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La nullité d’une décision de concession d’affichage en l’absence de procédure d’appel d’offres

ATF 148 II 564 | TF, 30.11.2022, 2C_959/2021, 2C_961/2021*

La décision d’attribuer l’exploitation d’une concession d’affichage est nulle lorsqu’elle n’est pas précédée d’une procédure d’appel d’offres. Le juge peut ordonner la tenue d’une procédure d’appel d’offres de rattrapage afin de rétablir un état conforme au droit. Selon les circonstances, la convention de concession peut être déclarée nulle « par ricochet » (pas d’application de l’art. 9 al. 3 LMI à l’attribution d’un monopole communal).

Faits

En 2004, la Commune de Lancy conclut une convention d’affichage avec une entreprise active dans ce domaine. En 2019, les parties renouvellent leur engagement contractuel en signant un nouvel accord. L’entreprise d’affichage obtient ainsi le droit exclusif de placer des affiches et autres formes de publicité sur le domaine public de la Commune jusqu’en 2029.

Avant la signature du nouveau contrat, une entreprise concurrente d’affichage contacte la Commune à diverses reprises afin de manifester son intention de participer à une procédure d’appel et d’exposer ses offres. En 2020, la Commune lui communique qu’elle a déjà conclu une convention, laquelle est rentrée en vigueur.

L’entreprise concurrente estime que la Commune n’a pas respecté la procédure d’appel d’offres inhérente à l’attribution d’une concession exclusive d’exploitation ; elle exige de la Commune qu’elle procède à un appel d’offres et constate la nullité de la décision, ce que la Commune refuse.… Lire la suite

La communication de l’état des charges durant une période de suspension

ATF 148 III 46TF, 19.01.2022, 5A_672/2020*

Tout acte de poursuite effectué durant une période de suspension au sens de l’art. 62 LP est nul de plein droit.

Faits

En 2018, une banque introduit une poursuite en réalisation de gage à l’encontre de la copropriétaire d’un bien immobilier sis dans le canton de Genève. Peu de temps après, la banque requiert la réalisation de l’objet du gage.

Dans ce contexte, l’Office des poursuites du canton de Genève publie dans la Feuille officielle du commerce (FOSC) ainsi que dans la Feuille d’avis officielle (FAO) un avis indiquant que les conditions de la vente aux enchères et l’état des charges seront déposés auprès de l’office à compter du 19 mars 2020.

Dans l’intervalle, le Conseil fédéral décrète une suspension générale des poursuites au sens de l’art. 62 LP en raison de la pandémie de coronavirus. Cette suspension affecte tout le territoire suisse et déploie ses effets du 19 mars 2020 à 7h00 au 4 avril 2020 à 24h00.

Nonobstant l’ordonnance susmentionnée, l’Office des poursuites du canton de Genève communique à la poursuivie l’état des charges en date du 19 mars 2020 et attire son attention sur le fait que les charges seront réputées reconnues sauf contestation dans les 10 jours auprès de l’office.… Lire la suite

Les tiers touchés par une procédure d’assistance administrative en matière fiscale

L’arrêt du Tribunal administratif fédéral présenté ci-dessous a été annulé par le Tribunal fédéral dans son arrêt du 13 juillet 2020, 2C_376/2019*, résumé in : Lawinside.ch/949.

TAF, 08.04.2019, A-6871/2018

En matière d’assistance administrative, la transmission sans caviardage de renseignements relatifs à des tiers est admise lorsqu’elle est vraisemblablement pertinente par rapport à l’objectif fiscal visé par l’État requérant (cf. art. 4 al. 3 LAAF). Ces tiers endossent la qualité de personnes habilitées à recourir (art. 19 al. 2 LAAF et 48 PA). L’AFC est tenue de les informer de l’existence de la procédure (art. 14 al. 2 et 19 al. 2 LAAF). À défaut, le droit d’être entendu des tiers est violé, engendrant en conséquence la nullité de la décision de l’AFC relative à la remise des informations à l’Etat requérant.

Faits

L’Espagne adresse une demande d’assistance administrative à l’Administration fédérale des contributions (AFC). La demande vise à déterminer si un contrat de cession de droits de participation respecte les conditions du marché. Outre le contribuable formellement visé, des informations relatives à des sociétés tierces sont citées dans le contrat.

L’AFC accorde l’assistance administrative et notifie sa décision au contribuable ainsi qu’à la société dont les droits de participation font l’objet de la cession.… Lire la suite

Le défaut de traduction d’une ordonnance pénale en tant que motif de nullité absolue

ATF 145 IV 197TF, 24.04.2019, 6B_517/2018*

Le défaut de traduction d’une ordonnance pénale condamnant une personne de langue étrangère et analphabète ne constitue pas un motif de nullité absolue lorsque le condamné ne requiert pas la traduction de l’ordonnance et ne se renseigne pas au sujet de son contenu.

Faits

Une personne est condamnée à trois reprises, respectivement en 2014, en 2015 et en 2016, par ordonnance pénale pour avoir séjourné illégalement en Suisse. Ces prononcés ne font pas l’objet d’une traduction malgré le fait que le condamné ne maîtrise pas l’allemand et est analphabète.

En 2017, le condamné introduit une demande de révision tendant à faire annuler les trois ordonnances pénales. L’Obergericht zurichois rejette la demande de révision concernant les condamnations de 2014 et 2015, mais annule celle de 2016 en renvoyant la cause au ministère public pour nouvelle décision.

Le condamné saisit le Tribunal fédéral qui doit en particulier déterminer si les trois ordonnances sont nulles de plein droit du fait qu’elles n’ont pas été traduites.

Droit

Dans son principal grief, le recourant fait valoir la nullité des trois ordonnances prononcées à son encontre, au motif que celles-ci ne lui auraient pas été traduites et que, de ce fait, il n’aurait pas pu comprendre les enjeux de ces condamnations et donc se défendre de façon efficace (art.Lire la suite

Le classement partiel et le principe ne bis in idem

ATF 144 IV 362TF, 20.09.2018, 6B_1346/2017*

Une ordonnance de classement viciée est soumise au régime de la nullité ou de l’annulabilité, en fonction de la gravité du vice. En la présence d’erreurs procédurales qui ne sont pas aisément décelables, l’ordonnance est annulable et entre en force si elle n’est pas attaquée. Elle équivaut alors un acquittement conformément à l’art. 320 al. 4 CPP. Le principe ne bis in idem s’oppose à la condamnation du prévenu pour l’infraction classée.

Faits

Une personne se rend dans les locaux d’une société et s’adresse à la réceptionniste en lui indiquant que le gérant de la société doit le rappeler dans la journée, à défaut de quoi il l’abattrait.

Le gérant porte plainte pénale contre le prévenu pour contrainte et menaces. Le Ministère public du canton de Lucerne condamne le prévenu par ordonnance pénale pour contrainte à l’encontre de la réceptionniste. Dans la même ordonnance, le Ministère public classe la procédure en ce qui concerne l’infraction de menaces en application de l’art. 319 al. 1 let. b CPP, au motif que le gérant n’aurait pas été alarmé ou effrayé.

Le prévenu forme opposition contre l’ordonnance pénale. Le classement partiel n’est pas attaqué.… Lire la suite