Réduction d’un loyer indexé sur la base d’une variation du taux hypothécaire à la fin de la période d’indexation (art. 296d et art. 270a CO)

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TF, 24.10.2023, 4A_252/2023*

Les parties à un bail indexé peuvent demander une modification de loyer pour la fin de la durée de l’indexation en respectant le délai de résiliation. A défaut, elles sont supposées considérer le loyer comme approprié. L’examen d’une demande ultérieure de modification du loyer se fera sur la base du taux hypothécaire de référence en vigueur au moment où les parties auraient pu résilier le contrat pour l’expiration de la durée de l’indexation en respectant le délai de résiliation.

Faits

Les parties concluent un contrat de bail pour un loyer mensuel net de CHF 3’500 avec prise d’effet du bail au 1er avril 2015. Elles assortissent le contrat d’une clause d’indexation d’une durée minimale de location de cinq ans, soit jusqu’au 31 mars 2020. Au moment de la conclusion du contrat de bail, le taux hypothécaire de référence est de 2 %.

En date du 13 septembre 2019, les parties signent un avenant au contrat prévoyant que le contrat peut être résilié en respectant le délai de 3 mois pour la fin de chaque mois, mais au plus tôt après l’expiration de la durée minimale de location de cinq ans.

Le 3 mars 2020, le taux hypothécaire de référence est fixé à 1.25 %. Le 4 mars 2020, les locataires demandent une réduction de loyer pour le prochain terme de résiliation en raison de la baisse du taux hypothécaire. A défaut de réponse, ils saisissent l’autorité de conciliation et requièrent que le loyer soit fixé à CHF 3’125.- à partir du 1er juillet 2020. Les parties ne trouvent pas d’accord et la bailleresse rejette la proposition de jugement soumise par l’autorité de conciliation.

Suite à l’audience de conciliation, la bailleresse réduit le loyer net à CHF 3’393.- dès le 1er juillet 2020. Parallèlement, elle demande au Tribunal d’arrondissement civil de Bâle-Campagne Ouest de rejeter la demande de réduction de loyer des locataires. Le Tribunal d’arrondissement retient que le loyer net est réduit à CHF 3’393 avec effet au 1er juillet 2020 et rejette la demande de réduction des locataires.

Sur appel des locataires, le Tribunal cantonal de Bâle-Campagne réduit le loyer à CHF 3’125.-.

La bailleresse interjette alors un recours en matière civile au Tribunal fédéral qui doit déterminer le montant de la réduction du loyer.

Droit

La bailleresse soutient que la demande de réduction de loyer a été formulée tardivement. Elle aurait dû intervenir dans le délai de résiliation, soit trois mois avant le 31 mars 2020. A défaut, les locataires ont considéré le loyer comme approprié. Selon elle, pour une demande ultérieure de modification, la base déterminante pour calculer le loyer est le taux hypothécaire de référence en vigueur au moment où les locataires auraient pu résilier le bail à l’expiration de la durée de l’indexation. La bailleresse estime dès lors que le taux hypothécaire de référence servant de comparaison est celui de décembre 2019, soit 1.5 %. Une variation du taux hypothécaire de 1.5 % à 1.25 % donne donc uniquement droit de réduire le loyer à CHF 3’393.

Les locataires considèrent pour leur part que la comparaison doit se fonder sur le taux hypothécaire de référence en vigueur au moment de la conclusion du bail le 6 février 2015, soit 2 %.

La question se pose donc de savoir quel point de référence temporel permet de déterminer l’adaptation du loyer à la variation du taux hypothécaire pour la période suivant l’expiration de la durée d’indexation.

A titre liminaire, le Tribunal fédéral rappelle qu’un bail peut être indexé selon l’art. 269b CO et l’art. 17 OBLF. Le loyer dépend alors de la seule évolution de l’indice des prix à la consommation. Les variations du taux hypothécaire n’entraînent pas d’adaptation du loyer.

Le Tribunal fédéral constate que, à la fin du délai de cinq ans, le bail se poursuit tacitement ou expressément en tant que bail à durée indéterminée. Il est possible de demander une modification du loyer à l’expiration de la période d’indexation en respectant le délai de résiliation (augmentation du loyer par le bailleur : art. 269d CO  ; demande de réduction par les locataires : art. 270a CO). La méthode relative est applicable soit notamment la prise en compte de la variation du taux hypothécaire de référence sur l’entier de la période d’indexation.

Le Tribunal fédéral relève que lorsqu’une des parties omet de demander une modification, elle donne l’impression à l’autre partie qu’elle considère le loyer comme approprié. En conséquence, les demandes de modifications ultérieures du loyer, soit qui n’ont pas été demandées à l’expiration de la période d’indexation, seront calculées sur la base du taux hypothécaire de référence à la date où les parties auraient pu résilier le bail en respectant le délai de résiliation pour l’expiration de la durée de l’indexation.

Dans son argumentaire, le Tribunal cantonal invoque l’art. 13 al. 4 OBLF qui prévoit que lors d’une modification du loyer faisant suite à une variation du taux hypothécaire, il y a lieu de voir en outre si et dans quelle mesure les variations antérieures ont entraîné une modification du loyer. La jurisprudence en déduit que les variations du taux hypothécaire peuvent être invoquées depuis le moment où le loyer a été adapté pour la dernière fois en tenant compte du taux hypothécaire de référence.

Aux yeux du Tribunal fédéral, cette disposition ne change toutefois rien à la présomption d’acceptation du loyer par les locataires à l’expiration de la durée de l’indexation. L’absence de demande de modification respectant le délai de résiliation a un effet sur la confiance.

Le Tribunal fédéral conclut que c’est à juste titre que la bailleresse se base sur le taux hypothécaire de 1.5 % pour calculer la réduction de loyer puisqu’il s’agit du taux en vigueur au moment où les parties auraient pu résilier le contrat, soit en décembre 2019. En effet, les parties n’ont pas demandé de modification de loyer pour la fin de la durée de l’indexation. Partant, le Tribunal cantonal a violé le droit fédéral en prenant le taux de 2 % comme le taux hypothécaire de référence pour calculer la réduction de loyer.

Au vu de ce qui précède, le Tribunal fédéral admet le recours de la bailleresse.

 

Proposition de citation : Margaux Collaud, Réduction d’un loyer indexé sur la base d’une variation du taux hypothécaire à la fin de la période d’indexation (art. 296d et art. 270a CO), in : https://www.lawinside.ch/1402/