Assistance administrative internationale et prescription selon le droit de l’Etat requérant

Télécharger en PDF

TF, 18.03.2022, 2C_662/2021, 2C_663/2021

La transmission d’informations est admissible tant qu’il n’apparaît pas clairement, au moment où la demande d’assistance administrative est formulée, que la prescription étrangère est déjà acquise pour la période visée par la demande. Le fait que la prescription intervienne en cours de procédure ne change rien à la pertinence vraisemblable des informations.  

Faits

En août et en octobre 2019, la Swedish Tax Agency sollicite l’assistance administrative en matière fiscale auprès de l’Administration fédérale des contributions (AFC). Le contrôle fiscal porte sur les périodes fiscales 2013 à 2017. Pour souligner l’urgence de sa demande, l’autorité suédoise y précise que la période fiscale 2013 est prescrite dès le 31 décembre 2019.

En février 2020, l’AFC accorde l’assistance administrative pour les périodes fiscales 2013 à 2017. Le contribuable recourt au Tribunal administratif fédéral (TAF). Le TAF tranche en août 2021 et admet partiellement le recours. Il exclut la transmission d’informations concernant les périodes fiscales 2013 et 2014, ces périodes étant prescrites selon le droit suédois. Pour la période fiscale 2013, le TAF s’appuie sur les indications de la demande suédoise. Pour la période fiscale 2014, le TAF déduit de la demande suédoise que cette période est également prescrite au moment où son arrêt est rendu.

L’AFC forme un recours en matière de droit public au Tribunal fédéral. Celui-ci doit se prononcer sur la transmission de renseignements concernant des périodes fiscales prescrites selon le droit de l’Etat requérant au regard du principe de la pertinence vraisemblable.

Droit

En assistance administrative internationale en matière fiscale, le recours au Tribunal fédéral doit concerner une question juridique de principe ou un cas particulièrement important au sens de l’art. 84 al. 2 LTF (art. 83 let. h et 84a LTF). En l’occurrence, on peut se demander dans quelle mesure la transmission d’informations au sujet de périodes fiscales prescrites selon le droit de l’Etat requérant est admissible. Il s’agit également de déterminer si l’acquisition de la prescription fait disparaître la condition de la pertinence vraisemblable en cours de procédure (cf. ATF 144 II 206, c. 4.3, LawInside.ch/607/). Ces questions liées à la prescription sont importantes pour la pratique de sorte qu’il se justifie d’entrer en matière selon l’art. 84a LTF.

L’échange porte sur les renseignements vraisemblablement pertinents pour appliquer les dispositions de la Convention ou la législation interne relative aux impôts des Etats contractants (art. 27 CDI CH-SE). Le Tribunal fédéral rappelle alors sa jurisprudence relative à la condition de la pertinence vraisemblable. Cette condition s’analyse au regard de la demande d’assistance. Elle est réalisée si, au moment où la demande est formulée, il existe une possibilité raisonnable que les renseignements demandés se révéleront pertinents. Il n’est pas important que les informations s’avèrent inutiles une fois transmises. L’Etat requis n’a pas à vérifier ni à se déterminer en lien avec l’application du droit interne de l’Etat requérant, en particulier des obstacles procéduraux ou des exceptions. Il doit se limiter à un contrôle de la plausibilité  : il suffit que les informations soient liées aux faits présentés dans la demande et qu’elles soient potentiellement propres à être utilisées dans la procédure fiscale étrangère.

Ces principes s’appliquent également à la question de la prescription selon le droit fiscal étranger. La Suisse, en tant qu’Etat requis, ne peut pas procéder à des clarifications en lien avec la prescription au risque de s’ingérer dans la procédure fiscale étrangère, ce qui est incompatible avec les buts de l’assistance. En définitive, la transmission d’informations est admissible tant qu’il n’apparaît pas clairement, au moment où la demande est formulée, que la prescription étrangère est déjà acquise pour la période demandée. Le fait que l’autorité requérante signale d’elle-même l’éventuelle survenance future de la prescription à l’autorité requise ne change rien à la pertinence de la transmission des informations, et ce même si la prescription est intervenue en cours de procédure.

En l’espèce, au moment où la Suède a formulé sa demande d’assistance administrative en août et en octobre 2019, l’ensemble des informations sollicitées pouvaient se révéler pertinentes en lien avec le but fiscal poursuivi. Par conséquent, c’est à tort que le TAF a exclu la transmission d’informations pour les périodes fiscales 2013 et 2014.

Partant, le recours est admis.

Proposition de citation : Tobias Sievert, Assistance administrative internationale et prescription selon le droit de l’Etat requérant, in : https://www.lawinside.ch/1170/