L’allocation pour impotent pour enfant et l’entretien convenable

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TF, 15.03.2023, 5A_77/2022*

L’allocation pour impotent versée à un enfant ne doit pas être prise en compte lors du calcul de son entretien. En particulier, cette allocation ne doit pas être déduite de la contribution de prise en charge.

Faits

Un enfant naît d’un couple marié en 2013. Cet enfant souffre d’un trouble envahissant du développement. Conformément à décision de l’Office de l’assurance-invalidité du Canton de Vaud, il perçoit une allocation pour impotent pour mineur d’un montant mensuel de l’ordre de CHF 1’200.

Les époux initient une procédure de divorce. Leur divorce est prononcé en février 2021. La garde de l’enfant est attribuée à la mère et le père est astreint au versement d’une pension mensuelle en faveur de l’enfant.

Le père forme un appel devant le Tribunal cantonal vaudois. Il conteste en particulier le montant de la pension, celle-ci devant selon lui être déterminée en tenant compte de l’allocation pour impotent dont l’enfant bénéficie. La Cour cantonale rejette l’appel sur ce point.

Le père recourt alors auprès du Tribunal fédéral qui doit en particulier déterminer si l’allocation pour impotent dont bénéficie un enfant doit être prise en compte ou non lors de la détermination de son entretien.

Droit

Le père se plaint d’une violation de l’art. 285 al. 2 CC. Il estime que, depuis l’entrée en vigueur du nouveau droit de l’entretien de l’enfant, l’allocation pour impotent doit être déduite de la contribution de prise en charge.

La Cour cantonale s’est quant à elle référée à une jurisprudence fédérale (ATF 147 III 265 c. 7.1) en vertu de laquelle il n’y a lieu de prendre en compte une allocation pour impotent au sens de l’art. 9 LPGA ni dans les revenus de l’enfant, ni dans ceux des parents.

Le Tribunal fédéral effectue alors le raisonnement suivant pour trancher la question litigieuse.

Il se penche d’abord sur la notion d’allocation pour impotent (art. 9 LPGA). Il constate qu’elle vise à rembourser les frais présumés liés à l’impotence. Il s’agit alors de réparer un dommage et non pas de fournir un revenu de remplacement. 

En ce qui concerne l’entretien d’un enfant, le Tribunal fédéral rappelle que, conformément à l’art. 276 al. 1 CC, l’entretien en nature, l’entretien en espèce et l’entretien lié à la prise en charge doivent être distingués. Cette dernière notion a été introduite lors de la révision du droit de l’entretien de l’enfant, entrée en vigueur le 1er janvier 2017, et ne donne droit à une contribution que si elle a lieu à un moment où le parent pourrait sinon exercer une activité rémunérée (ATF 144 III 377 c. 7.1.3).

Le Tribunal fédéral se penche alors sur les décisions cantonales rendues en la matière depuis l’entrée en vigueur du nouveau droit. Plusieurs d’entre elles (arrêts des tribunaux cantonaux de Soleure du 15 mai 2020, ZKBER.2020.22, c. 2.2 et 2.3 ; de Schwyz du 20 mars 2019, ZK 2018 53, c. 2b ; de Saint-Gall du 19 décembre 2017, FO.2016.1, c. 2a ; de Bâle-Ville du 14 décembre 2017, ZB.2017.10, c. 6.4.3) déduisent l’allocation pour impotent de la contribution de prise en charge aux motifs qu’elle permettrait de financer des frais qui, autrement, devraient être couverts par cette contribution et une partie au moins de la prise en charge dont l’enfant a besoin et fournie par le parent s’occupant de lui serait déjà compensée financièrement. Plusieurs auteurs de doctrine se sont ralliés à cette opinion (not. GEISER Thomas, Aufgaben der KESB beim Unterhalt, in RMA 2020 pp. 116 ss ; MEIER/STETTLER, Droit de la filiation, 6e éd. 2019, p. 926 n° 1400).

La Cour suprême du canton de Zurich s’est quant à elle distanciée de cette opinion, estimant que les dépenses supplémentaires dues au handicap ne se produisent pas seulement pendant les heures d’activité professionnelle, contrairement à ce qui prévaut pour la contribution de prise en charge, mais aussi le matin, le soir, la nuit, les week-ends et les vacances. De plus, le parent qui prend en charge l’enfant peut se faire aider par des tiers pour ces dépenses supplémentaires. Compte tenu du but de l’allocation pour impotent, celle-ci n’a donc rien à voir avec l’entretien de la prise en charge selon le nouveau droit d’entretien de l’enfant et est versée pour compenser financièrement les frais de prise en charge de l’enfant liés à son handicap (arrêt du TC Zurich du 22 avril 2022, LZ210020, c. 2.9).

Le Tribunal fédéral estime que le raisonnement de la Cour suprême du canton de Zurich est convaincant et doit ainsi être suivi. 

Il ajoute que déduire l’allocation pour impotent de la contribution de prise en charge engendrerait un traitement injustifié dépendant de l’état de santé de l’enfant. En effet, admettre une telle déduction conduirait à ce qu’un parent prenant en charge un enfant impotent ne pourrait pas conserver le plein montant de la contribution de prise en charge, tout en se privant de revenus d’une activité lucrative et en devant s’assurer de la couverture financière de besoins spéciaux de l’enfant, alors que, le parent d’un enfant ne se trouvant pas en situation d’impotence recevrait non seulement une contribution de prise en charge non réduite mais n’aurait pas non plus à s’assurer de la couverture de besoins spéciaux résultant de l’impotence.

Ainsi, le Tribunal fédéral arrive à la conclusion que la décision attaquée ne contrevient pas à l’art. 285 al. 2 CC et rejette le recours. 

Proposition de citation : Florence Perroud, L’allocation pour impotent pour enfant et l’entretien convenable, in : www.lawinside.ch/1335/