Le critère de l’urgence justifiant un classement en zone à bâtir (art. 52a al. 2 let. c OAT)

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ATF 142 II 415 –  TF, 26.05.2016, 1C_562/2015*

Faits

La Commune d’Orbe (VD) révise son plan partiel d’affectation (PPA). La révision prévoit une extension de la zone à bâtir sur la zone agricole. Cette zone à bâtir est un site stratégique d’Orbe-Sud défini dans la politique cantonale des pôles de développement. Il est prévu qu’une entreprise agro-alimentaire s’y développe avec la création 450 nouveaux emplois.

Le Département cantonal approuve l’extension du PPA et exempte totalement la commune de son obligation de déclasser des zones à bâtir en compensation de l’extension prévue, en considérant que le PPA répond à l’art. 52a al. 2 let. c OAT. L’Office fédéral du développement territorial (ARE) recourt auprès du Tribunal cantonal qui confirme la décision du Département.

L’ARE forme un recours en matière de droit public auprès du Tribunal fédéral. Celui-ci doit se prononcer sur l’application de l’art. 52a al. 2 let. c OAT à l’extension de la zone industrielle prévue par le PPA révisé.

Droit

La nouvelle LAT, entrée en vigueur le 1er mai 2014, redéfinit le contenu des plans directeurs cantonaux (art. 8 et 8a LAT). L’art. 38a al. 1 LAT prévoit une période transitoire de cinq ans durant laquelle les cantons doivent adapter leurs plans directeurs aux exigences des art. 8 et 8a LAT. Jusqu’à l’approbation de cette adaptation du plan directeur par le Conseil fédéral, la surface totale des zones à bâtir ne doit pas augmenter dans le canton concerné (art. 38a al. 2 LAT). Ainsi, durant la période transitoire, seuls les classements compensés directement par des déclassements de même surface sont autorisés.

Selon l’art. 52a al. 2 OAT, durant la période transitoire prévue à l’art. 38a al. 2 LAT, un classement en zone à bâtir peut être approuvé notamment dans les cas suivants : “une surface au moins équivalente a été déclassée dans le canton depuis l’entrée en vigueur de cette disposition ou est déclassée par la même décision” (let. a) ou lorsque “d’autres zones d’importance cantonale sont créées pour répondre à une nécessité urgente et, au moment de l’approbation au sens de l’art. 26 LAT, des mesures de planification déterminent et sécurisent la surface qui doit être déclassée” (let. c).

L’art. 52a al. 2 let. c OAT introduit ainsi une exception à l’art. 38a al. 2 LAT, à savoir une compensation directe entre surfaces nouvellement classées et surfaces à déclasser. Le Tribunal fédéral indique que l’art. 52a al. 2 let. c OAT n’est destiné qu’à la réalisation de projets urgents et que, quelle que soit l’urgence du projet, il faut dans tous les cas déclasser des surfaces équivalentes au classement, cas échéant de façon quelque peu différée. L’exception au déclassement simultané se justifie pour les projets urgents en vertu du principe de la proportionnalité. Selon le Tribunal fédéral, le projet est considéré comme urgent lorsqu’une entreprise, en raison d’un cas de force majeure, se trouverait dans l’impossibilité de poursuivre son activité économique sur son site d’implantation.

En l’espèce, le nouveau PPA qui prévoit l’extension de la zone à bâtir a pour but la création de 450 nouveaux emplois et le développement d’une entreprise agro-alimentaire. Le Tribunal fédéral estime que le but poursuivi est certes légitime, mais qu’il ne présente pas une urgence telle qu’il se justifierait de différer la condition du déclassement compensatoire. La condition de l’urgence suppose en effet que l’affectation en zone à bâtir soit nécessaire à la réalisation de projets ne souffrant d’aucun délai. Or, le développement de l’entreprise en question s’inscrit dans le cadre de son évolution ordinaire. Quant à la création d’emplois, elle répond à un intérêt général, mais ne découle pas de circonstances particulières qui expliqueraient qu’il y ait urgence, dans le cas précis, à rendre constructibles ces terrains.

Ainsi, il est contraire au droit fédéral d’admettre en l’espèce de nouveaux classements en zone à bâtir sans que soient simultanément déclassées des surfaces équivalentes (cf. art. 52a al. 2 let. a OAT). Faute d’urgence, une exception au sens de l’art. 52a al. 2 let. c OAT ne saurait être admise.

Partant, le recours de l’ARE est admis.

Proposition de citation : Tobias Sievert, Le critère de l’urgence justifiant un classement en zone à bâtir (art. 52a al. 2 let. c OAT), in : https://www.lawinside.ch/275/