre des services en lien avec la technologie de l’information et de la communication. Il est composé d’une société-fille suisse (la recourante) et d’une société-mère, qui a son siège en Allemagne.

En 2015, la société-mère allemande conclut un contrat-cadre avec une entreprise internationale spécialisée dans le développement et l’implantation de systèmes et plateformes « intelligents ». Cette dernière est composée d’une société suisse qui est la société-fille d’une holding néerlandaise, elle-même la société fille d’une société américaine. Ce contrat-cadre vise l’implantation d’un logiciel dans les opérations informatiques du groupe. L’entreprise américaine consent une première « Parental Guarantee of Provider’s ultimate parent » garantissant les obligations de sa fille néérlandaise en faveur de la cliente allemande et de toutes les sociétés de son groupe. La société allemande et les sociétés de son groupe sont désignées comme bénéficiaires de la « Parental Guarantee », mais n’y sont pas parties et ne la contresignent pas. … Lire la suite

La fusion simplifiée en cas de rapports de participation indirects

ATF 148 III 362TF, 16.08.2022, 4A_110/2022*

La fusion simplifiée au sens de l’art. 23 al. 1 LFus présuppose que la société reprenante détienne directement les parts de la transférante (fusion “mère-fille”) ou que les parts des sociétés qui fusionnent soient détenues directement par une même personne (fusion entre “soeurs”). Elle ne s’applique pas en cas de rapports de participation indirects (p. ex. fusion d’une société “grand-mère” avec sa “petite-fille” ou fusion d’une société “tante” avec sa “nièce”).

Faits

Un individu détient directement toutes les actions d’une société anonyme. Il détient également toutes les parts d’une société à responsabilité limitée, 60 % directement et 40 % indirectement via une troisième société.

L’actionnaire ultime dépose auprès du registre du commerce du Canton de Zoug une requête d’inscription de la fusion simplifiée de la Sàrl dans la SA. Le registre du commerce retient que les conditions d’une fusion simplifiée ne sont pas remplies et rejette la requête d’inscription. Sur recours, le Verwaltungsgericht du Canton de Zoug confirme la décision du registre du commerce.

Suite au recours de l’actionnaire ultime, le Tribunal fédéral est appelé à déterminer si la procédure de fusion simplifiée s’applique lorsque les parts sociales des sociétés fusionnantes sont indirectement détenues par le même actionnaire.… Lire la suite

Action en responsabilité contre les organes d’une SA en activité (art. 754 CO) et légitimation active du créancier

ATF 148 III 11 TF, 01.11.2021, 4A_36/2021*

À l’inverse de ce qui vaut en cas de faillite, une SA en activité n’a pas la priorité pour intenter une action en responsabilité contre ses organes sur la base de l’art. 754 CO. L’action individuelle du créancier et/ou de l’actionnaire peut dès lors entrer en concours avec les prétentions de la société.

Faits

Une société d’investissement à capital variable domiciliée aux Îles Caïmans détient plusieurs sous-fonds. Ces derniers n’ont pas de personnalité juridique et gèrent leurs actifs séparément. Un de ces sous-fonds a pour but de participer à des projets immobiliers en Afrique.

En 2011, la société d’investissement conclut un « Administrative Services Agreement » avec une société de gestion suisse, active dans le conseil pour des placements collectifs étrangers. Cet accord prévoit que la société de gestion administre et gère le sous-fonds.

Quatre ans plus tard, la société d’investissement détenant le sous-fonds réalise qu’il manque environ USD 26 millions au sous-fonds. Une partie des fonds aurait été détournée par un ancien administrateur de la société de gestion.

En sa qualité de créancière, la société d’investissement ouvre une action en responsabilité à l’encontre de l’ex-administrateur de la société de gestion auprès du Handelsgericht zurichois.… Lire la suite