Les pouvoirs de signature pouvant être inscrits au RdC

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ATF 142 III 204 TF, 03.03.2016, 4A_536/2015*

Faits

Une société requiert l’inscription au registre du commerce des droits de signature de ses administrateurs. Chaque membre du conseil d’administration a un pouvoir de signature collective à deux avec certains autres membres nommément désignés. Le registre du commerce refuse l’inscription au motif qu’un droit de signature ne peut être restreint à la signature conjointe avec une personne précise. Cette décision est confirmée par l’instance cantonale supérieure.

Sur recours de la société, le Tribunal fédéral est appelé à préciser quelles modalités de signature peuvent être inscrites au registre du commerce.

Droit

La jurisprudence du Tribunal fédéral rendue sous l’empire de l’ancien droit admettait des pouvoirs de signature collectifs décrits avec précision, par exemple s’agissant des personnes conjointement avec lesquelles la signature peut être exercée (ATF 121 III 368). L’instance précédente a cependant retenu que cette jurisprudence ne trouvait plus application. En effet, elle se référait à l’art. 641 ch. 8 aCO en vertu duquel le mode d’exercice de la représentation (« die Art der Ausübung der Vertretung ») devait être inscrit au registre du commerce. Or, cette disposition a été abrogée lors de la révision du droit de la SA et de l’Ordonnance sur le registre du commerce en 2008.

Le Tribunal fédéral examine s’il peut maintenir son ancienne jurisprudence sous le nouveau droit. Il est vrai que l’art. 641 ch. 8 aCO a été abrogé. L’ATF 121 III 368 se réfère cependant également aux art. 718 et 719 CO, selon lesquels chaque membre du conseil d’administration a en principe le pouvoir de représenter seul la société (art. 718 al. 1 CO) et une limitation à cet égard n’a d’effet que si elle est inscrite au registre du commerce (art. 718a al. 2 CO). Sur la base de ces dispositions, le Tribunal fédéral avait considéré dans l’ATF 121 III 368 que refuser d’inscrire au registre du commerce des combinaisons précises de droit de signatures aurait pour effet de dissimuler les droits de signature au public et ainsi de créer des inscriptions trompeuses. Il avait enfin relevé que la doctrine s’exprimait unanimement en faveur de pouvoirs de signature collectifs précisément circonscrits.

Ces considérations conservent leur pertinence sous le nouveau droit, en dépit de l’abrogation de l’art. 641 ch. 8 aCO. Le nouvel art. 119 al. 1 let. h ORC prévoit d’ailleurs l’inscription du mode de représentation. La portée de l’art. 119 al. 1 let. h ORC est ainsi identique à celle de l’ancien art. 641 ch. 8 aCO. Il sied par ailleurs de souligner que la doctrine actuelle favorise toujours l’inscription de pouvoirs de signature décrits en détail. Enfin, la pratique établie du registre du commerce admet ce type de pouvoirs de signature.

Le Tribunal fédéral maintient donc sa jurisprudence selon laquelle des pouvoirs de signature collectifs précisément circonscrits, par exemple l’exigence d’une signature conjointe de certains administrateurs nommément désignés, peuvent être inscrits au registre du commerce. En conséquence, il admet le recours et ordonne l’inscription au registre du commerce des pouvoirs de signature décrits dans la réquisition de la société.

Proposition de citation : Emilie Jacot-Guillarmod, Les pouvoirs de signature pouvant être inscrits au RdC, in : www.lawinside.ch/217/