Imposition différée et donation (art. 18a al. 1 LIFD et art. 8 al. 2bis LHID)

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ATF 148 II 299TF, 11.04.2022, 2C_284/2021*

Une donation doit être considérée comme une aliénation au sens des art. 18a al. 1 LIFD et 8 al. 2bis LHID. Elle met donc fin au différé de l’imposition.

Faits

Des époux cessent l’exploitation de leur domaine agricole. Par la suite, l’époux procède à la donation des parcelles concernées à ses trois filles. Dans leur déclaration fiscale, les époux indiquent avoir mis fin à l’activité indépendante. En lien avec la donation des parcelles, ils demandent que l’imposition soit différée selon les art. 18a al. 1 LIFD et 8 al. 2bis LHID.

L’Office d’impôt des districts de Nyon et Morges refuse l’imposition différée et taxe le bénéfice issu de la réalisation systématique, soit du transfert des immeubles de la fortune commerciale à la fortune privée. L’Administration cantonale des impôts du canton de Vaud et le Tribunal cantonal confirment la décision de taxation.

Les contribuables forment un recours en matière de droit public au Tribunal fédéral. Celui-ci doit déterminer si le terme d’aliénation prévu aux art. 18a al. 1 LIFD et 8 al. 2bis LHID couvre la donation, mettant ainsi fin au différé d’imposition.

Droit

L’art. 18a al. 1 in fine LIFD prévoit en substance que lorsqu’un immeuble est transféré de la fortune commerciale à la fortune privée, le contribuable peut demander que l’imposition des réserves latentes à titre de revenu de l’activité lucrative indépendante soit différée jusqu’à l’aliénation de l’immeuble (cf. ég. art. 8 al. 2bis LHID).

Le Tribunal fédéral constate que la LIFD n’indique pas ce qu’il faut comprendre par « aliénation  » au sens de l’art. 18a al. 1 LIFD. Il procède alors à une interprétation littérale, historique, téléologique et systématique de la loi pour déterminer si le terme d’aliénation couvre celui de la donation.

L’art. 18a LIFD a pour but d’alléger l’imposition résultant du passage de la fortune commerciale à la fortune privée en raison de l’absence de liquidités dans une telle opération. Le report d’imposition porte sur la réalisation systématique, soit le transfert entre les deux masses de biens d’un même contribuable. Le report d’imposition ne s’étend donc pas aux conséquences induites par le transfert des biens à un tiers. Dans ce sens, la donation – considérée comme une aliénation au sens de l’art. 18a al. 1 LIFDinterrompt le différé d’impôt. Cette solution permet d’éviter qu’un tiers soit imposé et doive payer des charges sociales alors qu’il n’a aucun lien avec l’activité indépendante concernée. Ce qui est donc déterminant pour interrompre le différé est le transfert du bien à un tiers, et non pas son caractère onéreux ou non.

Néanmoins, la doctrine majoritaire estime que la donation ne constitue pas une aliénation au sens de l’art. 18a al. 1 LIFD. Le différé d’impôt se justifierait ainsi également lors d’une donation. Le Tribunal fédéral rejette cet avis et rejoint une thèse minoritaire selon laquelle une donation doit être considérée comme une aliénation au sens de l’art. 18a al. 1 LIFD. La plus-value dont l’imposition est différée est un revenu de l’activité indépendante. Dès lors qu’une donation ne peut porter que sur la fortune privée, celle-ci a pour effet de transférer la part commerciale de l’immeuble dans la fortune privée, ce qui déclenche l’imposition. Cette position est également défendue par la circulaire no 26 de l’Administration fédérale des contributions.

Par conséquent, le terme d’aliénation des art. 18a al. 1 LIFD et 8 al. 2bis LHID englobe la donation. Celle-ci met donc fin au différé de l’imposition et déclenche la taxation de la plus-value latente.

Partant, le Tribunal fédéral rejette le recours.

Note

Le Tribunal fédéral tranche également qu’en cas de différé, l’imposition comme revenu de l’activité lucrative indépendante porte également sur la plus-value prise par l’immeuble entre le report d’imposition et son aliénation ultérieure.

À la suite de cet arrêt, une initiative parlementaire a été déposée au Conseil national le 14 juin 2022 afin que les art. 18a LIFD et 8 al. 2bis LHID soient modifiés dans le sens qu’une donation ne soit plus considérée comme une aliénation mettant fin au différé de l’imposition. Cette initiative n’a pas encore été traitée.

Proposition de citation : Tobias Sievert, Imposition différée et donation (art. 18a al. 1 LIFD et art. 8 al. 2bis LHID), in : https://www.lawinside.ch/1245/