La compétence pour ordonner la compensation d’une indemnité octroyée au prévenu (art. 442 CPP)

ATF 143 IV 293 | TF, 04.04.17, 6B_648/2016*

Faits

Le Tribunal cantonal accorde une indemnité au sens de l’art. 429 al. 1 lit. a CPP d’environ CHF 2’000 à un prévenu. Le Tribunal cantonal compense cette créance avec les frais de procédure de première et deuxième instance en vertu de l’art. 442 al. 4 CPP. Le prévenu forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral qui doit désigner l’autorité compétente pour ordonner la compensation des frais de procédure avec une indemnité accordée au prévenu.

Droit

Selon l’art. 442 al. 4 CPP,  « les autorités pénales peuvent compenser les créances portant sur des frais de procédure avec les indemnités accordées à la partie débitrice dans la même procédure pénale et avec des valeurs séquestrées ».

Le prévenu se réfère cependant au Message du Conseil fédéral qui prévoit que « c’est à l’autorité chargée du recouvrement des frais de procédure et non à une autorité pénale au sens des art. 12 et 13 qu’il appartient d’ordonner ou non la compensation ». Le Tribunal fédéral relève néanmoins que le texte de l’art. 442 al. 4 CPP est clair et qu’il donne la compétence aux « autorités pénales ». Il constate également que le Message du Conseil fédéral en allemand et en italien est plus nuancé que la version française.… Lire la suite

La détention pour des motifs de sûreté pour garantir l’expulsion pénale d’un condamné étranger

ATF 143 IV 168 | TF, 29.03.2017, 1B_61/2017*

Faits

Le Tribunal de police du canton de Genève condamne un prévenu étranger à une peine privative de liberté de deux ans, sous déduction de la détention avant jugement déjà effectuée et le met au bénéfice d’un sursis. Par ailleurs, en application du nouvel art. 66a al. 1 let. b CP, le Tribunal de police ordonne son expulsion pour une durée de cinq ans, le sursis n’empêchant pas l’exécution de l’expulsion pendant le délai d’épreuve. Le condamné fait appel de cette décision.

Le Tribunal de police accompagne sa décision au fond d’une ordonnance de maintien du prévenu en détention pour des motifs de sûreté car il considère qu’il existe un risque de fuite ou de soustraction aux autorités pénales.

Le condamné recourt sans succès contre l’ordonnance de maintien en détention. Il saisit alors le Tribunal fédéral qui est amené à déterminer d’une part s’il est conforme au droit fédéral de maintenir en détention pour des motifs de sûreté une personne condamnée à une peine avec sursis et à une expulsion pénale et, d’autre part, si le Tribunal de police était compétent pour ordonner le maintien de la détention.

Droit

Le Tribunal fédéral commence par rappeler que l’expulsion prévue à l’art.Lire la suite

La protection des agents infiltrés

ATF 143 I 310 | TF, 21.03.2017, 1B_118/2016*

Faits

Un couple est suspecté d’avoir tué son premier bébé et fait subir de graves lésions corporelles au second. Les suspects se refusent toutefois à toute déclaration. En cours d’instruction, le Ministère public ordonne une investigation secrète impliquant plusieurs agents infiltrés. Par la suite, un des prévenus démasque les agents infiltrés. Le Ministère public ordonne alors la perquisition du logement des prévenus, le séquestre de leurs appareils électroniques et la suppression des photos des agents infiltrés en leur possession. Un des prévenus conteste avec succès la licéité de ces mesures.

Sur recours du Ministère public, le Tribunal fédéral doit déterminer si la suppression des photos des agents infiltrés détenues par les prévenus était licite.

Droit

La perquisition du logement des prévenus, le séquestre de leurs appareils électroniques et la suppression des photos des agents infiltrés en leur possession portent atteinte à leur droit à la vie privée (art. 13 Cst. féd. et art. 8 CEDH), ainsi qu’à la garantie de la propriété (art. 26 al. 1 Cst. féd.). Ces mesures doivent dès lors être conforme à l’art. 36 Cst. féd., soit (1) reposer sur une base légale suffisante, (2) être justifiées par un intérêt prépondérant, et (3) respecter le principe de la proportionnalité.… Lire la suite

La détermination de la liste de frais du défenseur d’office

ATF 143 IV 214 | TF, 10.04.17, 6B_824/2016*

Faits

Après un recours au Tribunal fédéral, le Tribunal cantonal condamne un prévenu pour avoir mis en danger la vie d’autrui à une peine privative de liberté de 28 mois. Il l’acquitte en revanche du chef de prévention de tentative de meurtre. Par décision séparée, il octroie une indemnité de CHF 110’000.- à son défenseur d’office pour la 2ème procédure devant le Tribunal cantonal. Le ministère public saisit le Tribunal fédéral et conclut à ce que le prévenu soit condamné pour tentative de meurtre. Il estime également que l’indemnité au défenseur doit s’élever à CHF 53’000.-. Le Tribunal fédéral est alors amené à clarifier les principes de rétribution de l’avocat d’office.

Droit

Selon la jurisprudence, l’avocat d’office dispose d’une créance de droit public contre l’Etat pour ses frais. Cette créance n’englobe pas toutes les opérations de l’avocat, mais seulement celles nécessaires pour la défense des intérêts du prévenu. Ce principe détermine l’ampleur qualitative et quantitative du travail du défenseur qui doit être en lien de causalité avec la défense des intérêts du mandant dans la procédure pénale et rester dans un rapport de proportionnalité. Pour fixer l’indemnité, l’autorité doit se baser sur le temps d’un avocat expérimenté possédant des connaissances approfondies en droit pénal et en procédure pénale et qui peut ainsi orienter son travail de manière efficiente.… Lire la suite

La langue de la procédure en matière pénale

ATF 143 IV 117 | TF, 13.02.2017, 6B_367/2016*

Faits

Le Ministère public notifie une ordonnance pénale à une prévenue de langue maternelle anglaise. Assistée de son avocat, elle s’y oppose. À la demande de la prévenue elle-même –  qui n’est alors plus assistée de son avocat – le Ministère public ajourne à deux reprises l’audience de comparution organisée pour statuer sur l’opposition.

Dûment convoquée à une nouvelle audience, la prévenue ne se présente pas. Par ordonnance sur opposition, le Ministère public constate le défaut de la prévenue. Il relève ainsi que son opposition à l’ordonnance pénale est réputée retirée (art. 355 al. 2 CPP).

Par courrier rédigé en anglais, la prévenue conteste cette décision auprès l’autorité de recours. Par courrier rédigé en français, celle-ci lui impartit un délai pour procéder en français. La prévenue ne donnant pas suite à ce dernier courrier dans le délai imparti, l’autorité de recours n’entre pas en matière sur le recours.

La prévenue recourt au Tribunal fédéral, lequel doit déterminer si l’autorité de recours aurait dû inviter la prévenue à redéposer ses écritures par un courrier en anglais et non en français.

Droit

Le Tribunal fédéral se réfère à l’art. 68 CPP aux termes duquel le contenu essentiel des actes de procédure les plus importants doit être porté à la connaissance du prévenu oralement ou par écrit dans une langue qu’il comprend, même si celui-ci est assisté d’un défenseur (al.… Lire la suite