Indemnité du défenseur d’office : interdiction de la reformatio in pejus ?

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ATF 149 IV 91 | 26.01.2023, 6B_1362/2021*

La réduction par l’autorité de recours de l’indemnité allouée au défenseur d’office en première instance viole l’interdiction de la reformatio in pejus.

Faits

Le Ministère public cantonal vaudois Strada désigne deux avocats comme défenseurs d’office de deux prévenus. Dans son jugement, le Tribunal de police fixe leurs indemnités respectives à CHF 5’327,90. La Cour d’appel pénale du Tribunal cantonal vaudois rejette les recours des avocats contre leurs indemnités, réduit le montant alloué en première instance et fixe à CHF 2’304,35 le montant de leurs indemnités respectives pour la procédure d’appel.

L’un des avocats saisit le Tribunal pénal fédéral, qui transmet le recours au Tribunal fédéral comme objet de sa compétence. Celui-ci est notamment amené à examiner pour la première fois la question de l’interdiction de la reformatio in pejus à l’indemnité allouée au défenseur d’office.

Droit 

Le Tribunal fédéral commence par souligner que lorsque l’indemnité est fixée par une autorité de première instance dont la décision fait ensuite l’objet d’un recours, on ne se trouve pas dans l’hypothèse de l’art. 135 al. 3 let. b CPP qui prévoit un recours au Tribunal pénal fédéral. C’est donc le Tribunal fédéral qui est compétent en l’espèce (ATF 140 IV 213).

Le Tribunal fédéral rappelle ensuite que l’autorité cantonale dispose d’un large pouvoir d’appréciation pour fixer le montant de l’indemnité du défenseur d’office sur la base de l’art. 135 al. 1 CPP. L’avocat d’office a cependant droit au remboursement de ses débours et à une indemnité s’apparentant aux honoraires perçus par un mandataire plaidant aux frais de son client. Le Tribunal fédéral n’intervient sur ce point que lorsque le montant global alloué à titre d’indemnité se révèle arbitraire.

En l’absence de liste détaillée d’opérations produite par le défenseur d’office, le Tribunal fédéral constate que c’est sans arbitraire que la cour cantonale a fixé son indemnité sur la base d’une estimation des opérations nécessaires pour la conduite du procès. Elle n’avait pas non plus, comme le soutient le défenseur d’office, à faire appel à un expert sur cette question, cette possibilité n’étant pas prévue par l’art. 2 al. 1 RAJ/VD applicable par analogie.

Le Tribunal fédéral se penche ensuite sur la violation de l’interdiction reformatio in pejus invoquée par le défenseur d’office. Ce principe est consacré à l’art. 391 al. 2 CPP et vise à permettre au prévenu d’exercer son droit de recours sans craindre de voir le jugement modifié en sa défaveur. Il s’applique également à la partie plaignante pour ses prétentions civiles (art. 391 al. 3 CPP).

L’art. 391 CPP ne régit pas expressément le cas particulier du recours de l’avocat d’office contre la fixation de son indemnité. Le Tribunal fédéral relève toutefois que dans une telle configuration, à l’instar du régime applicable à la partie plaignante concernant ses conclusions civiles, il se justifie d’admettre l’interdiction de la reformatio in pejus au vu de la nature pécuniaire de l’objet du recours. C’est d’autant plus le cas que le ministère public peut contester en appel le montant de l’indemnité d’office (ATF 139 IV 199) et ainsi obtenir la levée de l’interdiction de la reformatio in pejus.

Pour le Tribunal fédéral, cette solution s’impose aussi au vu de la jurisprudence selon laquelle l’interdiction de la reformatio in pejus est violée lorsque l’autorité de recours modifie au détriment du prévenu la décision sur l’indemnité relative à ses frais de défense privée. Il ne se justifie en effet pas de traiter différemment le recours du défenseur d’office sur son défraiement.

Partant, le Tribunal fédéral admet partiellement le recours, fixe l’indemnité de première instance à CHF 5’327,90 et renvoie la cause à l’autorité cantonale pour nouvelle décision sur les frais et dépens cantonaux.

Proposition de citation : Quentin Cuendet, Indemnité du défenseur d’office  : interdiction de la reformatio in pejus  ?, in : https://www.lawinside.ch/1287/