La signature de l’enveloppe contenant le testament

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TF, 19.07.2023, 5A_133/2023*

La mention du nom du de cujus sur l’enveloppe contenant un testament dépourvu de signature remplit l’exigence formelle de signature inhérente à la forme olographe (art. 505 al. 1 CC) seulement s’il existe un lien particulier entre l’enveloppe et le reste du testament tel que la première paraît être la conclusion du deuxième.

Faits

Dans son testament olographe, un de cujus institue sa cousine comme unique héritière. Bien que le de cujus ait mentionné son prénom et nom en tête du testament, celui-ci est dépourvu de signature à la fin du texte. Le testament a été inséré dans une enveloppe fermée, mentionnant “Testament” suivi du prénom et du nom du de cujus en majuscule ainsi que du lieu de rédaction. L’enveloppe a ensuite été déposée auprès de l’autorité compétente en vue de sa conservation.

Ensuite de l’ouverture de la succession, la sœur du de cujus intente une action en annulation du testament. Après que l’annulation du testament a été admise par la dernière instance cantonale, l’héritière instituée dépose un recours en matière civile auprès du Tribunal fédéral, lequel doit examiner la validité formelle d’un testament olographe dépourvu de signature lorsque le nom du testateur ne figure que sur l’enveloppe contenant le document.

Droit

L’art. 505 al. 1 CC prévoit que le testament olographe est écrit en entier, daté et signé de la main du testateur ; la date consiste dans la mention de l’année, du mois et du jour où l’acte a été dressé. En outre, l’art. 520 CC prévoit que les dispositions entachées d’un vice de forme sont annulées.

L’exigence de signature relative aux testaments olographes permet notamment de s’assurer que le document comprend l’intégralité des dispositions pour cause de mort du de cujus et d’attester le caractère définitif du testament (fonction de reconnaissance). En outre, la position de la signature doit démontrer la relation entre celle-ci et la déclaration de volonté qu’elle confirme. La signature se situe par conséquent généralement à la suite du texte du testament.

Le Tribunal fédéral souligne néanmoins qu’un testament olographe peut satisfaire à l’exigence formelle de signature lorsque le de cujus a uniquement apposé sa signature sur l’enveloppe contenant le testament, à la condition qu’il existe un lien clair entre l’enveloppe signée et son contenu. Pour considérer que l’inscription présente sur l’enveloppe contenant le testament constitue la signature du de cujus et non seulement une désignation du contenu de l’enveloppe, le Tribunal fédéral exige que le lien entre l’enveloppe et le testament soit tel que le document contenu dans l’enveloppe soit considéré comme le début du testament et l’enveloppe comme la suite et la conclusion du testament. Le lien entre l’enveloppe sur laquelle se situe la signature ou la dénomination et le testament dépourvu de signature s’apprécie indépendamment de toute circonstance extérieure.

En l’espèce, le Tribunal fédéral retient que le simple fait qu’un testament soit scellé dans une enveloppe et déposé à des fins de conservation auprès de l’autorité cantonale compétente ne permet pas d’établir le lien nécessaire entre une inscription nominative sur l’enveloppe et le testament non-signé qu’elle contient. De plus, l’inscription du mot « Testament » suivi du nom du de cujus (même en majuscules) ainsi que du lieu de rédaction des dispositions pour cause de mort n’est pas non plus suffisant pour considérer que l’enveloppe constitue le prolongement et la conclusion du testament qu’elle contient. Par surabondance, le Tribunal fédéral relève que le de cujus aurait eu suffisamment d’espace sur la feuille du testament pour pouvoir y apposer sa signature. Par ailleurs, la répétition sur l’enveloppe de l’indication de lieu déjà contenue dans le document est elle aussi un indice permettant de considérer que l’inscription figurant sur l’enveloppe n’est qu’une indication sur le contenu de celle-ci et non le prolongement de son contenant. Fort de ces développements, le Tribunal fédéral retient qu’en l’espèce, il n’existe pas de lien suffisant entre l’enveloppe et le testament pour considérer que l’inscription nominative figurant sur l’enveloppe constitue la signature du testament qu’elle contient. En conséquence, le Tribunal fédéral considère que le testament, faute de respecter les exigences formelles liées à la signature d’un testament olographe, doit être annulé. Le recours est rejeté.

 

Proposition de citation : Victor Sellier, La signature de l’enveloppe contenant le testament, in : www.lawinside.ch/1367/