La non-divulgation de la poursuite en cas de paiement du débiteur

Télécharger en PDF

ATF 147 III 486 | TF, 23.07.2021, 5A_701/2020*

Le poursuivi ne peut pas obtenir la non-divulgation de la poursuite (art. 8a al. 3 let. d LP) au motif qu’il a payé le montant réclamé à réception du commandement de payer.

Faits

Un individu se voit notifier un commandement de payer pour des impôts impayés. Il ne forme pas opposition et s’acquitte du montant réclamé.

Ultérieurement, il demande la non-divulgation de la poursuite. L’office des poursuites rejette cette demande. Le poursuivi recourt contre la décision de l’office auprès de l’instance de surveillance cantonale inférieure puis supérieure, sans succès.

Il forme recours auprès du Tribunal fédéral, qui examine si une poursuite doit être portée à la connaissance de tiers lorsqu’elle a abouti au paiement du montant réclamé par le débiteur à réception du commandement de payer, sans que le créancier ait eu à entreprendre de démarches ultérieures.

Droit

Selon l’art. 8a al. 3 let. d LP, le débiteur peut demander que l’office ne porte pas à la connaissance de tiers les poursuites pour lesquelles aucune procédure d’annulation de l’opposition (art. 79 à 84 LP) n’a été engagée à temps.

La lettre de cette disposition ne règle pas expressément la situation où une procédure d’annulation de l’opposition s’avère superflue, parce que le débiteur n’a pas formé opposition à la poursuite et s’est acquitté du montant demandé.

Lors des débats parlementaires relatifs à l’art. 8a LP, le législateur a relevé que selon l’ancien droit, une poursuite continuait d’être portée à la connaissance de tiers après le paiement du débiteur. À teneur des travaux préparatoires, l’art. 8a LP ne modifie pas la situation juridique sur ce point, mais s’applique uniquement aux poursuites contestées par le poursuivi.

Cette interprétation est au demeurant cohérente avec le but de l’art. 8a LP, qui vise à minimiser le risque de porter à la connaissance de tiers des poursuites injustifiées. Or, un paiement du débiteur laisse entendre qu’il devait effectivement le montant réclamé, de telle sorte que la poursuite était bien fondée.

Partant, l’office doit continuer de porter à la connaissance des tiers les poursuites ayant donné lieu au paiement du montant réclamé. Le recours est donc rejeté.

Note (corédigée avec Ariane Legler)

Depuis l’adoption de l’art. 8a al. 3 LP, le Tribunal fédéral s’est penché sur le droit à la non-divulgation de la poursuite dans trois arrêts destinés à la publication (cf. Communiqué de presse du TF du 28 septembre 2021).

Dans l’ATF 147 III 41 (résumé in Lawinside.ch/957), il retient que le rejet de la requête de mainlevée du créancier ne fonde pas le poursuivi à demander que la poursuite ne soit pas portée à la connaissance de tiers. Dans l’arrêt 5A_927/2020* du 23.08.2020 (résumé in Lawinside.ch/1102), il précise que ceci vaut également en l’absence de démarches ultérieures du créancier dans un délai d’un an à compter de la notification du commandement de payer. Enfin, dans l’arrêt résumé ici, il indique que le poursuivi ne peut pas non plus demander la non-divulgation de la poursuite lorsqu’il a payé le montant réclamé.

Ces jurisprudences consacrent ainsi une interprétation étroite de l’art. 8a al. 3 let. d LP : c’est uniquement lorsque le créancier n’a effectué aucune démarche pour lever l’opposition et que le poursuivi ne s’est pas autrement acquitté du montant objet de la poursuite qu’il existe un droit à la non-divulgation.

Si elle est cohérente avec les travaux préliminaires, cette approche n’en limite pas moins la pertinence pratique de l’art. 8a al. 3 let. d LP comme instrument de “défense” contre les poursuites injustifiées. En particulier, le poursuivi qui obtient gain de cause en procédure de mainlevée reste tenu d’agir en annulation de la poursuite (art. 85a LP) avant de pouvoir obtenir la non-divulgation selon l’art. 8a LP.

Au demeurant, dans l’arrêt présentement résumé, le Tribunal fédéral relève que l’art. 8a LP règle une problématique typique de la protection des données, soit la tension entre l’intérêt du débiteur à la confidentialité des poursuites et celui de tiers à leur divulgation. Il précise que cette disposition constitue une lex specialis par rapport à la LPD et règle exhaustivement le droit à la non-divulgation des poursuites. Le poursuivi ne peut dès lors se prévaloir de la LPD pour empêcher plus largement qu’une poursuite soit portée à l’attention de tiers.

Proposition de citation : Emilie Jacot-Guillarmod, La non-divulgation de la poursuite en cas de paiement du débiteur, in : www.lawinside.ch/1120/

1 réponse

Les commentaires sont fermés.