L’invocation de la compensation dans deux procédures parallèles

ATF 141 III 549 | TF, 23.11.15, 4A_221/2015*

Faits

Un maître d’ouvrage conclut deux contrats différents avec un entrepreneur. L’un porte sur la réalisation d’un parking souterrain pour 10 millions de francs et l’autre sur la rénovation d’un stade sportif pour 20 millions de francs. Le maître de l’ouvrage paie plusieurs acomptes, mais des litiges surviennent lors de la facturation finale des deux ouvrages. L’entrepreneur dépose alors une action en paiement pour chaque ouvrage. Dans les deux procédures, le maître d’ouvrage fait valoir la compensation avec une créance résultant de la construction du stade sportif. Le présent litige ne concerne que le parking souterrain.

Dans la procédure concernant le parking souterrain, le tribunal de première instance refuse l’invocation de la compensation et condamne le maître d’ouvrage à payer la somme de 250’000 francs, ce que le Tribunal cantonal confirme. Le maître d’ouvrage saisit alors le Tribunal fédéral qui doit en particulier déterminer si on peut faire valoir la compensation dans une procédure alors que la créance compensatrice fait l’objet d’un autre procès pendant.

Droit

L’instance précédente avait notamment considéré que l’art. 153 al. 1 de la norme SIA 118, à laquelle le contrat était soumis, excluait l’invocation de la compensation par les parties.… Lire la suite

La prévoyance professionnelle lors du divorce d’époux mariés avant 1995

ATF 141 V 667 | TF, 03.11.15, 9C_266/2015*

Faits

Un couple marié depuis 1993 divorce. S’agissant de la prévoyance professionnelle, le jugement de divorce prévoit la répartition par moitié des prestations de sorties des conjoints. L’affaire est déférée au tribunal compétent pour qu’il statue sur le montant de la créance en partage de la prévoyance professionnelle.

Le prononcé sur le montant susmentionné est contesté devant le Tribunal fédéral. Il se pose en particulier la question de la méthode de détermination de la créance en partage de la prévoyance professionnelle pour des époux qui se sont mariés avant l’entrée en vigueur de la Loi fédérale sur la prestation de libre passage (LFLP).

Droit

En cas de divorce, l’art. 122 al. 1 CC prévoit que lorsque l’un des époux au moins est affilié à une institution de prévoyance professionnelle et qu’aucun cas de prévoyance n’est survenu, chaque époux a droit à la moitié de la prestation de sortie de son conjoint calculée pour la durée du mariage selon les dispositions de la LFLP. Lorsque les conjoints ont des créances réciproques, seule la différence entre ces deux créances doit être partagée.

La prestation de sortie calculée pour la durée du mariage correspond à la différence entre la prestation de sortie augmentée des avoirs de libre-passage au moment du divorce et la prestation de sortie augmentée des avoirs de libre-passage qui existait au moment du mariage (art.Lire la suite

L’omission dans l’atteinte à la personnalité et le droit applicable

ATF 141 III 513 | TF, 09.11.15, 5A_963/2014*

Faits

Un résident suisse est président du conseil de surveillance d’une société lettone active dans le domaine du pétrole. Dans une information destinée aux médias lettons et également publiée sur Internet, la société lettonne critique une société suisse. La société suisse ouvre action en constatation d’atteinte à la personnalité devant les tribunaux suisses à l’encontre du président du conseil de surveillance de la société lettonne.

Le tribunal de première instance a constaté que l’affirmation «  [la société suisse] uses blackmailing tactics » était illicite et violait les droits de la personnalité de la société suisse. Le président du conseil de surveillance recourt devant le Tribunal cantonal puis devant le Tribunal fédéral qui doit déterminer le droit applicable et les conditions de la légitimation passive.

Droit

Le Tribunal fédéral commence par établir le droit applicable. Il constate que la divulgation des informations a eu lieu à l’étranger ce qui comporte un élément d’extranéité. En revanche, le domicile des deux parties est situé en Suisse, ce qui conduit à l’application du droit suisse conformément à l’art. 133 al. 1 LDIP. Le droit suisse détermine en particulier les conditions de la responsabilité, dont font partie l’illicéité et la causalité.… Lire la suite

L’autorisation d’exploiter des découvertes fortuites

ATF 141 IV 459TF, 10.11.2015, 1B_274/2015*

Faits

Un garde-chasse valaisan est mis sous surveillance téléphonique dans le cadre d’une instruction pénale pour vols et/ou dommages à la propriété. Au cours des écoutes téléphoniques, il est découvert que le garde-chasse aurait volontairement omis de dénoncer des violations à la LChP, ce qui pourrait être constitutif d’entrave pénale (art. 305 CP). L’autorisation d’exploitation des découvertes est admise par le Tmc, puis confirmée par la Chambre pénale.

Saisi d’un recours du garde-chasse, le Tribunal fédéral doit se déterminer sur les conditions de l’exploitation de découvertes fortuites résultant de la surveillance téléphonique.

Droit

L’art. 278 al. 1 CPP dispose que si, lors d’une surveillance, d’autres infractions que celles qui ont fait l’objet de l’ordre de surveillance sont découvertes, les informations recueillies peuvent être utilisées à l’encontre du prévenu lorsqu’une surveillance aurait pu être ordonnée aux fins de la poursuite de ces actes. Consacrées à l’art. 269 al. 1 CPP, les conditions auxquelles est subordonnée la surveillance de la correspondance par poste et télécommunication sont les suivantes : (let. a) de graves soupçons que l’une des infractions visées à l’alinéa 2 a été commise, (let. b) la mesure se justifie au regard de la gravité de l’infraction, (let.… Lire la suite

La restriction de la liberté des médias dans une procédure pénale

ATF 141 I 211 | TF, 06.11.2015, 1B_169/2015*

Faits

Lors d’une procédure pénale, un juge unique prononce une décision qui impose aux chroniqueurs judiciaires de préserver l’anonymat du prévenu, en interdisant notamment de publier son nom, des photos le concernant, son âge et son domicile. La violation de la décision est sanctionnée par une amende d’ordre de 1000 francs.

Contre cette décision, un chroniqueur judiciaire recourt à l’Obergericht du canton de Zurich qui admet partiellement le recours.

Le chroniqueur judiciaire interjette un recours en matière pénale auprès du Tribunal fédéral qui doit se prononcer sur la question de savoir si la décision du juge unique repose sur une base légale.

Droit

La liberté des médias est garantie (art. 17 Cst.). La décision du juge unique interdisant au chroniqueur judiciaire de publier des informations sur le prévenu est une ingérence dans la liberté des médias, dont la restriction nécessite une base légale (art. 36 Cst.). Une restriction grave doit reposer sur une base légale claire et précise résultant d’une loi au sens formel.

L’art. 69 CPP concrétise l’art. 30 al. 3 Cst. et consacre le principe de la publicité des débats. Du fait que les citoyens ne peuvent assister de manière permanente aux débats, c’est aux médias de les retranscrire dans leurs chroniques judiciaires afin de rendre la justice transparente au public.… Lire la suite