La possibilité pour le Royaume-Uni de renoncer de manière unilatérale au Brexit

CJUE, Wightman and Others, ECLI:EU:C:2018:999 (10.12.2018)

La Cour de Justice de l’Union européenne retient qu’un État membre de l’Union européenne peut retirer de manière unilatérale sa notification de retrait de l’Union européenne conformément à l’art. 50 TUE aussi longtemps qu’aucun accord de retrait n’est conclu entre l’Union européenne et cet État membre ou, à défaut d’accord, tant que le délai de deux ans qui suit la notification de retrait n’a pas expiré. Le Royaume-Uni peut dès lors renoncer au Brexit de manière unilatérale jusqu’à l’adoption d’un accord de retrait avec l’Union européenne ou, à défaut d’un tel accord, jusqu’au 29 mars 2019.

Faits

Le 23 juin 2016, le Royaume-Uni s’est majoritairement prononcé par référendum en faveur d’une sortie de l’Union européenne. Le 29 mars 2017, la Première ministre du Royaume-Uni a notifié au Conseil européen l’intention de quitter l’Union européenne en application de l’art. 50 TUE. Des membres du Parlement du Royaume-Uni, des membres du Parlement écossais et des membres du Parlement européen ont ouvert une procédure devant la Court of Session d’Ecosse pour demander à la Cour écossaise de se prononcer de manière déclaratoire sur la question de savoir si le Royaume-Uni pouvait unilatéralement révoquer sa notification de retrait de l’Union européenne.… Lire la suite

Le partage de la prévoyance professionnelle et les « justes motifs » au sens de l’art. 124 b CC

ATF 145 III 56 | TF, 06.11.2018, 5A_443/2018*

Le comportement des époux durant le mariage ne justifie en principe pas le refus du partage de la prévoyance professionnelle. Cependant, dans des situations particulièrement choquantes, ceci peut constituer un juste motif permettant le refus total ou partiel du partage, l’emportant ainsi sur les considérations économiques liées aux besoins de prévoyance des époux.  

Faits

Une épouse introduit une action en divorce après 45 ans de mariage, alors que les deux époux ont atteint l’âge de la retraite.

Pendant la durée du mariage, l’épouse a toujours travaillé. L’époux a en revanche gravement violé ses obligations d’entretien envers la famille, n’a pas contribué à la prise en charge des enfants ni aux tâches du ménage et a exercé un contrôle strict sur la vie de son épouse, au point de la priver de son autonomie. En outre, il a maltraité sa famille, tant physiquement que psychologiquement, et a joué une partie du salaire de son épouse à des jeux de hasard, en privant ainsi parfois sa famille de l’argent nécessaire pour subvenir à ses besoins de base.

En application du nouveau droit de la prévoyance professionnelle (art. 7d al. 2 Tit. fin.Lire la suite

Le licenciement immédiat de l’employé harceleur

TF, 10.10.2018, 4A_105/2018

Un cadre qui a adopté des gestes et propos grossiers et à connotation sexuelle peut, selon la gravité, voir son contrat de travail résilié avec effet immédiat. Le fait que l’employé-e victime ne dépose pas de plainte pénale ne permet pas de retenir un consentement tacite aux gestes et propos déplacés. De même, une ambiance “familière” ne saurait justifier un tel comportement.

Faits

Une société engage une personne en tant que cuisinier, puis comme chef du secteur hôtelier. En 2004, il est reproché à l’employé d’avoir adopté des comportements déplacés envers le personnel féminin. En 2013, une apprentie informe la direction que cet employé a des gestes et propos grossiers et à connotation sexuelle à son égard. Il lui aurait notamment demandé de se mettre à quatre pattes en l’appelant parfois “petite chérie” ou “petite cochonne”. De plus, il lui aurait donné des bisous et fait des caresses sur la joue. L’employé est dès lors licencié avec effet immédiat pour ce motif (ainsi que pour un second motif).

L’employé saisit le Tribunal des prud’hommes de l’arrondissement de la Sarine et demande des dommages-intérêts à titre de résiliation anticipée. Le Tribunal admet sa demande et condamne l’employeur à lui verser une indemnité à titre de licenciement anticipé ainsi qu’une seconde indemnité à titre de licenciement injustifié.… Lire la suite

La charge de la motivation de l’allégation et de la motivation de la contestation

ATF 144 III 519 | TF, 08.10.2018, 4A_11/2018*

Dans certaines circonstances exceptionnelles, la partie qui conteste un allégué peut être tenue de concrétiser sa contestation (charge de la motivation de la contestation), de façon que le demandeur puisse savoir quels allégués sont contestés et faire administrer la preuve dont le fardeau lui incombe. À défaut, les faits contestés sont censés admis par le défendeur.

Faits

Une entreprise intervient afin de réparer certains défauts d’une villa. L’entreprise est mandatée par une autre société qui s’était chargée des travaux de construction.

Un premier litige entre l’entreprise et les propriétaires de la villa mène à l’inscription définitive d’une hypothèque légale des artisans et entrepreneurs et au rejet de la demande en paiement formulée par l’entreprise.

Dans un second litige opposant l’entreprise à la société qui avait construit la villa, l’entreprise allègue sa facture finale pour un montant de CHF 84’507 en se référant au jugement rendu dans le premier litige (allégué 19). Dans sa réponse, la société conteste avoir agi en vertu d’un contrat d’entreprise générale et soutient qu’un mandat d’architecte a été conclu, ce qui aurait pour effet de l’exonérer de toute responsabilité en ce qui concerne les défauts de la maison.… Lire la suite

Le calcul du minimum vital du parent débiteur et le nouvel art. 276a CC

ATF 144 III 502 | TF, 02.10.2018, 5A_553/2018, 5A_554/2018*

Le nouveau droit de l’entretien de l’enfant prévoit une hiérarchie claire à l’art. 276a CC, selon laquelle l’obligation d’entretien envers l’enfant mineur prime les autres obligations d’entretien, notamment celle due au conjoint. Pour calculer le minimum vital du parent débiteur vivant avec sa nouvelle épouse, seule la moitié du montant de base mensuel doit être pris en compte afin de ne pas favoriser cette dernière par rapport aux enfants mineurs.

Faits

Un couple vivant en concubinage a deux enfants, l’un né en 2008, l’autre en 2011. Après leur séparation, les enfants restent avec la mère et reçoivent une contribution d’entretien de leur père fixée selon une convention d’entretien. Suite à l’entrée en vigueur du nouveau droit de l’entretien de l’enfant, les deux enfants, représentés par leur mère, demandent la modification de la contribution convenue en se fondant sur l’art. 13c titre final CC. Entre-temps, le père s’est marié avec une autre femme, qui ne dispose d’aucun revenu, et a un nouvel enfant, né en 2017.

Les instances cantonales décident d’augmenter le montant de la contribution due aux enfants. Le père recourt alors au Tribunal fédéral contre les décisions du Kantonsgericht de Bâle-Campagne.… Lire la suite