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Pas de violation du secret bancaire suisse à l’étranger

ATF 145 IV 144 | TF, 10.10.2018, 6B_1314/2016*

Lorsqu’une banque suisse sous-traite l’ensemble d’un secteur d’activité à une société étrangère, les données bancaires transmises à cette dernière ne sont plus protégées par le secret bancaire helvétique. Dès lors, un employé de la société étrangère qui publie des données clients ne commet pas une violation du secret bancaire lorsqu’il n’est pas employé de la banque suisse et que la société étrangère n’est pas mandataire de la banque suisse au sens de l’art. 47 LB.

Faits

En 1987, Rudolf Elmer commence à travailler pour la banque Julius Bär & Co SA à Zurich. En 1994, il est transféré aux îles Caïmans et devient Chief Operating Officer pour Julius Bar Bank & Trust Company Ltd., une filiale de Julius Bär & Co SA.

Entre 1999 et 2002, Rudolf Elmer est au bénéfice d’un Expatriate Agreement avec Julius Bär & Co SA, lequel règle en particulier des questions d’assurance. Dès 2002, ses droits et obligations sont principalement déterminés par un contrat conclu avec la filiale des îles Caïmans.

En 2011, le Ministère public du canton de Zurich ouvre une instruction pénale contre Rudolf Elmer notamment en raison de prétendues violations répétées du secret bancaire.… Lire la suite

Le versement du bonus et l’égalité de traitement

TF, 04.04.2018, 4A_641/2017

En dépit de son caractère purement discrétionnaire, une gratification peut être due à l’employé en raison du principe d’égalité de traitement.

Faits

Chef de projet au sein d’une équipe de cinq personnes, un employé perçoit un salaire annuel de CHF 195’000. Pendant trois années consécutives, son employeur lui verse également un bonus, entièrement discrétionnaire, d’un montant de CHF 19’000 en 2011, CHF 16’413 et 19’400 en 2012, et CHF 33’000 en 2013. Le contrat de travail précise que le bonus n’est octroyé que si le contrat de travail n’a pas été résilié par l’une des parties à la date à laquelle le bonus devrait être payé.

En janvier 2015, l’employé apprend que les quatre autres membres de son équipe se sont vu verser un bonus pour l’année 2014, alors que lui n’a rien reçu. Quelques semaines plus tard, l’employeur lui signifie la suppression de son poste et lui remet une lettre de licenciement indiquant que le contrat prendrait fin le 30 avril 2015. En outre, l’employeur fait savoir à l’employé qu’une indemnité de départ de CHF 33’502, correspondant à deux mois de salaire, lui serait versée si la date de la fin des rapports de travail n’était pas décalée dans le temps en raison d’une incapacité de travail et si le comportement de l’employé ne portait pas préjudice à l’employeur.… Lire la suite

Le père biologique peut-il faire constater sa paternité en présence du père juridique ?

ATF 144 III 1| TF, 18.12.2017, 5A_332/2017*

En cas d’inaction du père juridique marié à la mère de l’enfant, le père biologique ne dispose d’aucun moyen pour faire constater juridiquement son lien de filiation. Cette situation ne porte pas atteinte à sa personnalité, ni en ce qui concerne l’absence d’une action lui permettant de contester la présomption de paternité du mari (art. 256 al. 1 CC), ni en ce qui concerne le fait que celui-ci refuse de contester sa paternité. 

Faits

Une mère accouche d’un enfant. En vertu de la présomption de paternité qui vaut pendant le mariage, son époux est inscrit à l’état civil comme étant le père juridique de l’enfant. Il est toutefois incontesté que le père biologique est un tiers.

Ce tiers demande aux époux de faire reconnaître qu’il est le père biologique de l’enfant, ce qu’ils refusent. Le père biologique intente alors une action contre les conjoints tendant à faire constater que l’inaction des époux concernant la paternité de l’enfant porte atteinte à sa personnalité. Il demande en outre, d’une part, que l’époux de la mère soit condamné à contester sa paternité juridique et, d’autre part, que sa paternité soit constatée.

Les deux instances cantonales rejettent cette demande.… Lire la suite

L’interdiction de qualifier un discours politique de “racisme verbal” et la liberté d’expression (CourEDH)

CourEDH, 09.01.2018, Affaire GRA Stiftung gegen Rassismus und Antisemitismus c. Suisse, requête no 18597/13

La Suisse a violé la liberté d’expression (art. 10 CEDH) de la Fondation contre le racisme et l’antisémitisme en lui ordonnant de retirer de son site internet une publication qualifiant de “racisme verbal” les propos tenus par un président de section cantonale d’un parti politique lors d’un discours de campagne, estimant en substance qu’il était temps d’arrêter l’expansion de l’Islam, que la culture de référence suisse, basée sur le Christianisme, ne pouvait pas se permettre d’être remplacée par d’autres cultures et que, dans ce contexte, un signe symbolique comme l’interdiction des minarets représenterait une expression de la préservation de l’identité suisse.

Faits

En 2009, après une manifestation publique organisée dans le cadre de la campagne sur l’initiative contre la construction des minarets, les Jeunes UDC publient sur leur site internet un rapport indiquant notamment ce qui suit : à l’occasion de son discours, le président des Jeunes UDC de Thurgovie a souligné qu’il était temps d’arrêter l’expansion de l’Islam. Il a ajouté que la culture de référence suisse (schweizerische Leitkultur), basée sur le Christianisme, ne pouvait pas se permettre d’être remplacée par d’autres cultures.… Lire la suite

La campagne médiatique en tant qu’atteinte à la personnalité (arrêt Hirschmann 1ère partie)

ATF 143 III 297 | TF, 09.06.17, 5A_256/2016*

Faits

Carl Hirschmann est un millionnaire actif dans le milieu de la nuit. A la suite de son arrestation pour des délits sexuels, le groupe Tamedia ainsi que le 20 minuten publient pendant une année de nombreux articles sur lui. Hirschmann estime qu’il fait l’objet d’une campagne médiatique et exige le retrait de plusieurs articles illicites. En outre, il réclame la remise du gain obtenu par les entités médiatiques consécutivement à l’atteinte.

Dans un premier arrêt (TF, 09.06.15, 5A_658/2014), le Tribunal fédéral constate l’illicéité de plusieurs articles et ordonne leur suppression. Il renvoie l’affaire au Tribunal de commerce de Berne en ce qui concerne notamment l’existence d’une campagne médiatique illicite et la remise du gain. Le Tribunal de commerce nie l’existence d’une campagne médiatique et rejette l’action en remise de gain. Hirschmann saisit à nouveau le Tribunal fédéral qui doit déterminer les caractéristiques d’une campagne médiatique.

Droit

En présence d’articles publiés dans les médias, le droit à l’honneur et au respect de la vie privée sont généralement concernés. Ces droits peuvent être atteints même en cas de diffusion d’informations véridiques  ; il convient alors d’examiner l’objectivité de la présentation des informations et la présentation de faits rabaissant.… Lire la suite