La compétence des autorités suisses lorsque des enfants sont domiciliés à l’étranger (art. 85 LDIP)

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ATF 142 III 56 | TF, 20.01.2016, 5A_331/2015*

Faits

Une mère divorcée élit domicile en Tunisie avec ses deux enfants. Le père dépose une demande en modification du jugement de divorce afin que l’autorité parentale exclusive lui soit attribuée. Il obtient gain de cause devant le Tribunal fédéral. La mère reste en Tunisie avec les deux enfants et se fait condamner pour enlèvement d’enfants. Quelques années après, elle met au monde deux autres enfants et demande une nouvelle modification du jugement de divorce afin d’obtenir l’autorité parentale exclusive des deux premiers enfants. Le tribunal de première instance puis le Tribunal cantonal font droit à sa demande. Le père saisit alors le Tribunal fédéral qui doit examiner la compétence des autorités suisses pour une modification du jugement de divorce.

Droit

Le Tribunal fédéral examine d’office sa compétence en matière d’affaires non patrimoniales relatives à une action en modification du jugement de divorce. La Tunisie n’a ni ratifié la Convention de la Haye de 1996 en matière de responsabilité parentale et de mesures de protection des enfants (CLaH96), ni la Convention de la Haye de 1961 (CLaH61). Partant, la LDIP est applicable.

L’art. 85 al. 1 LDIP renvoie à la CLaH96 en ce qui concerne la protection des mineurs. Il s’ensuit que la CLaH96 s’applique en tant que droit national, même si la Tunisie ne l’a pas ratifiée. Le Tribunal fédéral relève qu’aucune disposition de la CLaH96 ne permet de retenir une compétence des tribunaux suisses dans le cas d’espèce. Il précise de surcroît que l’art. 5 ch. 2 CLaH96 en lien avec l’art. 7 CLaH96 pourrait fonder la compétence des autorités suisses, mais que l’art. 5 ch. 2 CLaH96 ne s’applique qu’entre Etats contractants. Le Tribunal fédéral rappelle également que ni la CLaH96 ni la LDIP n’autorisent une élection de for concernant les questions de la garde de l’enfant. Partant, le fait qu’aucun des parents n’ait soulevé l’incompétence du juge suisse ne permet pas de déduire sa compétence.

L’art. 85 al. 3 LDIP dispose que les autorités suisses sont en outre compétentes lorsque la protection d’une personne ou de ses biens l’exige. Il s’agit d’une compétence subsidiaire, comparable au for de nécessité, qui permet aux autorités suisses de prendre des mesures lorsqu’un Etat étranger néglige de le faire. Cet article trouve notamment application lorsque la modification d’un jugement de divorce prononcé en Suisse ne pourrait pas être obtenue à l’étranger. En l’espèce, les enfants sont de nationalité suisse et le jugement de divorce a été prononcé en Suisse. Cependant, l’autorité précédente n’a pas examiné le besoin de protection des enfants en Tunisie. Par conséquent, l’affaire est renvoyée à la cour cantonale pour qu’elle analyse ce point afin de déterminer la compétence des tribunaux suisses.

Concernant le droit applicable, le Tribunal fédéral relève à nouveau que la CLaH96 s’applique avec effet erga omnes, peu importe si l’Etat de résidence de l’enfant a ratifié ou non cette convention. Selon l’art. 15 ch. 1 CLaH96, l’autorité saisie applique son propre droit. Partant, si les autorités suisses sont compétentes, elles devront appliquer leur propre droit.

Au regard de ce qui précède, le recours est admis et la cause renvoyée à l’instance précédente.

Proposition de citation : Julien Francey, La compétence des autorités suisses lorsque des enfants sont domiciliés à l’étranger (art. 85 LDIP), in : https://www.lawinside.ch/196/