Le geste de la « quenelle » : discrimination raciale ?

ATF 143 IV 308 | TF, 18.07.2017, 6B_734/2016*

Faits

Deux jeunes vêtus d’habits noirs et un militaire en tenue d’assaut, visages en partie camouflés, effectuent une « quenelle », geste popularisé par l’humoriste Dieudonné M’Bala M’Bala (Dieudonné) et consistant à tendre un bras vers le bas tout en positionnant la main de l’autre bras sur l’épaule, devant une synagogue.

Les trois jeunes sont reconnus coupables de discrimination raciale par le Ministère public du canton de Genève. L’un d’entre eux s’oppose à la condamnation et l’affaire finit devant le Tribunal fédéral. Ce dernier est amené à analyser la signification du geste de la quenelle et, plus précisément, si celui-ci constitue une discrimination raciale au sens de l’art. 261bis al. 4 première partie CP.

Droit

Aux termes de l’art. 261bis al. 4 première partie CP, se rend coupable de discrimination raciale celui qui aura publiquement, par la parole, l’écriture, l’image, le geste, par des voies de fait ou de toute autre manière, abaissé ou discriminé d’une façon qui porte atteinte à la dignité humaine une personne ou un groupe de personnes en raison de leur race, de leur appartenance ethnique ou de leur religion.

Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, une expression relève de cette norme lorsqu’elle serait comprise par un tiers moyen non averti dans les circonstances d’espèce comme relevant de la discrimination raciale.… Lire la suite

La notion d’authenticité du titre selon l’art. 178 CPC

ATF 143 III 453TF, 03.07.2017, 5A_648/2016*

Faits

Suite à la faillite d’une raison individuelle, une société créancière se voit délivrer deux actes de défaut de biens. Quelques années plus tard, la société tombe en faillite. Dans ce contexte, le président du conseil d’administration se fait céder les deux créances à l’origine des actes de défaut de biens. La cession est mentionnée au verso de ceux-ci. La question de savoir si les cessions ont eu lieu avant ou après la faillite de la société créancière fait l’objet du litige entre les parties.

Le créancier cessionnaire entame une poursuite contre le titulaire de la raison individuelle. Suite au prononcé de la mainlevée provisoire, confirmée par le Tribunal fédéral, le débiteur agit en annulation de la poursuite. Dans ce cadre, il conteste le contenu des titres de cession en faisant valoir que la cession des créances a eu lieu après l’ouverture de la faillite de la société dont le créancier cessionnaire était le président du conseil d’administration.

Débouté en première instance, le débiteur obtient gain de cause en appel. Contre ce prononcé, le créancier agit devant le Tribunal fédéral qui doit déterminer si le fardeau de la preuve de la date de cession des créances est régi par l’art.Lire la suite

L’interception en prison des accès du compte Facebook d’un prévenu

ATF 143 IV 270 | TF, 24.05.17, 1B_29/2017*

Faits

Un prévenu en détention provisoire (trafic de cocaïne) fait parvenir à une enseignante de langue travaillant dans la prison les données d’accès de son compte Facebook (FB) pour qu’elle puisse envoyer un message à son complice. Début juin, le personnel de prison intercepte la feuille avec le login FB du prévenu et la transmet au procureur qui lit l’historique des messages FB. En septembre, une fois averti de l’interception de son message clandestin, le prévenu demande sa mise sous scellés. Le procureur obtient la levée des scellés devant le TMC. Le prévenu recourt au Tribunal fédéral qui doit examiner pour la première fois les conditions pour intercepter et utiliser le login FB d’un prévenu.

Droit

L’art. 246 ss CPP règle la protection des documents écrits et informatiques, dont fait partie la feuille litigieuse avec les données d’accès FB. La perquisition de documents doit faire l’objet d’un mandat écrit, mais l’urgence autorise la police à se passer dans un premier temps d’une ordonnance écrite (art. 241 al. 1 CPP).

En l’espèce, la situation de péril dans la demeure justifiait l’absence de notification d’un mandat écrit qui aurait permis au prévenu d’exiger la mise sous scellés du message clandestin.… Lire la suite

L’autonomie des communes scolaires zurichoises

ATF 143 I 272 – TF, 03.04.2017, 2C_756/2015*

Faits

Lors de la révision complète de la loi cantonale sur les communes, le Grand Conseil du canton de Zurich adopte la disposition suivante (§ 3) : « Les communes politiques s’organisent comme des communes à assemblée communale ou à parlement. Les communes à parlement se chargent également des tâches des communes dans le domaine de l’école et de l’apprentissage (al. 2). Les communes scolaires s’organisent comme des communes à assemblée communale (al. 3) ».

La révision inclut également une disposition transitoire qui prévoit que les communes scolaires qui se trouvent complètement ou partiellement sur le territoire de communes politiques à parlement doivent être dissoutes d’ici le terme de la prochaine législature ordinaire suivant l’entrée en vigueur de la loi.

Après l’échéance du délai référendaire, les autorités cantonales promulguent et publient la loi. Quatre communes scolaires ainsi que six communes politiques forment alors un recours en matière de droit public au Tribunal fédéral. Celui-ci doit examiner si la nouvelle réglementation respecte la garantie de l’autonomie communale telle qu’elle est instituée dans le canton de Zurich.

Droit

Dans un premier temps, le Tribunal fédéral analyse si le droit constitutionnel cantonal introduit des garanties en faveur des communes dans le domaine litigieux.… Lire la suite

Les justes motifs et le délai pour résilier un contrat de travail

ATF 143 III 290 | TF, 11.05.2017, 4A_662/2016*

Faits

Deux associés fondent une société active dans le domaine dentaire et y sont actifs à la fois comme membres de la direction et comme employés (voyageurs de commerce). Vingt ans plus tard, ils vendent leurs participations dans la société dentaire à une holding et concluent simultanément avec la société dentaire un contrat de travail de durée indéterminée mais résiliable après cinq ans. Désormais employés de la société dentaire, ils doivent assumer auprès d’elle notamment la tâche de membres du conseil d’administration et assurer la présidence du comité de direction.

Entre 1997 et 1998, la holding acquiert quatre autres sociétés actives dans le domaine dentaire. Dans ce prolongement, la société dentaire entame une réorganisation qui implique une série de changements pour les deux employés en termes de tâches, d’influence et de compétences. Les deux employés sont mis au courant de ces changements au printemps 1998. Ils reçoivent notamment un courrier en mai 1998 leur indiquant qu’à compter du 1er janvier 1999 ils n’auront plus que le statut de voyageurs de commerce. Par courrier du 15 octobre 1998, les deux employés sont conviés à une séance du conseil d’administration de la société dentaire devant se tenir le 28 octobre 1998 et au terme de laquelle les changements du groupe seront discutés puis mis en place à compter du 1er janvier 1999.… Lire la suite