L’indemnité pour perte de salaire en cas d’ajournement de l’allocation maternité (art. 16c al. 2 LAPG)

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ATF 142 II 425 –  TF, 11.08.2016, 8C_90/2016*

Faits

Une employée du canton de Thurgovie donne naissance à un enfant qui est immédiatement hospitalisé pour des raisons médicales pour deux mois. L’employée est elle-même hospitalisée pendant 14 jours dans le cadre de l’accouchement et en incapacité de travailler médicalement certifiée. Elle fait usage de la possibilité d’ajourner son congé maternité et décide de le prendre seulement à la sortie de son enfant de l’hôpital. Quelques jours après la naissance, l’office employeur rend une décision constatant que l’employée n’a aucun droit au paiement du salaire jusqu’à la sortie de son enfant de l’hôpital et qu’elle doit dès lors prendre un congé non rémunéré. Après usage sans succès des voies de droit cantonal, l’employée dépose un recours en matière de droit public au Tribunal fédéral. Celui-ci doit déterminer si l’employée a droit au paiement d’une indemnité pour perte de salaire pour les huit semaines et cinq jours entre l’accouchement et le début de l’indemnité du congé maternité au moment de la sortie de l’enfant de l’hôpital.

Droit

Selon l’art. 16c al. 1 LAPG, le droit à l’allocation (maternité) prend effet le jour de l’accouchement. En cas d’hospitalisation prolongée du nouveau-né, la mère peut demander que le versement de l’allocation soit ajourné jusqu’au moment où l’enfant retourne à la maison (art. 16c al. 2 LAPG). Le droit cantonal thurgovien donne droit à seize semaines de congé rémunéré aux employées remplissant les conditions d’une allocation de maternité selon la LAPG. Le congé commence en principe deux semaines avant le terme estimé. Le Conseil d’Etat règle le début du congé dans des cas particuliers. Selon le règlement d’application, l’ajournement du congé selon la LAPG entraîne l’interruption du congé rémunéré et l’octroi d’un congé non rémunéré pour cette période. En outre, le droit cantonal prévoit une indemnité pour perte de salaire complète pendant douze mois en cas d’incapacité de travail due à des raisons de santé suite à une maladie ou un accident.

Le Tribunal fédéral constate premièrement que le droit cantonal accorde un droit à une indemnité pour perte de salaire complète pendant une année en cas d’incapacité de travail médicalement certifiée liée à des raisons de santé (maladie ou accident), mais refuse l’indemnité aux mères ayant ajourné l’allocation maternité après l’accouchement selon l’art. 16c al. 2 LAPG. Cela vaut quand bien même – comme en l’espèce – la mère est elle-même hospitalisée et incapable de travailler. Dans un tel cas, l’incapacité de travail donnant droit au versement de l’indemnité pour perte de salaire n’est pas reconnue. Il s’agit dès lors d’une inégalité de traitement par rapport aux employés et employées du canton qui sont empêchés de travailler pour des raisons de santé suite à un accident ou une maladie et qui touchent une indemnité complète. L’accouchement est en effet également un empêchement dû à un état de santé. Dès lors, il n’y a aucune raison objective pour refuser l’indemnité à une travailleuse incapable de travailler pour des raisons de santé seulement parce que l’incapacité résulte de l’accouchement et non d’une maladie ou d’un accident. L’objectif de l’allocation maternité est d’offrir aux mères une garantie financière le temps de se remettre de la naissance et de s’occuper du nouveau-né.

Secondement, le Tribunal fédéral estime que le choix libre de la mère de faire usage de la possibilité d’ajourner l’allocation maternité selon l’art. 16c al. 2 LAPG est gravement entravé par la réglementation cantonale. Les mères pourraient en effet être contraintes à renoncer à un ajournement même si elles remplissent les conditions restrictives de l’art. 16c al. 2 LAPG, si l’ajournement a pour conséquences qu’elles doivent supporter un congé non rémunéré durant une certaine période. Cela complique la réalisation de l’objectif de l’ajournement, à savoir de donner à la mère la possibilité de s’occuper de manière intensive de l’enfant dans les premiers mois, voire le rend impossible pour des raisons financières. Dans ces conditions, le choix n’est pas véritablement libre. La réglementation cantonale est ainsi contraire au droit fédéral, dans la mesure où elle complique excessivement ou empêche sa réalisation (art. 49 al. 1 Cst.).

Il résulte de ces deux considérations que le recours doit être admis et que le droit de l’employée au paiement complet de l’indemnité pour perte de salaire à charge de l’employeur pour la période où l’allocation maternité a été ajournée doit être constaté.

Proposition de citation : Camilla Jacquemoud, L’indemnité pour perte de salaire en cas d’ajournement de l’allocation maternité (art. 16c al. 2 LAPG), in : www.lawinside.ch/320/