Le maintien d’une détention provisoire contre l’avis du Ministère public

TF, 21.12.2015, 1B_419/2015*

Faits

Sur demande du Ministère public, le tribunal des mesures de contrainte (ci-après : le TMC) place un prévenu tunisien en détention provisoire pour 3 mois. Quelques semaines après, le Ministère public sollicite auprès du TMC des mesures de substitution à la place de la détention provisoire. Le TMC rejette cette requête en avançant que les risques de fuite sont trop importants. Le prévenu recourt alors au Tribunal cantonal puis au Tribunal fédéral qui doit trancher la question de savoir si le TMC peut refuser des mesures de substitution requises par le Ministère public et maintenir ou ordonner la détention provisoire.

Droit

Le Tribunal fédéral relève que le TMC peut prendre des mesures de substitution à la place d’une détention provisoire demandée par le Ministère public (art. 226 al. 4 lit. c et 227 al. 5 CPP). En revanche, la loi ne règlemente pas la situation inverse où le TMC veut ordonner une détention provisoire alors que le Ministère public a uniquement sollicité des mesures de substitution.

L’art. 226 al. 4 lit. c et l’art. 227 al. 5 CPP concrétisent le principe de proportionnalité et imposent la détention provisoire seulement lorsque des mesures de substitution ne sont pas envisageables.… Lire la suite

Les dépens dans une procédure de reconnaissance de faillite

ATF 142 III 110 | TF, 21.12.2015, 5A_619/2015*

Faits

Le tribunal de Rotterdam prononce la faillite d’une société. Le liquidateur de cette société demande la reconnaissance de la faillite auprès du Kantonsgericht de Zoug (art. 166 LDIP). Celui-ci refuse de reconnaître la décision, pour défaut de réciprocité du droit néerlandais (art. 166 al. 1 let. c LDIP). Sur appel du liquidateur, l’Obergericht confirme la décision. Suite à un recours en matière civile du liquidateur, le Tribunal fédéral casse la décision et renvoie l’affaire à l’Obergericht pour qu’il se prononce notamment sur la reconnaissance de la faillite et sur la répartition des frais (ATF 141 III 222 ; cf. www.lawinside.ch/48).

L’Obergericht renvoie l’affaire au Kantonsgericht pour qu’il statue sur la reconnaissance de la faillite, compte tenu de la décision du Tribunal fédéral. Le Kantonsgericht reconnaît la faillite. Le liquidateur demande à l’Obergericht d’interpréter son jugement de renvoi, afin de savoir s’il a droit à des dépens pour la procédure de reconnaissance qui a mené aux deux refus – injustifiés – du Kantonsgericht et de l’Obergericht. L’Obergericht retient que le liquidateur n’a pas droit à une indemnité à titre de dépens, en raison du fait qu’une telle indemnité peut uniquement être mise à la charge d’une partie à la procédure (art.Lire la suite

La récusation du procureur traitant le prévenu de menteur patenté

TF, 05.01.2016, 1B_430/2015

Faits

Le Procureur Bertrand Bühler instruit une enquête contre un prévenu pour “avoir déposé une plainte mensongère à l’encontre d’un tiers”. Lors d’une audience, le prévenu demande la récusation du procureur au motif que celui-ci lui aurait déclaré qu’il est un “menteur patenté”. L’instance cantonale rejette la demande de récusation.

Le prévenu forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral qui doit se prononcer sur la question de savoir si le fait de traiter un prévenu de “menteur patenté” est un motif de récusation.

Droit

Un magistrat doit se récuser lorsque des motifs sont de nature à le rendre suspect de prévention (art. 56 let. f CPP). Une apparence de prévention suffit.

Le procureur est tenu à une certaine impartialité dans l’instruction. Il est assujetti à un devoir de réserve et doit instruire tant à charge qu’à décharge du prévenu. Au stade de l’instruction, le procureur agit en tant que direction de la procédure (art. 61 CPP) et n’est pas encore une partie au sens de l’art. 104 al. 1 let. c CPP. Dans l’exercice de cette fonction, les déclarations du procureur ne doivent pas laisser penser que son appréciation quant à la culpabilité du prévenu serait définitivement arrêtée (art.Lire la suite

L’allocation pour impotent en cas de départ pour l’étranger

ATF 142 V 2 | TF, 17.12.2015, 9C_381/2015*

Faits

Un assuré au bénéfice d’une allocation pour impotent interpelle la Caisse de compensation afin de connaître ce qu’il adviendrait de ses prestations en cas de départ de la Suisse pour un Etat membre de l’Union européenne. La Caisse de compensation constate qu’en cas de départ pour l’étranger, les prestations que l’assuré touche actuellement ne seraient plus versées. Cette décision est confirmée par la juridiction cantonale.

Le Tribunal fédéral doit se prononcer sur le droit de l’assuré à l’obtention d’une allocation pour impotent en cas de départ pour l’étranger au regard de l’ALCP.

Droit

Sous le titre “Levée des clauses de résidence”, l’art. 7 du règlement (CE) 883/2004, applicable par renvoi de l’ALCP, consacre le principe de l’exportation des prestations en espèces de la sécurité sociale. Cette disposition prévoit que les prestations en espèces prévues par le droit d’un Etat membre ne peuvent être supprimées du fait que le bénéficiaire réside dans un autre Etat membre, à moins que le droit européen n’en dispose autrement.

L’art. 70 du règlement (CE) 883/2004 prévoit une exception au principe de l’exportation des prestations sociales. Cette disposition vise les prestations spéciales à caractère non contributif qui relèvent à la fois de la législation en matière de sécurité sociale et d’une assistance sociale.… Lire la suite

L’effet suspensif du recours de Uber

TF, 07.01.2016, 2C_547/2015

Faits

En août 2014, Uber informe le Service du commerce du canton de Genève de sa volonté d’offrir ses services dans le canton. Les autorités genevoises mettent d’emblée en garde Uber sur le caractère illégal de ses activités eu égard à la législation cantonale en matière de transport. Malgré cette mise en garde, Uber débute ses activités en septembre 2014.

Par décision du 30 mars 2015, le Service cantonal interdit avec effet immédiat à Uber d’exercer l’activité de transport professionnel de personnes dans le canton de Genève et lui inflige une amende de 35’000 francs. Il déclare la décision comme étant immédiatement exécutoire et retire ainsi l’effet suspensif d’un éventuel recours. Sur recours de Uber, la Cour de justice refuse de restituer l’effet suspensif s’agissant de l’interdiction d’exercer l’activité, mais la restitue quant à l’amende.

Uber saisit alors le Tribunal fédéral en concluant à la restitution de l’effet suspensif de la décision qui lui interdit d’exercer l’activité de transport.

Droit

Ne portant que sur la demande de restitution de l’effet suspensif, la décision querellée est une décision incidente qui ne peut faire l’objet d’un recours au Tribunal fédéral que si elle cause un préjudice irréparable (art.Lire la suite