L’expertise privée : encore une simple allégation

TF, 07.12.2020, 4A_247/2020

Un tribunal ne peut pas procéder à une appréciation anticipée des moyens de preuve lorsque ces « preuves » sont des expertises privées. En effet, celles-ci constituent de simples allégations de partie, et non des moyens de preuve.

Faits

Un employé tombe en incapacité de travail à cause d’une maladie. Après avoir payé durant quelques semaines des indemnités journalières à l’employé, l’assurance privée arrête ses prestations et demande leur remboursement en se fondant sur une expertise d’un médecin.

L’employé saisit le Sozialversicherungsgericht du canton de Zurich d’une requête de preuve à futur afin qu’il soit ordonné une expertise judiciaire sur sa capacité de travail. L’assurance accepte la demande de l’employé. Néanmoins, le Tribunal la rejette. Il considère en effet que l’expertise pourra être obtenue ultérieurement et que la preuve n’est donc pas « mise en danger » au sens de l’art. 158 CPC.

L’employé dépose alors une action au fond auprès du même Tribunal. L’assurance dépose une demande reconventionnelle, en se fondant à nouveau sur l’expertise médicale. Le Sozialversicherungsgericht considère que l’expertise de l’assurance n’est pas suffisante pour renverser la preuve apportée par les certificats médicaux de l’employé. Partant, l’incapacité de travail de l’employé doit être confirmée. Le Tribunal admet ainsi la demande de l’employé.… Lire la suite

La capacité d’ester en justice d’une fondation dans le cadre du dieselgate

TF, 16.07.2020, 4A_43/2020

Contrairement aux organes d’une société, les organes d’une fondation ont uniquement pour fonction d’exécuter la volonté des fondateurs. Celle-ci doit être interprétée de manière restrictive afin de garantir que les organes utilisent les biens à disposition dans l’intérêt de la fondation. Partant, si une action en justice n’est pas couverte par le but de la fondation, cette dernière ne possède pas la capacité d’ester en justice en lien avec l’action en question.

Faits

Stiftung Konsumentenschutz est une fondation avec siège à Berne. Selon l’art. 3 de son acte de fondation, elle a pour but de sauvegarder les intérêts des consommateurs.

En 2015, le scandale Volkswagen, également médiatisé sous le nom de Dieselgate ou Manipulationsskandal, révèle que le logiciel de certains véhicules VW à moteur diesel est conçu de manière à activer un mode réduisant les émissions polluantes lors de tests. Ce mode de recirculation des gaz d’échappement reste cependant éteint lors de l’utilisation quotidienne du véhicule, ce qui augmente les émissions polluantes. Suite à la divulgation du scandale, le logiciel est mis à jour afin de garantir que le mode de recirculation des gaz d’échappement reste toujours enclenché lorsque la voiture est en fonction.

En 2017, la fondation intente une action en dommages-intérêts à l’encontre de VW et AMAG (importateur général de VW en Suisse) devant le Tribunal de commerce du canton de Zurich.… Lire la suite

L’effet de l’interpellation du tribunal sur la recevabilité d’une demande reconventionnelle

ATF 146 III 413 | TF, 17.08.2020, 4A_207/2019*

Lorsque le tribunal fixe à la défenderesse un délai (art. 56 CPC) pour clarifier ou compléter sa réponse, le temps limite pour exercer l’action reconventionnelle ne s’en trouve pas reporté.

Faits

Une demanderesse dépose une action en paiement devant le Tribunal de première instance de Genève. La défenderesse dépose un mémoire de réponse dans lequel elle se limite à admettre ou contester les allégués de la demanderesse, tout en concluant à son déboutement.

Quelques mois plus tard, après avoir changé de conseil, la défenderesse sollicite l’octroi d’un délai pour répondre à la demande et produire des pièces. Par ordonnance du 11 septembre 2018, le tribunal – constatant qu’aucun allégué n’avait été formulé dans la réponse et se référant à l’art. 56 CPC – fixe à la défenderesse un délai au 1er octobre 2018 pour compléter son mémoire, en alléguant des faits et en produisant des moyens de preuve. À l’intérieur de ce délai, la défenderesse dépose une écriture de réponse “annulant et remplaçant” la précédente. Elle y forme notamment une demande reconventionnelle.

Par ordonnance, le Tribunal de première instance rejette les conclusions reconventionnelles de la défenderesse, au motif qu’elles sont formulées tardivement.… Lire la suite

L’entrée en force d’un jugement cantonal attaqué devant le Tribunal fédéral

ATF 146 III 284 | TF, 03.06.2020, 5A_714/2019*

Dès lors que le recours en matière civile au Tribunal fédéral constitue un moyen de droit extraordinaire, le jugement cantonal contesté entre en force et reste exécutoire aussi longtemps que le Tribunal fédéral n’en a pas prononcé l’effet suspensif.  

Faits

Par jugement de mesures protectrices de l’union conjugale du 8 février 2013, le Zivilgericht de Bâle-Ville ordonne à un époux de verser CHF 20’000 de contribution d’entretien à son épouse. En octobre 2017, le même tribunal prononce le divorce du couple et constate que les époux ne se doivent plus aucune contribution d’entretien post-divorce, ce qui est confirmé par l’instance supérieure en juillet 2018. En septembre 2018, l’ex-épouse fait recours contre cette décision au Tribunal fédéral.

Concurremment, elle fait notifier fin août 2018 un commandement de payer à son ex-époux afin de recouvrer des contributions d’entretien non payées pour le mois d’août 2018. Le commandement de payer mentionne le jugement du mois de février 2013 comme titre de créance. L’ex-époux fait opposition. L’ex-épouse demande la mainlevée définitive de l’opposition, refusée en 2019 par le Zivilgericht mais octroyée par l’Appellationsgericht. Ce dernier considère que le jugement de juillet 2018 n’est pas entré en force, dès lors que l’ex-épouse a fait recours contre celui-ci au Tribunal fédéral.… Lire la suite

Le défaut en procédure simplifiée

ATF 146 III 297 | TF, 20.05.2020, 4A_85/2020*

En procédure simplifiée, lorsque la partie défenderesse ne se présente pas à l’audience (art. 245 al. 1 CPC), il n’y a pas lieu de convoquer les parties à une nouvelle audience par application analogique de l’art. 223 al. 1 CPC.

Faits

Un locataire ouvre une action en procédure simplifiée contre son propriétaire et lui réclame CHF 10’000. Le propriétaire ne se présentant pas à l’audience de conciliation, une autorisation de procéder est délivrée au locataire. Celui-ci dépose son écriture de demande sous la forme d’une formule mise à disposition par le Conseil fédéral (art. 400 CPC). Il y expose sommairement sa position.

Le Tribunal convoque les parties à une audience, laquelle est reportée à la demande du propriétaire. Néanmoins, le propriétaire ne se présente pas à l’audience fixée ultérieurement sans présenter d’excuses.

En application des règles sur le défaut, sur la base du dossier versé à la procédure par le locataire, le Tribunal condamne le propriétaire à lui verser l’entier du montant réclamé. Sur appel du propriétaire, qui se plaint d’une violation de son droit d’être entendu, la Cour suprême du canton de Thurgovie confirme cette décision.… Lire la suite