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L’approbation d’une découverte fortuite issue de la surveillance étrangère d’une plateforme de communication

TF, 11.01.2024, 7B_159/2022*

Les résultats d’une surveillance mise en œuvre à l’étranger dans une procédure pénale suisse pour des infractions faisant l’objet de cette procédure pénale ne constituent pas une « découverte fortuite » et ne nécessitent pas une autorisation du tribunal des mesures de contrainte.

Faits

Le Ministère public du Canton d’Argovie (Ministère public) mène une enquête pénale contre un prévenu soupçonné d’infraction qualifiée à la LStup et de blanchiment d’argent. Le Ministère public demande aux Etats-Unis, au titre de l’entraide judiciaire, la transmission de moyens de preuve, à savoir le contenu des messages vers et depuis un appareil cryptographique ANOM. Cette dernière est une application de messagerie pour smartphones développée par plusieurs gouvernements prétendument sécurisée, dont le but était en réalité d’intercepter les messages envoyés via cette application et de pouvoir infiltrer les milieux criminels. Il s’agissait ainsi d’une opération d’infiltration, similaire à un « Cheval de Troie ».

Le U.S. Department of Justice transmet les fichiers souhaités.

Peu après, le Ministère public requiert, en application de l’art. 278 al. 3 CPP, du Tribunal des mesures de contrainte du Canton d’Argovie (TMC) qu’il « approuve une découverte fortuite » résultant de la surveillance de la plateforme de communication ANOM réalisée dans le cadre de l’entraide judiciaire. Lire la suite

L’interdiction de confiscation d’une quantité minime de cannabis destinée à la consommation personnelle

ATF 149 IV 307 | TF, 19.06.23, 6B_911/2021*

Des quantités minimes de cannabis (soit moins de 10 g) destinées à la consommation personnelle, dont la possession n’est pas punissable selon l’art. 19b LStup, ne peuvent pas être confisquées.

Faits 

Un individu est contrôlé par un garde-frontière à la gare de St. Margrethen en mars 2019. Il porte sur lui 2.7 g de marijuana et 0.6 g de haschisch.

Le Ministère public du canton de Saint-Gall rend à son encontre une ordonnance pénale pour contravention à la LStup. Statuant sur opposition, le Tribunal d’arrondissement de Rheintal acquitte le recourant de ce chef de prévention. Néanmoins, il ordonne la confiscation et la destruction des stupéfiants saisis. Le Tribunal cantonal de Saint-Gall confirme cette décision.

L’individu recourt auprès du Tribunal fédéral, qui doit déterminer si les stupéfiants de type cannabique (avec une teneur en THC d’au moins 1 %), dont la possession n’est pas punissable en raison de la faible quantité destinée à la consommation personnelle (art. 19b al. 1 LStup) peuvent être confisqués

Droit 

L’art. 19b LStup prévoit que celui qui se borne à préparer des stupéfiants en quantités minimes, pour sa propre consommation ou pour permettre à des tiers de plus de 18 ans d’en consommer simultanément en commun après leur en avoir fourni gratuitement, n’est pas punissable (al.Lire la suite

Le montant de l’amende additionnelle (ou peine immédiate) de l’art. 42 al. 4 CP

ATF 149 IV 321 | TF, 12.07.2023, 6B_337/2022*

L’amende additionnelle (ou peine immédiate) au sens de l’art. 42 al. 4 CP peut s’élever au maximum à 20 % de la sanction adaptée à la faute dans son ensemble, composée d’une peine principale prononcée avec sursis et d’une amende additionnelle.

Faits

Le Bezirksgericht lucernois reconnaît un homme coupable de plusieurs infractions en lien avec la consommation de stupéfiants. Il le condamne à une peine pécuniaire de 25 jours-amende à CHF 30 avec sursis ainsi qu’à une amende additionnelle de CHF 900. Sur appel du condamné, le Kantonsgericht réduit la peine pécuniaire à 19 jours-amende à 30 francs avec sursis, et le condamne à une amende de CHF 280, dont CHF 100 pour l’une des infractions à la LStup, non contestée.

Le Ministère public lucernois exerce un recours en matière pénale auprès du Tribunal fédéral. Ce dernier est amené à préciser sa jurisprudence concernant l’amende additionnelle (art. 42 al. 4 CP), aussi appelée peine immédiate, prononcée en sus d’une peine avec sursis.

Droit

Aux termes de l’art. 42 al. 4 CP, le ou la juge peut prononcer, en plus d’une peine avec sursis, une amende conformément à l’art.Lire la suite

Assistance au suicide : la LPTh était-elle applicable ?

TF, 09.12.2021, 6B_646/2020

Lorsqu’un médecin prescrit une substance comme le pentobarbital, soumis à contrôle selon la législation en matière de stupéfiants, en vue du suicide assisté d’une personne ne souffrant d’aucune pathologie, son comportement ne relève pas de la LPTh, mais éventuellement de la LStup. En pareilles circonstances, cette loi prime la LPTh, en tant que lex specialis, en tout cas dans l’optique d’une application des dispositions pénales contenues dans ces lois (art. 1b LStup).

Faits

En 2017, une dame âgée se trouvant en bonne santé et ne souffrant d’aucune maladie met fin à ses jours en même temps que son mari, auquel elle ne souhaitait pas survivre, avec l’aide d’une association. Pour ce faire, elle ingère du pentobarbital de sodium (ci-après : pentobarbital) prescrit par un médecin retraité exerçant au sein de l’association.

Par jugement du 17 octobre 2019, le Tribunal de police de la République et canton de Genève condamne ce médecin pour infraction à l’art. 86 al. 1 let. a LPTh-2014 (dans sa version en vigueur jusqu’au 31 décembre 2017). La Cour de justice genevoise confirme ce jugement.

Le prévenu interjette alors un recours au Tribunal fédéral. Celui-ci doit déterminer si la remise de pentobarbital à une personne qui ne souffre d‘aucune pathologie physique ou psychique en vue de son suicide (suicide-bilan ou Bilanzsuizid) relève d’un comportement pénalement réprimé par la LPTh.… Lire la suite

Le préjudice irréparable issu de recherches secrètes illicites

ATF 148 IV 82 | TF, 19.10.2021, 1B_404/2021*

Un préjudice irréparable, condition pour recourir au Tribunal fédéral contre une décision incidente (art. 93 al. 1 let. a LTF), est notamment reconnu lorsque la loi prévoit expressément la restitution ou la destruction immédiate des moyens de preuves illicites. Tel n’est pas le cas en matière de recherches secrètes illicites. 

Faits

De source confidentielle, la Police de sûreté du canton de Vaud apprend qu’un individu utilisant un certain numéro de téléphone vend probablement de la cocaïne. Elle entreprend des investigations et des surveillances qui lui permettent d’identifier l’individu.

Un policier téléphone à l’utilisateur du numéro de téléphone et simule une transaction en lui donnant rendez-vous. L’individu qui se présente et qui lui vend un « parachute » de cocaïne s’avère être la personne soupçonnée.

Informé par la police, le Ministère public cantonal ordonne la perquisition du domicile de l’individu ainsi que son audition. Lors de celle-ci, l’individu admet qu’il consomme et vend de la cocaïne.

Le Ministère public ouvre alors une instruction pénale contre l’individu pour délit contre la LStup et séjour illégal. Il requiert également sa mise en détention provisoire auprès du Tribunal des mesures de contrainte (Tmc). Celui-ci l’accorde pour une durée maximale de trois mois.… Lire la suite