Conformité de la durée d’une pause de midi au droit à un enseignement de base suffisant et gratuit (art. 19 Cst. et art. 62 al. 2 Cst.)

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TF, 01.06.2023, 2C_780/2022

Selon les circonstances, pour un enfant une pause de midi de moins de 40 minutes à la maison ne viole pas le droit à un enseignement de base suffisant et gratuit (art. 19 Cst. et art. 62 al. 2 Cst.). Le nombre d’après-midi de cours doit également être pris en compte. De plus, il est raisonnablement exigible d’un enfant de plus de 8 ans qu’il prenne une trottinette pour effectuer le trajet afin d’en réduire la durée.

Faits

Les parents de trois enfants (né.e.s en 2012, 2014, et 2016) adressent une demande au Conseil communal de U. pour la mise en place par les autorités d’un transport scolaire par bus adapté à l’horaire pour la pause de midi. Subsidiairement, ils requièrent qu’un repas de midi soit servi gratuitement (au maximum CHF 5.00 par enfant) sur le site scolaire. Selon eux, la pause de midi doit durer au moins 40 minutes. Une courte pause violerait le droit à un enseignement de base suffisant et gratuit (art. 19 Cst.). En l’espèce, les enfants ont respectivement 35 minutes, 37 minutes et 30 minutes de pause à la maison.

Le Conseil communal, puis le Conseil d’État, rejettent la demande. Les parents recourent auprès de la Cour suprême de Schaffhouse qui rejette également le recours.

Les parents interjettent alors un recours en matière de droit public auprès du Tribunal fédéral, qui doit déterminer si la pause de midi des enfants est conforme au droit à un enseignement de base suffisant et gratuit (art. 19 Cst. et art. 62 al. 2 Cst.).

Droit

A titre préliminaire, le Tribunal fédéral rappelle que l’art. 19 Cst., en lien avec l’art. 62 al. 2 Cst., garantit un droit à un enseignement de base suffisant et gratuit. La distance géographique entre le domicile et le lieu de scolarisation ne doit pas compromettre le but de ces articles. Il découle donc de la gratuité garantie par l’art. 19 Cst. un droit à la prise en charge des frais de transport lorsque le trajet scolaire ne peut pas être exigé de l’enfant en raison de sa longueur excessive ou de sa dangerosité. L’art. 15 al. 2 Cst./SH et à l’art. 10 de la loi scolaire du canton de Schaffhouse du 27 avril 1981 (SchulG) garantissent également ce droit fondamental.

Premièrement, le Tribunal fédéral constate que l’autorité précédente a effectué un calcul abstrait de la durée effective de la pause en déduisant du temps de récupération la durée du trajet en bus. Ce mode de procéder est conforme à la jurisprudence. En effet, le trajet en bus exige en l’espèce une concentration accrue de la part des enfants. Par ailleurs, il n’est pas non plus arbitraire que la Cour suprême n’ait pas calculé la durée concrète du trajet en prenant en considération d’autres moyens de transport que les enfants pourraient employer, comme des trottinettes. Il est admissible de s’en tenir à un calcul abstrait. En revanche, la possibilité d’utiliser de tels moyens doit être prise en compte lors de l’examen de l’exigibilité globale de la durée de la pause. Il en va de même du nombre de jours où il y a effectivement des cours l’après-midi.

Deuxièmement, le Tribunal fédéral relève qu’il a déjà retenu qu’une pause de midi de 40 minutes est admissible pour un enfant de 7,5 ans, en précisant qu’il s’agissait de la limite supérieure de ce qui est exigible. Il ajoute que l’habillage ou les passages aux toilettes font notamment partie de la pause de midi et ne peuvent être déduits de celle-ci. Le Tribunal fédéral précise cependant que la durée de 40 minutes ne doit pas être considérée comme une limite abstraite absolue. Il convient d’examiner dans le cas d’espèce si les enfants disposent d’un temps de récupération suffisant.

En l’espèce, le Tribunal fédéral relève que l’enfant de 9,5 ans dispose d’une pause à la maison de seulement 37 minutes. Néanmoins, il ne se rend pas tous les après-midis à l’école. De plus, le Tribunal fédéral estime qu’il est raisonnable d’exiger de lui qu’il utilise une trottinette ou un moyen similaire pour se déplacer. Cela permettrait de réduire le temps de trajet et de rallonger sa pause de midi. Partant, le Tribunal fédéral conclut qu’une pause de 37 minutes est admissible en l’espèce. Mutatis mutandis, le Tribunal effectue le même raisonnement pour l’enfant de 8,5 ans qui bénéficie d’une pause à la maison de 35 minutes.

S’agissant de l’enfant de 6 ans, elle ne dispose que de 30 minutes de pause à la maison. Le Tribunal fédéral constate qu’un temps de repos si court n’est pas idéal. Néanmoins, il relève qu’elle ne retourne à l’école qu’un après-midi par semaine. Partant, le Tribunal fédéral estime cette durée acceptable dans le cas d’espèce.

Au vu de ce qui précède, le Tribunal fédéral déclare les pauses de midi des enfants conformes au droit à un enseignement de base suffisant et gratuit. Partant, il rejette le recours des parents.

 

Proposition de citation : Margaux Collaud, Conformité de la durée d’une pause de midi au droit à un enseignement de base suffisant et gratuit (art. 19 Cst. et art. 62 al. 2 Cst.), in : https://www.lawinside.ch/1340/