La production de documents issus de procédures dont les jugements ne figurent plus au casier judiciaire

TF, 30.11.2023, 7B_215/2023*

La nouvelle loi fédérale du 17 juin 2016 sur le casier judiciaire informatique VOSTRA (LCJ) entrée en vigueur le 23 janvier 2023 laisse la possibilité aux experts, respectivement aux autorités pénales, de se référer à des pièces issues de procédures dont les jugements ne figurent plus au casier judiciaire. La proportionnalité de la mesure est garantie par le contrôle judiciaire de la décision qui doit être motivée. Vu en particulier le droit à l’oubli et à la réhabilitation, le lien de connexité et la pertinence de la condamnation antérieure doivent au demeurant être démontrés minutieusement.

Faits

En novembre 2022, un père est appréhendé à l’étranger en compagnie de ses deux enfants alors que son droit aux relations personnelles avec eux est suspendu. Il est remis le 5 janvier 2023 aux autorités suisses et est notamment mis en prévention d’enlèvement de mineur (art. 220 CP) et de séquestration (art. 183 CP).

Le Ministère public en charge de l’instruction décide de soumettre le prévenu à une expertise psychiatrique. Dans ce contexte, par ordonnance du 16 février 2023, le Ministère public ordonne l’apport de plusieurs pièces, dont notamment des pièces provenant de deux procédures pénales terminées et dont les jugements, en raison de l’écoulement du temps, ne figurent plus au casier judiciaire.… Lire la suite

Mécanisme subsidiaire d’indemnisation par l’État des victimes de traite d’êtres humains pour le dommage matériel et/ou purement économique (art. 19 al. 3 LAVI)

TF, 11.10.2023, 1C_19/2023*

L’art. 19 al. 3 LAVI exclut l’indemnisation du dommage matériel et/ou purement économique, y compris lorsque ce dommage prend la forme de salaires impayés de victimes de traite d’êtres humains. Cette situation n’est pas contraire au droit international, et plus précisément à l’art. 15 CETEH et à l’art. 4 § 2 CEDH.

Faits

Le Tribunal correctionnel de la République et canton de Genève alloue à un ressortissant ukrainien victime de traite d’êtres humains une somme de CHF 5’000.- à titre de réparation morale et une somme de CHF 12’543.- pour les salaires non perçus. Le coupable ayant disparu, le ressortissant ukrainien dépose une requête auprès de l’instance genevoise d’indemnisation LAVI concluant à l’allocation des deux montants. La direction générale des affaires institutionnelles et des communes du canton de Vaud, autorité d’indemnisation LAVI compétente vu le lieu vaudois de commission de l’infraction, lui alloue CHF 4’000.- à titre de réparation morale et rejette sa demande d’indemnisation pour le salaire non perçu.

Sur recours, la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal vaudois confirme la décision de l’autorité cantonale.

L’intéressé interjette alors un recours en matière de droit public auprès du Tribunal fédéral qui doit déterminer si la victime de traite d’êtres humains, ne pouvant pas se tourner vers l’auteur de l’infraction, peut obtenir de l’État à titre subsidiaire une indemnisation pour les salaires impayés sur la base de l’art.Lire la suite

La détention pour des motifs de sûreté ordonnée en vue du prononcé d’une mesure thérapeutique institutionnelle ultérieure à l’exécution d’une peine

TF, 20.11.2023, 7B_843/2023*

Dans le cadre d’une procédure judiciaire ultérieure indépendante, la détention pour des motifs de sûreté ne peut être ordonnée que s’il y a de sérieuses raisons de penser que l’exécution d’une peine ou d’une mesure privative de liberté sera ordonnée à l’encontre du condamné (art. 364a al. 1 let. a et 364b al. 1 CPP).

Cette condition n’est pas remplie lorsque les faits et moyens de preuves invoqués par les autorités pénales pour justifier le prononcé ultérieur d’une mesure thérapeutique institutionnelle (art. 65 al. 1 CP) n’ont pas trait à la qualification de l’infraction ou à la culpabilité du condamné.

Faits

Un prévenu est condamné en 2019 à une peine privative de liberté avec sursis de 150 jours avec délai d’épreuve de 4 ans pour lésions corporelles simples. Les conditions du sursis n’ayant pas été respectées, celui-ci est révoqué en 2021.

En 2023, à la requête du Service lucernois d’exécution et de probation, le Ministère public demande au Tribunal d’arrondissement de Lucerne d’ordonner une mesure thérapeutique institutionnelle au sens de l’art. 59 CP à titre de changement de sanction (art. 65 CP), ainsi qu’une détention pour des motifs de sûreté de 3 mois.… Lire la suite

Principe in dubio pro duriore et expertise de crédibilité d’un·e enfant

TF, 24.10.2023, 7B_28/2023

Il n’y a pas de violation du principe in dubio pro duriore lorsque le classement (art. 319 al. 1 lit. a CPP) intervient à la suite d’une enquête approfondie ne révélant aucun moyen de preuve objectif, y compris une expertise de crédibilité d’une enfant supposément victime de violences sexuelles de la part de son père.

Faits

À la suite d’un divorce, la garde d’une enfant est attribuée à sa mère, tandis que son père dispose d’un droit de visite. Dès le divorce, l’exercice du droit de visite représente une source de conflit entre les parents.

Cinq ans après le divorce, la mère dépose une plainte pénale contre le père, pour de prétendus actes d’ordre sexuel commis sur leur fille, alors âgée de sept ans. D’autres accusations s’y ajoutent ensuite : viols multiples, contraintes sexuelles multiples, pornographie et menaces, toujours au détriment de l’enfant.

À la suite du classement de la procédure par le Ministère public soleurois, la mère saisit l’Obergericht, sans succès. Elle exerce ensuite un recours en matière pénale auprès du Tribunal fédéral, lequel doit examiner si l’instance précédente a pu nier sans arbitraire l’existence de soupçons suffisants, ce qui justifierait un classement (art.Lire la suite

L’exploitabilité de preuves recueillies de manière illicite pour élucider des infractions à la LCR

TF, 06.09.2023, 6B_821/2021*

En fonction des circonstances concrètes, la violation grave d’une règle de la circulation (art. 90 al. 2 LCR) et la conduite sans permis (art. 95 al. 1 let. b LCR) – qui sont des délits – peuvent constituer des infractions graves au sens de l’art. 141 al. 2 CPP. Dans un tel cas, les preuves recueillies de manière illicite au sens de cette norme peuvent néanmoins être exploitées.

Faits

Un motocycliste est notamment reconnu coupable de violations intentionnelle de règles fondamentales de la circulation (art. 90 al. 3 et 4 LCR), de violations graves de règles de la circulation (art. 90 al. 2 LCR) et de conduite sans droit (art. 95 al. 1 let. b LCR) par le Tribunal criminel du canton de Lucerne, qui le condamne à une peine privative de liberté.

Sur appel du motocycliste, cette condamnation est confirmée par le Tribunal cantonal lucernois. Les deux instances cantonales fondent notamment leurs décisions sur le contenu d’une caméra GoPro et d’une carte SD saisies lors d’une perquisition au domicile du père du motocycliste après que celui-ci a lui-même commis une infraction à la LCR.… Lire la suite