L’invalidation du Safe Harbor (arrêt Facebook)

CJUE, aff. C-362/14, ECLI:EU:C:2015:650 (Schrems)

Faits

Le réseau social Facebook transfère tout ou partie des données personnelles de ses utilisateurs (noms, prénoms, photos, mots de passe…) vers des serveurs situés aux Etats-Unis. Maximilien Schrems, ressortissant autrichien et utilisateur de Facebook, estime que le droit américain n’offre pas une protection suffisante de ses données personnelles et demande aux autorités irlandaises d’interdire leur transfert depuis l’UE vers les Etats-Unis. L’autorité de protection des données irlandaise s’estime incompétente pour vérifier une telle requête dès lors qu’elle estime que la Décision 2000/520 de la Commission européenne l’en empêcherait.

Saisie d’un recours par Schrems, la High Court irlandaise décide de sursoir à statuer et pose à la CJUE la question de savoir si les autorités nationales peuvent examiner la légalité d’un transfert de données vers les Etats-Unis.

Droit

Selon l’art. 25 par. 1 de la Directive 95/46 relative à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données (ci-après la Directive 95/46), « le transfert vers un pays tiers de données à caractère personnel […] ne peut avoir lieu que si […] le pays tiers en question assure un niveau de protection adéquat ». L’examen du niveau de protection adéquat s’examine au regard de l’ensemble des circonstances du transfert des données (art.Lire la suite

Le droit au recomptage des votes

ATF 141 II 297 | TF, 19.08.2015, 1C_348/2015, 1C_350/2015, 1C_356/2015, 1C_360/2015*

Faits

Suite à un référendum, le peuple suisse s’est prononcé le 14 juin 2015 sur la modification de la Loi fédérale sur la radio et la télévision (LRTV). Le vote a abouti à 1’128’369 « oui » contre 1’124’673 « non », soit une courte majorité de 3’696 voix en faveur de la modification.

Quatre personnes ont contesté en vain ce résultat devant les gouvernements de leurs cantons respectifs, puis formé recours au Tribunal fédéral.

L’arrêt porte en particulier sur les conditions auxquelles les votants peuvent exiger le recomptage des voix exprimées dans une votation.

Droit

Le droit fédéral prévoit un droit de recours en cas d’irrégularité affectant les votations (art. 77 al. 1. let. b LDP), concrétisant ainsi la garantie constitutionnelle de l’expression fidèle et sûre de la volonté des citoyens et citoyennes (art. 34 al. 2 Cst).

Les juges de Mon-Repos avaient admis l’existence d’un droit à contester le résultat d’une votation et à exiger le recomptage des voix lorsque le résultat d’une votation était très serré même en l’absence d’indice d’irrégularités à proprement parler, au motif que la fiabilité accrue des résultats d’un recomptage favorise l’acceptation par les citoyens de la décision concernée (ATF 136 II 132).… Lire la suite

La rente AI extraordinaire d’une Suissesse domiciliée en France

ATF 141 V 530 | TF, 11.09.15, 9C_283/2015*

Faits

Une ressortissante suisse souffre d’un handicap congénital. Mineure, elle vit en France avec ses parents, mais fréquentes diverses institutions spécialisées en Suisse et bénéficie de prestations correspondantes de l’office AI. Elle atteint l’âge de la majorité en 2012 et intègre un foyer spécialisé en Suisse, mais continue de passer ses week-ends chez ses parents, en France. Pour ces raisons, l’office AI refuse de lui allouer une rente AI extraordinaire, décision confirmée par la juridiction cantonale.

Le Tribunal fédéral doit en particulier se prononcer sur le droit d’un ressortissant suisse résidant dans un Etat membre de l’Union européenne à obtenir une rente-invalidité extraordinaire sur la base de l’Accord sur la libre circulation des personnes (ALCP).

Droit

Les ressortissants suisses dont le domicile ou la résidence habituelle se situe en Suisse et qui n’ont pas droit à une rente-invalidité ordinaire parce qu’ils n’ont pas été soumis à l’obligation de verser des cotisations pendant une année au moins peuvent bénéficier d’une rente extraordinaire (art. 42 al. 1 LAVS cum art. 39 al. 1 LAI). En l’espèce, c’est à bon droit que l’instance précédente a retenu que la recourante n’avait ni domicile ni résidence habituelle en Suisse au sens de l’art.Lire la suite

L’annulation de la procédure de marché public

ATF 141 II 353 | TF, 04.09.2015, 2C_876/2014*

Faits

L’Hôpital Riviera-Chablais Vaud-Valais (autorité adjudicatrice) émet un appel d’offres en procédure ouverte pour une construction en entreprise générale. Les critères d’évaluation des offres, la pondération de ceux-ci, ainsi qu’un objectif financier sont fixés dans l’appel d’offre. Ce dernier prévoit en outre des conditions qui doivent être remplies sous peine d’exclusion de la procédure, parmi lesquelles y figure la production de diverses attestations bancaires destinées à établir la capacité financière du soumissionnaire à mener à bien le projet. Cinq soumissionnaires soumettent des offres, mais aucun d’entre eux ne fournit l’ensemble des garanties financières exigées par l’appel d’offre. A l’issue de la procédure, le marché est adjugé à l’un d’entre eux.

Sur appel de soumissionnaires évincés, le Tribunal cantonal constate que la procédure de marché public a été entachée de divers vices et ordonne à l’Hôpital de recommencer toute la procédure ab initio, avec un nouvel appel d’offre. L’adjudicataire forme recours devant le Tribunal fédéral, lequel doit en particulier trancher la question (de principe) de l’admissibilité d’un renoncement par l’autorité adjudicatrice à un critère d’aptitude qui n’a été respecté par aucun des soumissionnaires après le dépôt des offres.

Droit

L’annulation de la procédure de passation ab ovo et la répétition de l’ensemble de celle-ci, avec un nouvel appel d’offre, sont certes admissibles au regard de la loi (les dispositions applicables en l’espèce étant l’art.Lire la suite

La haute surveillance parlementaire

ATF 141 I 172 | TF, 24.08.2014, 2C_1006/2014*

Faits

L’encaveur Dominique Giroud et sa société Giroud Vins SA ont fait l’objet d’une procédure de soustraction fiscale et de rappel d’impôt. La Commission de gestion du Grand Conseil valaisan (COGEST) a décidé de vérifier le fonctionnement des services étatiques dans cette affaire, en particulier le rôle de Maurice Tornay, ancien fiduciaire de la société de Giroud et élu entre-temps au Conseil d’Etat.

Sur demande de la COGEST, le Conseil d’Etat a délié certains employés du Service cantonal des contributions de leur secret fiscal et de fonction et a ordonné la remise du dossier fiscal de l’affaire Giroud à la COGEST. Sur demande de Dominique Giroud, le Conseil d’Etat a refusé de rendre une décision attaquable en indiquant l’absence de voie de droit contre les actes rendus en matière de haute surveillance parlementaire. Dominique Giroud et Maurice Tornay saisissent alors le Tribunal cantonal et concluent à ce que le Conseil d’Etat rende une décision attaquable.

Le Tribunal cantonal déclare leur recours manifestement irrecevable. Les demandeurs déposent alors un recours en matière de droit public auprès du Tribunal fédéral. Celui-ci doit juger, dans un premier temps, si c’est à bon droit que le  droit valaisan permet d’exclure de la compétence de ses tribunaux le domaine de la haute surveillance parlementaire et, dans un second temps, si le Conseil d’Etat aurait dû rendre une décision attaquable relative à la levée du secret fiscal.… Lire la suite