La garantie de la disponibilité des terrains en zone à bâtir à Fribourg (art. 15a al. 2 LAT)

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ATF 143 II 476 – TF, 05.07.2017, 1C_222/2016*

Faits

Le 15 mars 2016, le Grand Conseil du canton de Fribourg a adopté une loi modifiant la loi cantonale sur l’aménagement du territoire et les constructions (LATeC/FR). Cette révision est destinée à mettre en œuvre la révision de la LAT du 15 juin 2012. Elle prévoit notamment ce qui suit à son nouvel art. 46 :

« a) Principes et droit d’emption légal

[…]

2 Si les terrains affectés à des zones d’activités d’importance cantonale reconnues par le plan directeur cantonal ne sont pas construits et utilisés conformément à leur affectation dans les dix ans suivant la date d’entrée en force de la décision d’approbation, l’Etat dispose d’un droit d’emption légal à la valeur vénale sur toute la surface concernée ou une partie de celle-ci […].

3 Si les terrains ne sont pas construits à l’échéance du délai de quinze ans dès l’entrée en vigueur de la décision d’approbation de leur classement, la commune réexamine l’opportunité de leur maintien en zone. »

Des citoyens du canton ainsi que la commune de Villars-sur-Glâne forment en temps utile un recours en matière de droit public contre cette révision et demandent son annulation. Le Tribunal fédéral doit déterminer si la révision de la loi cantonale satisfait aux exigences des art. 15 al. 4 let. b et 15a al. 2 LAT en matière de garantie de la disponibilité des terrains à bâtir.

Droit

Le Tribunal fédéral relève que l’art. 15a al. 2 LAT attribue aux cantons un mandat législatif, qui vise en définitive à garantir que les zones à bâtir soient utilisées conformément à leur affectation (cf. art. 15a al. 1 LAT). Il convient dès lors de déterminer l’étendue des exigences impératives du droit fédéral et d’examiner si le législateur cantonal s’y est conformé. Vu le lien étroit de l’art 15a LAT avec les autres dispositions qui ont fait l’objet de la révision de la LAT, le Tribunal fédéral estime que le délai laissé aux cantons pour s’adapter est également de cinq ans (art. 38a al. 1 et 4 LAT), malgré l’absence de disposition transitoire expresse à ce sujet. Faute de mesures suffisantes à l’échéance de ce délai, le plan directeur pourrait donc faire l’objet de réserves sur ce point, ce qui provoquerait un moratoire sur la création de nouvelles zones à bâtir (art. 38a al. 3 LAT).

En ce qui concerne l’étendue des exigences du droit fédéral, le Tribunal fédéral constate que le mandat de l’art. 15a al. 2 LAT est impératif et oblige premièrement les cantons à adopter une base légale permettant à l’autorité compétente de fixer un délai dans lequel la construction du terrain doit avoir lieu. Il rappelle que l’obligation de construire doit rester compatible avec la garantie de propriété, en particulier reposer sur un intérêt public suffisant, par exemple le besoin de combler une offre insuffisante de terrains à bâtir. En outre, le droit cantonal doit fixer le délai en tenant compte des circonstances, en principe dans une fourchette de cinq à quinze ans. Deuxièmement, l’art. 15a al. 2 LAT impose aux cantons de fixer les sanctions en cas de non-respect de l’obligation de construire dans le délai. Les cantons ont cependant le choix des sanctions dans la mesure où elles apparaissent appropriées (p. ex. droit d’emption, expropriation, mesures fiscales, déclassement). Il en résulte que l’autorité compétente doit disposer d’un large pouvoir d’appréciation puisqu’il lui appartient d’évaluer si l’intérêt public en jeu est suffisant, de fixer le délai de construction et, le cas échéant, la sanction prévue. Le Tribunal fédéral précise ensuite que le mandat découlant de l’art. 15a al. 2 LAT s’applique à l’ensemble de la zone à bâtir. Enfin, il considère que les cantons sont libres de désigner quelle autorité est compétente au sein du canton pour prendre ces décisions. Même si ce choix est opportun, rien n’oblige les cantons à investir l’autorité de planification de cette tâche.

En l’espèce, l’art. 46 al. 2 LATeC/FR est conforme aux exigences de la LAT dans la mesure où il prévoit une sanction appropriée en cas de non-construction du terrain et que le droit fédéral n’exclut pas que l’Etat soit investi de la tâche de sanctionner. En revanche, la loi cantonale ne confère pas à l’autorité compétente le pouvoir d’exiger préalablement, par voie décisionnelle, qu’une construction soit réalisée dans un délai déterminé. La disposition est donc lacunaire sur ce point. En outre, elle limite la sanction aux nouvelles zones d’activités d’importance cantonale, alors que le droit fédéral exige que les cantons prévoient de sanctionner la non-construction dans l’ensemble de la zone à bâtir, peu importe le type de zone et qu’il s’agisse d’une ancienne ou d’une nouvelle zone. En conséquence, le droit cantonal est insuffisant sur ces deux points : il ne permet pas à l’autorité de fixer un délai de construction, ni d’intervenir sur l’ensemble de la zone à bâtir. Le parlement cantonal doit donc légiférer afin de combler ces deux lacunes. Pour le reste, le choix des sanctions lui appartient, pour autant que celles-ci apparaissent suffisamment efficaces pour garantir une construction à l’échéance du délai.

En conclusion, le Tribunal fédéral constate que l’annulation de l’art. 46 al. 2 LATeC/FR aurait pour conséquence de priver l’Etat d’un moyen qui, bien qu’insuffisant, lui permettrait néanmoins d’exercer un droit d’emption dans certaines situations. La disposition doit donc être maintenue, en attendant que le législateur légifère pour mettre en œuvre l’art. 15a al. 2 LAT. Le Tribunal fédéral admet dès lors le recours en constatant que l’art. 46 LATeC/FR ne satisfait pas aux exigences de l’art. 15a LAT et le rejette pour le surplus.

Proposition de citation : Camilla Jacquemoud, La garantie de la disponibilité des terrains en zone à bâtir à Fribourg (art. 15a al. 2 LAT), in : https://www.lawinside.ch/484/