L’emploi systématique du numéro AVS par les Églises

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TF, 19.01.2024, 1C_442/2023*

Les Églises, bien qu’elles exercent parfois des prérogatives de puissance publique, ne revêtent pas la qualité de collectivité publique telle une commune. Elles ne bénéficient dès lors pas d’un emploi systématique du numéro AVS au sens de l’art. 153c al. 1 let. a ch. 3 LAVS.

Faits

L’Église évangélique réformée du Canton de Fribourg souhaite accéder à diverses données de la plateforme FriPers, gérée par l’État de Fribourg. Ces données lui permettraient de vérifier l’exactitude du registre de ses membres. Elle formule une demande à la Direction de la sécurité, de la justice et du sport (la Direction). Cette dernière accepte l’accès à certaines informations, mais refuse l’accès à d’autres. La 1ère Cour administrative du Tribunal cantonal fribourgeois admet le recours formé par l’Église évangélique réformée et ordonne à la Direction de transmettre certaines données supplémentaires. En revanche, le Tribunal cantonal maintient le refus de transmettre certaines données des habitants, en particulier le numéro AVS.

L’Église évangélique réformée forme alors recours en matière de droit public au Tribunal fédéral, qui est amené à se prononcer sur le respect de l’autonomie organisationnelle de l’Église évangélique réformée et si celle-ci peut accéder aux numéros AVS des habitant de confession protestante en tant qu’unité des administrations cantonales et communales.

Droit

L’art. 15 Cst. garantit la liberté de conscience et de croyance. Bien que les Églises ne bénéficient pas directement de la liberté religieuse corporative, la disposition leur octroie une autonomie organisationnelle : elles agissent et se développent sans influence de l’État. La Constitution fribourgeoise consacre également cette autonomie (art. 141 al. 2 Cst./FR). En l’espèce, l’Église évangélique réformée estime qu’en refusant l’accès aux données qu’il possède sur les habitants, le Canton de Fribourg l’empêche de mener à bien ses activités essentielles. En effet, sans informations sur les habitants, elle peine à contacter les fidèles et à les mobiliser. Le refus de transmettre les données constituerait dès lors, selon l’Église évangélique réformée, une violation de l’autonomie dont elle bénéficie.

En l’espèce, le Tribunal fédéral admet que l’Église évangélique réformée devra sans doute entreprendre d’autres mesures afin d’obtenir les informations voulues ; il est vrai que ces démarches s’avèrent moins efficaces qu’un accès aux données. Néanmoins, la charge de travail supplémentaire pour parer à cette perte d’efficacité ne constitue pas pour autant une entrave à l’autonomie de l’Église. En particulier, la recourante ne démontre pas que l’absence d’accès aux données empêcherait ses activités essentielles. Partant, le refus d’autoriser l’accès aux données ne viole pas  l’art. 15 Cst. et l’art. 141 al. 1 Cst./FR.

Dans un deuxième temps, la recourante reproche à l’autorité de ne pas avoir appliqué l’art. 153c al. 1 let. a ch. 3 LAVS par analogie. Cette disposition énumère les entités qui peuvent utiliser le numéro AVS de manière systématique ; le chiffre 3 permet une telle utilisation par « les unités des administrations cantonales et communales ».

Le législateur a circonscrit de manière exhaustive la liste des bénéficiaires d’une utilisation systématique du numéro AVS ; la loi entend par unités des administrations cantonales et communales celles qui font partie de l’administration (Message numéro AVS, FF 2019 6982). Tant le texte clair de la loi que son but prônent la restriction de l’utilisation systématique du numéro AVS. Même si les Églises exercent des prérogatives de puissance publique, elles ne sont en aucun cas assimilables à une collectivité publique telle une commune. Dès lors, elles ne peuvent fonder leur demande d’accès sur la base de l’article précité.

Partant, le Tribunal fédéral rejette le recours.

Proposition de citation : Arnaud Lambelet, L’emploi systématique du numéro AVS par les Églises, in : www.lawinside.ch/1404/